schizophrenie pathologie  - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Dominique Giffard -

 FORMATION DE BASE POUR SOIGNANT

 

schizophrénie  et  MALADIE  SCHIZOPHRÉNIQUE

 

 

 

Définition de la schizophrénie

 

La schizophrénie est une pathologie de la personnalité. On aura une déstructuration du système de la personnalité, amenant une incohérence à la fois mentale et au niveau des conduites psychologiques, c'est à dire la manière de se comporter ou d'être. La vie psychique perd son unité, sa stabilité pour aboutir à la dissociation (syndrome dissociatif). On aura également une altération des capacités associatives.

La pensée du schizophrène ("être humain s'étant construit un système de relation à l'autre de type schizophrénique") est définie comme autistique, sans référence aux autres, coupée de tout contact avec la réalité. Le contenu de la pensée autistique est fait d'expressions symboliques des complexes inconscients: le délire.

Le délire est un processus secondaire à la désintégration de la vie psychique.

On trouvera donc de ce fait dans la schizophrénie deux choses:

  1. Syndrome de dissociation...         ...Processus primaire;

  2. Délire...                                        ...Processus secondaire.

 

Le schizophrène ne construit pas son monde en relation avec les autres. Sa pensée se replie sur elle-même et se nourrit des complexes inconscients, au lieu de se nourrir des échanges relationnels.

 

L'école française de psychiatrie ajoute à cette définition la notion d'évolution chronique, et de trouble profond de l'affectivité. Les troubles de l'affectivité sont de l'ordre de l'indifférence, de l'apathie, des sentiments paradoxaux, et ils finissent par entraîner un affaiblissement de l'intelligence. L'aboutissement d'une évolution schizophrénique s'apparente à la démence. Ainsi se distinguent la paranoïa, la bouffée délirante, la psychose hallucinatoire chronique, que les anglo-saxons englobent indistinctement dans les troubles de la personnalité.

 

On peut caractériser la schizophrénie par ces 5 notions:

  1. Ambivalence;

  2. Autisme;

  3. Idées délirantes;

  4. Perturbation affective;

  5. Étrangeté.

 

Conditions étiopathogéniques

 

Il faut retenir l'aspect multidimensionnel quant aux conditions de survenue.

Il est important aussi de faire une approche étiodialectique de la situation, en ce qui concerne les milieux intérieur et extérieur. C'est une maladie assez fréquente, représentant près de 1% de la population. La schizophrénie apparaît chez les adultes jeunes (entre 18 et 30 ans), des deux sexes.

 

Les hypothèses génétiques : dans une fratrie de schizophrènes, on retrouve 10% de schizophrènes. Au niveau des jumeaux vrais, on note 30 à 50% de concordance. Il est donc admis qu'existe un potentiel génétique. Mais d'autres facteurs joueront leur rôle sur ce terrain privilégié.

 

Le morphotype : personnage rond, petit... Ou alors longiforme (50%).

 

Facteur caractériel : on note le caractère schizotyme "normal" (inhibé, humeur renfermée, décharge impulsive et inadéquate, rêveur), qui deviendra pathologiquement schizoïde par accentuation (isolation, rigidité caractérielle, raisonnement morbide, désadaptation sociale).

Dans 30% des cas on note d'autres caractères (caractères hystériques, paranoïaques... etc.).

 

Neurobiologie : on pense que dans la schizophrénie il y a une hyper-sécrétion de la dopamine. Les neuroleptiques, antagonistes de la dopamine, agissent sur cette maladie.

 

Psychosocial : il y a beaucoup d'écoles différentes dans le monde.

