depression pathologie adulte - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Mr Dominique Giffard -
dépression de l'adulte
Introduction
La dépression est à la fois un symptôme et un syndrome. Elle se rencontre dans toutes les affections, en épisode inaugural ou au cours du développement. Elle peut aussi être une maladie psychiatrique à part entière. C'est d'ailleurs l'une des maladies psychiatriques les plus répandues, qui chaque année touche près de 8 % des Français âgés de 15 à 75 ans (enquête ANADEP 2006 intitulée: "dépression en population générale"). Rien qu'en France, huit millions de personnes (soit environ 19% des adultes) ont vécu, vivent ou vivront une dépression au cours de leur vie.
Certains produits (par exemple les corticoïdes) peuvent entraîner une dépression.
La dépression est associée au suicide.
Symptômes généraux
Dysphorie (ou tristesse pathologique). C'est un vécu douloureux dans le regard que le sujet porte sur lui-même. Sentiments de culpabilité, de dévalorisation;
Inhibition psychique. Manifestée par un ralentissement des processus intellectuels, instinctuels. Lenteur dans l'idéation, diminution de la faim, des désirs sexuels...
Anxiété. Peur de la perte, de l'abandon. Se manifeste par un vécu de perte, ou de façon impulsive dans des conduites suicidaires;
Symptômes somatiques, biologiques et comportementaux. Souvent isolés, rendant difficile la pose du diagnostic. On voit par exemple des troubles du sommeil isolés avec fatigue le soir, ou réveil très précoce accompagné d'anxiété, des dysomnies, des insomnies, des troubles digestifs, une constipation chronique, des troubles neurovégétatifs (baisse du rythme cardiaque, hypotension...), des troubles du langage... etc.
Affinement de l'étude clinique
Formes monosymptomatiques
Typiques
Dépression simple. Se manifeste alors une asthénie physique ou psychique. Sensation d'épuisement. Asthénie affective;
Mélancolie anxieuse. Dominée par le vécu angoissant de la situation, avec culpabilité et crainte d'une catastrophe. Aucune recherche d'aide et donc grand risque de suicide.
Atypiques (ce sont des formes qui échappent aux symptômes généraux et dont on ne perçoit pas le vécu dépressif.)
Neurasthénie. Personnalité hystérique de base qui s'exprime dans son corps par un mal être;
Psychasthénie;
Forme caractérielle. C'est un mécanisme de défense;
Forme jalouse;
Forme pseudo démentielle.
Graves (à cause du risque suicidaire)
Forme stuporeuse. La personne est figée;
Forme délirante. C'est une mélancolie atypique et grave. Les thèmes sont toujours horribles (damnation, enfer...), les mécanismes sont intuitifs et coincés ("parce que c'est comme ça!"), la structure est pauvre et répétitive. C'est dans cette forme que se voit le suicide altruiste.
Démarche diagnostique
Elle doit s'appuyer sur la psychiatrie de base mais aussi évoquer tous les diagnostics différentiels (causes somatiques entre autres). Ainsi devant une mélancolie stuporeuse, toujours se poser la question d'une surcharge médicamenteuse. Penser aussi au tableau de confusion mentale. La pathologie somatique peut, chez les personnes âgées, décompenser la structure psychique.
Classification des dépressions
Endogènes (ou psychotiques)
Cas des PMD (ou psychose maniaco dépressive").
Exogènes (ou symptomatiques)
Névrose. Symptôme dans une structure névrotique.
Schizophrène. Symptôme dans une structure schizophrénique.
Paranoïaque. Symptôme dans une structure paranoïaque.
Ces symptômes sont réactionnels à des évènements extérieurs, comme la confrontation à la loi pour le sujet paranoïaque ("être humain s'étant construit un système de relations à l'Autre de type paranoïaque") ou la séparation d'avec les parents pour le schizophrène ("être humain s'étant construit un système de relations à l'Autre de type schizophrénique").
Dépression masquée
Dépression qui s'exprime dans le corps sans qu'il y ait de vécu dépressif. Quand on traite le côté dépressif, le côté somatique se rétablit.
Dépressions névrotiques
Caractérisées par un sentiment de perte ("avant, j'étais pas comme ça..."), avec angoisse dépressive où le sujet revit un abandon. On observe chez ces déprimés un centrage narcissique, une honte. Le symptôme dépressif vient combler le vide et le manque. Le fonctionnement du névrosé est très répétitif. A l'occasion de ces dépressions, on peut voir apparaître des symptômes névrotiques, comme les traits obsessionnels, phobiques et hystériques.
