delire hallucination - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Mr Giffard -
délire, pathologie délirante
et hallucination
Introduction à la notion de délire
Le délire se situe entre d'une part la médecine psychiatrique et d'autre part la société, l'histoire de cette société et sa culture. D'un côté on aura donc les notions de soin, de guérison ou de pathologique et de l'autre seront les notions de fantasme, d'art, de religion... etc.
Le "symptôme délire" est un problème médical, qu'il faut relativiser en tenant compte de l'époque, du lieu, de la culture.
Le délire est aussi une pensée, qui prendra une orientation suivant la position de l'observateur, en tant que symptôme ou création. Le délire prend effet dans une notion de perte, comme reconstruction particulière d'un réel, de façon trop nette et sans ratés. Au moment où un délirant renonce à son délire, existe pour lui (et occasionnellement pour les autres) un risque très grand de conduite pathologique, de tentative de suicide, d'agression... etc. Car, sans sa reconstruction adaptée, le malade se retrouve face à un vide trop grand et contre lequel il n'a plus de protection.
Le délire est une révélation que l'on croit venir de l'extérieur mais qui est en fait originaire de l'intérieur du sujet. Jacques Lacan en a détaillé le mécanisme opératoire avec le concept de la forclusion du nom du père.
Certaines personnes situeront le délire dans le non-Moi, et d'autres le situeront partiellement dans le Moi. Les soignants "psy" de tendance analytique (psychanalystes, psychologues et psychiatres analytiques, infirmiers de secteur psychiatrique... etc.), et les artistes (du moins certains) se rejoignent quand ils reconnaissent l'origine du délire dans leur Moi. Mais il est beaucoup plus fréquent de rencontrer des personnes ayant attribué au non-Moi la cause de leurs délires.
- Le délire prend son sens par rapport à d'autres unités; c'est donc un symptôme;
- Dans le rapport qu'il a avec la réalité, le malade délirant se trompe; le délire est donc aussi une erreur.
Psychogenèse
Premier niveau : angoisse;
Deuxième niveau : projection;
Troisième niveau : retour (introjection, incorporation...).
Il sera toujours question de vide, et d'inquiétude.
Premier stade : déréalisation. L'Objet devient irréel, méconnaissable;
Deuxième stade : dépersonnalisation. Le sujet délirant ne se reconnaît plus: "est-ce bien moi?";
Troisième stade : délire. Les personnes qui l'entourent ne le reconnaissent plus. S'est alors rajoutée pour le sujet délirant, la notion de conviction.
Définition de l'hallucination
L'hallucination est la perception par l'un de nos 5 sens, sans l'objet. Trouble psycho-sensoriel majeur, elle entraîne la conviction totale du sujet qui réagit par l'adoption d'un comportement adapté (défense, fuite, angoisse... ou tentative de contact, de préhension, de contournement).
L'hallucination peut être auditive (verbale ou non), olfactive, gustative, tactile ou visuelle. Elle peut être également polysensorielle.
On peut distinguer les hallucinations élémentaires (lueurs, sons) des hallucinations complexes comportant des personnages, des paroles distinctes.
Associée à plusieurs pathologies psychiatriques comme la psychose hallucinatoire chronique, la schizophrénie ou la confusion mentale, l'hallucination s'observe également lorsqu'il y a excitation ou lésion des récepteurs sensoriels (otite, intoxication, tumeur, atteinte du système nerveux...).
Le delirium tremens comporte une phase hallucinatoire de type visuel et terrifiant (zoopsie). Mais il faut savoir que tous les sevrages peuvent s'accompagner d'hallucinations, qu'ils soient d'amphétamines, de stupéfiants, de toxiques...
L'hallucinose est une fausse perception sans la conviction du sujet. La personne critique son trouble, n'y adhère pas.
Le soignant face au délire (face à la souffrance, et non à l'anormalité)
Le délire est un moyen de ramener le réel à soi, quand il est vécu trop éloigné. De cette manière, il comble un vide (tout comme d'ailleurs la création, et la dépression...). Le soignant est confronté à l'être délirant, tandis que le créateur est confronté à l'expression de l'être délirant. Le soignant devra donner un sens, une signification du délire, avec ce qu'il connaît des références socio-culturelles de son patient, et en ayant toujours à l'esprit ses références personnelles, sa propre subjectivité, ses croyances d'homme ou de femme (par-delà le soignant, qu'il soit infirmier, médecin, ergothérapeute... etc.).