 

Formes de début de la schizophrénie  (on en compte 4 )

 

1/ Modes de début progressif

 

On peut observer au départ l'un des trois cas suivants:

  1. Schizoïdie évolutive : c'est la personnalité schizoïde de base, évoluant avec une perte de vitesse, un désintérêt, une inhibition. On note les symptômes de la schizoïdie (isolation, rigidité caractérielle, désadaptation sociale...) avec par exemple une perte du rendement scolaire, un désintérêt dans le travail, une flânerie dans la vie quotidienne ou même une totale incurie. Il y aura des modifications de l'affectivité, avec indifférence aux peines et aux joies habituelles, sentiments paradoxaux, hostilité envers la famille (agie ou non), replis. On note une modification du caractère (taciturne, sauvage...). Cela reprend en gros le tableau de l'adolescent "normal". Le sujet n'arrive plus à assumer les activités habituelles de sa vie: hygiène, nourriture, sommeil, gestion du budget, relations familiales et sociales, travail... etc.

  2. Forme pseudo-névrotique : vers 18 - 20 ans apparaît un signe névrotique, défense ultime avant l'envahissement psychotique (phobie, hystérie, comportement obsessionnel...). On note ainsi au commencement, des caractères hystériques, ou des formes obsessionnelles, de névroses d'angoisse. Il n'est pas toujours facile de distinguer les formes d'entrée dans la schizophrénie, des symptômes de la maladie concernée. On notera néanmoins parfois des symptômes de dépersonnalisation, des délires d'influence, de la bizarrerie ou des expériences de morcellement, en fait tout ce qui rappelle la psychose.

  3. Caractère pré-schizophrénique : (ou héboïdophrénie). Se manifeste par une pathologie d'allure perverse mais avec épisodes dépressifs et délirants. L'héboïdophrénie n'est pas toujours facile à distinguer de la psychopathie. Cependant l'héboïdophrène n'a pas eu d'histoire particulière, pas d'abandon et les comportements apparaîtront chez lui de manière relativement soudaine.

2/ Modes de début aigu

 

3/ Formes cycliques

 

Petit à petit on voit s'instaurer toute la pathologie schizophrénique, par cycles successifs.

 

4/ Modes de début mono symptomatiques

 

Formes cliniques

 

Hébéphrénie : aussi appelée démence précoce. Cette pathologie survient chez le sujet jeune. Elle est caractérisée par l'indifférence, la puérilité. Les relations du patient sont très capricieuses.

 

Hébéphrénocatatonie : schizophrénie où les troubles psychomoteurs sont au premier plan. On observe une perte de l'initiative motrice.

On note entre autres: 

Schizophrénie simple : la personne est en retrait, solitaire. Elle est dans une grande indifférence à l'égard de la vie (la sienne comme celle des autres).

 

 

Période d'état

 

On décrit deux grands syndromes: la dissociation et le délire. Ces deux syndromes évoluent sur un fond commun: la discordance. La désintégration de la personnalité va se traduire par la dissociation, et l'expression de l'inconscient se fera par le délire, résultant de la désintégration.

 

De tout cela, il faut principalement retenir:

 

Forme typique paranoïde  (évolue très souvent vers la chronicité)

 

Le syndrome de discordance est l'association des 4 symptômes déjà cités:

  1. ambivalence : c'est un symptôme majeur. C'est le partage contradictoire de tout le psychisme du sujet. Mélange de désir et de crainte, figeant le sujet dans un conflit permanent. Le schizophrène sera paradoxal, hésitant, apragmatique (incapacité à élaborer un désir);

  2. bizarrerie : illogisme, étrangeté... etc;

  3. impénétrabilité : sensation d'hermétisme perçue au contact du malade (on ne peut donner un sens à son acte);

  4. détachement : vécu d'introversion, retrait du sujet.

 

Le syndrome de discordance s'exprime dans 3 sphères:

 

1. Sphère de la pensée

 

La discordance s'y manifeste par des troubles de l'attention, de la capacité de concentration, et des troubles de la mémoire (la mémoire est diminuée, élective). On note des associations d'idées qui paraissent cocasses.