Le sujet déprimé cherche des relations d'objet narcissiques, des relations en miroir, pour le soutien, qui évitent de rechercher des Objets d'identification.
Il aura parfois recours à des défenses maniaques (pour combler le manque intérieur, on essaie de gérer la réalité).
Psychothérapie
Elle sera basée sur le principe de la communication, non directive. Mais il ne sera pas toujours possible d'entrer en communication avec un sujet mélancolique par exemple, à moins de ne parler que de lui, ce qui n'est pas souhaitable. Il doit y avoir un respect des défenses du malade car il va tester la relation que l'on a avec lui. Il faudra colmater le narcissisme, et donc engager plutôt dans ce cas une thérapie de soutien, plus directive. Durant l'entretien infirmier il faudra éviter les discours de valeur.
réflexion psychiatrique
"Comment faire, un fois la relation fusionnelle (avec la mère) terminée, pour éviter la dépression ?"
Un des moyens est de somatiser, un autre de répéter (l'élément dépressif).
La notion de dépression tourne autour de la problématique de la perte. Sigmund Freud, dans "Métapsychologie", l'inclut dans un processus de deuil. Le dépressif vit dans la perte d'un Objet très aimé et idéalisé. Mélanie Klein, dans la phase dépressive du 8ème mois, parle de l'enfant qui ne pourra plus être le premier Objet d'amour de la mère. Toutes les expériences dépressives ou de rupture dans la vie seront constituées en dépendance de la phase dépressive du 8ème mois. Si l'enfant n'arrive pas à réinvestir dans un deuxième temps sa mère de façon satisfaisante, on pourra alors parler de structure dépressive infantile, amenant le sujet à s'appuyer sur son entourage au fur et à mesure de son développement.
Chronologie du processus de deuil
Perte d'un Objet cher;
Une fois l'Objet perdu, il y a constitution d'un Objet interne de remplacement (c'est le sens que prend la boulimie quand on se sent déprimé). Il peut y avoir tentative d'identification à l'Objet perdu (adoption de tics...). Cet Objet intériorisé est alors "bon" ou "mauvais". La perte provoque des sentiments ambivalents vis à vis de l'Autre et vis à vis de soi, de son Narcissisme (culpabilité). Si l'ambivalence est trop importante, il pourra y avoir un délire de culpabilité amenant la mélancolie (la mélancolie est toujours délirante). Et alors seule la mort semblera pouvoir effacer la "faute";
Le deuil se fera si cet Objet intériorisé est désinvesti au profit d'un autre Objet. On retrouve là-encore la culpabilité.
Les personnalités à fort Idéal du Moi seront plus dépressives. Ces personnes n'arrivent pas à faire le deuil d'une image trop idéalisée du Moi.
On peut aussi se poser la question de la place de la dépression dans la psychose: la dépression peut-elle y être créatrice de guérison? Toute expérience de la perte, si elle est vécue, est une expérience de re-élaboration interne et psychique. Ce qui garde le mieux en vie c'est la pensée, l'élaboration mentale. Il y a chez chaque individu la création d'Objets imaginaires. Les Objets imaginaires du dépressif ressemblent aux Objets imaginaires du délirant. Si dans la dépression l'Objet aimé n'existe plus, le sujet peut se rebeller et le remplacer par un Objet hallucinatoire psychotique (Objet merveilleux). Ce contournement pose la question du pourquoi.
Passage entre 2 types de représentations d'Objet
Objet fusionnel, merveilleux, ne facilitant pas l'identification;
Objet plus secondaire, permettant l'identification.
Il y a toujours un mouvement entre ces Objets, et une nostalgie d'un Objet primaire (la "Fée", la "Bonne Mère"). La dépression ne permettrait-elle pas, en progressant de manière constructive vers la régression, de faire le deuil de l'Objet imaginaire? C'est la question qu'on peut se poser. Et l'instant dépressif serait alors créateur de guérison.
Quoi qu'il en soit, le moment dépressif est à traiter avec beaucoup d'attention car il remet tout en jeu (attachements primaires à des Objets merveilleux).
L'espace est comme une enveloppe du Moi. Plus la réalité extérieure est menaçante, plus les ressources du Moi sont restreintes et plus l'enveloppe se rétrécit, pour ne devenir que l'enveloppe corporelle. C'est pour cela que certains malades, et pas seulement les dépressifs ou les mélancoliques, en viennent à ne plus sortir du lit.
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Retranscription d'un exposé oral de Mr Réal, fév 87 Écrit et complété par Mr Dominique Giffard pour le site "Psychiatrie Infirmière" : |
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