Les délires psychiatriques
Les délires aigus
Il faut distinguer le diagnostic de symptôme (dans le moment), du diagnostic de structure (beaucoup plus difficile à évaluer. Demande parfois des années). Notons aussi la distinction que l'école française relève entre les bouffées délirantes aiguës et les délires chroniques systématisés. Pour les nord-américains par contre, la nosographie laisse une très grande part à la schizophrénie, aux dépens particulièrement de la paranoïa.
Les caractères généraux du délire aigu sont très variés mais néanmoins soudains, brutaux, en rupture par rapport à l'histoire du sujet, et présentant un tableau riche mais provisoire.
Dans les délires aigus, nous avons:
Les affections somatiques à forme psychiatrique. Si le cas est relativement peu fréquent, il sera néanmoins nécessaire de faire un examen médical général avant de poser un diagnostic. De même, chez les personnes âgées, on aura tendance à voir un tableau de démence alors qu'il peut s'agir d'une simple déshydratation. Le facteur biologique exogène est supérieur dans ce cas au facteur psychique endogène. Il faut alors remarquer les signes associés, comme la souffrance, le changement de couleur, les troubles somatiques, la confusion... etc. Dans ces formes d'affections, notons par exemple les affections cérébrales organiques, donnant des "psychoses organiques" comme l'épilepsie, ou une tumeur cérébrale, un traumatisme, un trouble vasculaire cérébral. Penser aussi aux affections générales (neuroendocriniennes, maladies générales comme les fièvres par infection ou forte grippe) et enfin les intoxications aiguës (après tentative de suicide, prise de stupéfiants, inhalation accidentelle d'oxyde de carbone, alcoolisation, delirium tremens, prise d'amphétamines, d'éther, de médicaments, de "coupe faim", d'anti-tuberculeux, de digitaliques, de psychotropes, de barbituriques... etc.).
Les affections psychiatriques non-psychotiques. Il s'agira donc de pathologies névrotiques ou de cas "border line". On rencontre ainsi la 'psychose' puerpérale qui est un délire aigu non-psychotique après l'accouchement, les hystéries aiguës, l'hypocondrie aiguë, les névroses obsessionnelles... etc. dont les aspects sont parfois délirants.
La bouffée délirante aiguë (ou BDA). Elle pourra prendre toutes les formes (par opposition aux délires monomorphes), et aura donc des aspects très variables. On oppose la BDA au délire chronique car ce dernier est assez pauvre et très rigide, évoluant dans une seule direction. La BDA est globale, et touche toute la personnalité. Le sujet adhère alors totalement à son délire (à l'inverse du délire chronique) et son état affectif retranscrit bien le ressenti. On note un trouble de l'espace et du temps, et l'oubli une fois le délire fini. La BDA est une atteinte superficielle, qui n'altère pas la structure interne, quand bien-même garde t-elle un aspect spectaculaire. L'évolution est très favorable, sauf possibilités de récidives sur le même mode ou aggravation. Notons que l'aggravation tend à prouver à posteriori que le diagnostic de BDA n'était pas approprié (il pouvait alors s'agir de schizophrénie à son début).
Les poussées aiguës de psychose aiguë. La seule structure que l'on peut qualifier à la fois de psychotique et à caractère aigu est la psychose maniaco dépressive (ou PMD). On note deux aspects: le délire mélancolique aigu, et l'accès maniaque aigu. Ce sont des moments aigus, mais une PMD peut aussi ne jamais extérioriser de délires ou d'accès (maniaque ou mélancolique). Lors des délires, on note un négativisme complet par bouffées aiguës.
Les poussées aiguës de psychose chronique. On peut observer, sur le coup, une décompensation par exemple qui, parce qu'on ne connaît rien de l'anamnèse, prend une forme aiguë. C'est un délire aigu fait d'étrangeté et de discordance dans les cas des schizophrénies. Ca peut être aussi une poussée aiguë chez un paranoïaque, ou une psychose "guérie" (maladie dont l'évolution a été raccourcie par les progrès de la psychiatrie) qui nécessite un suivi relationnel infirmier et médical car seule l'évolution a été stoppée mais la pathologie n'a été que stabilisée, malheureusement provisoirement.
La notion de délire aigu a l'avantage de se limiter à un diagnostic de symptôme, lorsque par exemple on ne connaît pas tout de l'histoire de la pathologie. C'est un repère (et une précaution) que seule la nosographie française s'est donnée.
Les délires chroniques
Il y a ici une notion de temps, quantitativement et qualitativement. Pratiquement, si le délire est chronique, il ne diminue pas. Il ne s'agit plus d'idée délirante, mais d'une construction, un système délirant institué, et infiltré dans la personnalité. Le soin consistera seulement à "effacer" le délire. Mais paradoxalement, le délire apparaît ici délimité, petit, bien qu'intouchable. Le sujet ne change pas et sa personnalité reste apparemment indemne, jusqu'à ce qu'un affect soit plus gravement atteint.