  • Les troubles du cours de la pensée: il y aura des barrages dans le langage (arrêt brutal), ou un "fading mental" (barrage moins brutal. Le cours de la pensée se ralentit, avec coupures). Il peut y avoir aussi une stagnation du cours de la pensée;

  • Distorsion du système verbal: monologues, altérations phonétiques (voix chuchotées, mots télescopés, néologismes);

  • Distorsion de l'écriture: façon spéciale d'écrire, sans chercher à transmettre à autrui (peut écrire sur le côté de la page, puis à l'envers...);

  • Distorsion du système logique: système délirant, magique.

2. Sphère affective

  • Altération de l'élan vital. On ressent chez ces malades une espèce d'indifférence, un manque d'émotions: c'est l'athynormie. Ces sujets refusent le contact avec l'extérieur, et on sent la communication impossible: c'est le nihilisme;

  • Régression instinctivo-affective : le sujet va agir impulsivement, désirant retourner dans un système de fusion avec la mère.

3. Sphère du comportement

 

On va souvent voir se manifester l'ambivalence au niveau corporel par une catatonie (syndrome psychomoteur comportant des phases d'immobilité et de mutisme, des phases de passivité et d'imitation, et des phases expressives avec maniérisme et bouderie). Le maniérisme, la bizarrerie, et le théâtralisme du malade s'expriment dans le corps.

 

Le délire paranoïde

 

Vécu délirant.

 

On le voit se manifester dans des bouffées délirantes. Mais avant de pouvoir diagnostiquer la schizophrénie, il faut que le sujet ait fait plusieurs bouffées délirantes. Le vécu délirant associe 3 expériences:

  1. Expérience d'étrangeté : pour le sujet, ce qui est autour de lui est modifié. C'est l'expérience sensible même du malade qui est modifiée. En règle générale, c'est un instant angoissant que cette perte des références antérieures (notons que parfois c'est une expérience exaltante). On retrouve-là des phénomènes d'illusion, d'intuition. Le sujet a des hallucinations sensorielles riches;

  2. Expérience de dépersonnalisation : c'est l'expérience d'étrangeté qui se joue dans le corps. Donne l'impression d'un morcellement du corps. Effraction complète du corps somatique par le biais du psychisme qui a tout retransformé, retravaillé;

  3. Expérience d'influence et d'automatisme mental : se traduit par une sensation de téléguidage de la pensée. Le sujet parle de fluide, d'ondes... etc. Hallucinations psychosensorielles (ou psychiques). Cette expérience d'influence est sous-tendue par un automatisme mental, qui est la production spontanée, involontaire et mécanique d'idées et d'actions qui s'imposent au sujet. On note alors des sensations parasites (non-reconnues par le sujet), un automatisme ideïque ("obligation" de penser à la même chose), le dédoublement mécaniste de la pensée (quand il pense, ou qu'il agit, il entend un commentaire:"tiens, il est ennuyé!", "tiens, il mange!"), le petit automatisme mental (velléité abstraite, vécu hypothétique...).

Le délire autistique

 

Sur ce vécu délirant s'élabore un délire autistique. Sur la dépersonnalisation par exemple, le sujet va élaborer des délires de thème hypocondriaque pour rationaliser (la rationalisation est une défense de l'inconscient qui consiste à utiliser une explication rationnelle trouvée a posteriori pour justifier un délire ou un comportement). Sur l'influence, le délire sera la persécution mais de manière plus floue, moins systématisée que le délire du paranoïaque. Dans les délires paranoïdes, le sujet projette de tous les côtés, sans direction. Le langage est pauvre, incohérent, abstrait et symbolique. En règle générale son évolution va vers la pauvreté, la stéréotypie des termes.

 

 

Formes terminales non traitées

 

Évolution vers la désagrégation profonde, vers une vie végétative, une dégradation généralisée. Incohérence idéo-verbale. On note une grande fréquence de mortalité (15 à 20%). Le rôle de l'infirmier psychiatrique est de donner des repères aux schizophrènes: ces derniers cherchent des modèles pour combler leurs vides psychiques. Les référents sont ici conseillés. La schizophrénie peut même évoluer vers la "schizophasie": le délire va devenir progressivement de l'affabulation pauvre, stéréotypée. Les hallucinations sont remplacées par le soliloque (rumination mentale).