Mécanisme au niveau purement psychiatrique :
Interprétation;
Illusion;
Hallucination.
Mécanisme au niveau analytique. Ils font partie des mécanismes psychotiques de défense du Moi:
Déni;
Clivage;
Projection.
Dans les délires chroniques, nous avons :
Les délires systématisés complets (ou paranoïaques). Ils sont pris dans le caractère de la personnalité, avec cohérence et clarté. En général, le délire apparaît lentement. Dans ces formes de délires, notons le délire de revendication, avec thème de préjudice et d'injustice, construit d'une manière très logique et rationnelle (inventeurs, idéalistes, sinistrés... etc.), le délire passionnel présentant délire érotomaniaque, de jalousie, sensitif, dont le sujet se présente comme un dépressif, avec un discours discrètement persécutoire: c'est le "délire de Kretschmer", entre paranoïa et dépression. Et enfin le délire d'interprétation, avec décryptage quasi systématique de tous les signes extérieurs et intérieurs: un exemple sera le délire de filiation.
Les délires systématisés partiels. Le délire concerne dans ce cas une partie de la personnalité. Notons ainsi la psychose hallucinatoire chronique (ou PHC): le sujet a un système limité d'hallucinations concernant l'un ou plusieurs des cinq sens. Par moments, il y a la survenue de ces hallucinations, avec un attachement et une fixation dans une idée quasi "obsédante". Le sujet paraît presque indifférent mais il y a néanmoins une participation affective. Le délire peut rester enkysté, ou s'aggraver. L'affect se met alors à déborder, le passage à l'acte devient possible. La PHC est une étape quasi-intermédiaire entre un système organisé (de type paranoïaque) et un système non organisé (de type schizophrénique). La PHC est néanmoins une forme rare, mais masquée. Les hallucinations auditives, tactiles ou profondes, sont celles dont la fréquence est la plus importante. Dans les délires systématisés partiels, notons aussi la paraphrénie (ou délire fantastique): les sujets qui en sont atteints ne consultent que rarement. Ils ont un délire partiel à base de constructions d'idées polymorphes et riches, tout en conservant un aspect réel adapté. Ces personnes ont des convictions absurdes, en spectateurs amusés de leurs propres délires, et dont les thèmes sont néanmoins souvent connus (templiers, Atlantide). Il n'y a pas de sens apparent, d'utilité évidente. Il y a par-contre un risque d'aggravation en se désagrégeant, pour se rapprocher de la schizophrénie.
Les délires non-systématisés (ou paranoïdes). Ne pas confondre avec le délire paranoïaque, qui lui est systématisé. Le délire est ici incohérent et polymorphe. Les délires non-systématisés concernent principalement les schizophrènes, où tout est double, ambigu, en opposition (le paranoïaque par-contre, est "UN"et absolu).
Conclusion
Toutes les catégories citées ci-dessus sont importantes à connaître mais il faut aussi savoir que les limites, au niveau pratique, ne sont pas formelles.
Les paranoïaques et les schizophrènes ont en commun une perte sans processus ou travail de deuil, un vide immense qui a été reconstruit par un délire chronique. Le paranoïaque est parvenu à reconstruire solidement et logiquement. Le schizophrène n'a pas cette maîtrise, cette logique.
Âge moyen d'apparition des délires
pathologies : |
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schizophrénie |
/ |
pmd |
/ |
paranoïa |
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paraphrénie |
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âge moyen : |
18 ans |
25 ans |
40 à 45 ans |
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Caractéristiques des délires
Délire: |
paranoïaque |
paraphrénique |
paranoïde |
Mécanisme: |
Interprétation et intuition |
Hallucination |
Hallucination |
Thème: |
Persécution |
Fantastique |
Mystique, toute puissance |
Structure: |
Clair, cohérent |
Luxuriant |
Pauvre, flou, incompréhensible |
Les hallucinations
Hallucinations sensorielles : visuelle, auditive, cutanée... le sujet est convaincu de la réalité de ce qu'il perçoit;
Hallucinations psychosensorielles : les sensations viennent de l'intérieur, du corps même du sujet;
Hallucinoses : le sujet a conscience du caractère pathologique de son hallucination.
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Retranscription d'un exposé oral de Mr Labasse, avril 86. Écrit, complété, mis à jour par Mr D. Giffard pour le site "Psychiatrie Infirmière" : |