 

 

Diagnostic et pronostic

 

Il faut rechercher les 4 éléments fondamentaux, et surtout l'ambivalence et la discordance. Il faut noter l'aspect déréel du conflit qui habite le malade, et la mauvaise qualité de l'affect (par exemple le patient rit en évoquant son souhait de mourir).

 

Le pronostic est important quand il y a des antécédents, comme des angoisses majeures lors de l'adolescence ou pendant l'enfance. L'allure clinique permet aussi de bien poser le pronostic, comme par exemple dans les formes cycliques où le pronostic sera comparativement assez bon. De même aura t'on un meilleur pronostic dans les formes aiguës de début schizophrénique, ou lors des formes dysthymiques. Il faut savoir aussi qu'une bonne réponse au traitement implique un bon pronostic.

 

 

Traitements

 

Méthodes organicistes

 

Ce furent souvent des méthodes de choc comme l'electrochoc (ou sismothérapie), la cure de sakel, mais qui ne marchent pas. Pourtant, il est arrivé que la cure de sakel apporte quelques améliorations, surtout de manière passagère (c'est une méthode de traitement fondée sur la répétition de chocs hypoglycémiques provoqués par injection d'insuline). On a pratiqué aussi le "choc humide", avec des doses moins fortes d'insuline et un maternage.

De même étaient pratiquées jusque vers la fin des années 1960 les lobotomies (interventions chirurgicales sur le cerveau, dans le but de sectionner le faisceau reliant le lobe frontal au diencéphale).

Les méthodes organicistes actuelles pour traiter la schizophrénie sont à base de psychotropes (substances pharmacologiques dont l'action principale s'exerce au niveau du système nerveux central et indirectement mais régulièrement sur le psychisme) et principalement les neuroleptiques (réducteurs de l'activité psychique avec action anti-hallucinatoire et anti-délirante). Ceux-ci doivent s'inscrire dans une relation thérapeutique. Les électrochocs sont à nouveau utilisés depuis la fin des années 1990.

 

Méthodes psychothérapeutiques

 

On note 2 principes : qu'elles favorisent la régression et qu'elles soient "restitutives", cela veut dire qu'il doit y avoir un retour vers le patient sur ce qui se dit, se fait. On ne le laisse pas seul avec ses angoisses, son vécu. Les entretiens infirmiers auront ici toute leur pertinence.

 

La régression est importante pour briser l'isolement du sujet. On lui montre qu'il existe (que lui-même existe en tant qu'individu séparé et autonome), et on permet de valider ses perceptions. Il y a 2 niveaux à cette thérapie: le niveau individuel et le niveau institutionnel. L'hôpital est un lieu inaltérable vis à vis duquel le malade va pouvoir entretenir une relation. Le soin pourra s'exprimer ici par la psychothérapie institutionnelle. C'est ce qu'on appelle l'accompagnement du malade. La relation individuelle est le temps où s'échange un message avec le sujet. Elle est soumise à l'interprétation. Ce qu'amène le malade est toujours au niveau du symbolique. Il faut alors être stable dans la relation et ne pas autoriser l'imprévu. La thérapie individuelle doit permettre au sujet de récupérer un statut autre que le statut de fou qu'il avait dans la famille. On lui fait réintégrer sa place de sujet.

 

 

 

Liens utiles:

 PSYCHIATRIE INFIRMIÈRE : PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE

Interventions orales de Me Deleage et Mr Bon, mars 87

Écrit, mis à jour, complété par Mr D. Giffard

pour le site "Psychiatrie Infirmière" : 

http://psychiatriinfirmiere.free.fr/,

références et contact e-mail.

bibliographie

 

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