paraphrenie    - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - texte de M. Anty -

 FORMATION DE BASE POUR SOIGNANT

 

paraphrénie

 

 

 

 

Définition et caractéristiques de la paraphrénie

 

Entre les délires de la paranoïa et les formes délirantes de la schizophrénie, existe un groupe important de délires dus à une pathologie nommée paraphrénie. Cette maladie psychiatrique est classée dans les psychoses chroniques de l'adulte.

 

La paraphrénie est caractérisée par :

  1. l'existence d'une production délirante importante juxtaposée à la réalité. Le délirant garde longtemps intacte et disponible une image relativement saine de sa personnalité. Il peut prendre à l'égard de son délire une certaine distance. Il en reste le maître, ce qui lui laisse une certaine latitude d'adaptation à la vie sociale;

  2. la grande fréquence des thèmes empruntés aux mythes infantiles et aux mythes archaïques universels (C. Jung), avec une prédilection pour les choses fabuleuses et surnaturelles;

  3. la prédominance du langage sur l'action. Souvent, le paraphrène est riche d'expressions verbales et graphiques. Son langage écrit est encore plus perturbé que son langage parlé. Il fait appel au symbolisme des mots, des nombres, des couleurs, à la concrétisation des idées et des sentiments;

  4. la longue persistance de l'intégrité des fonctions intellectuelles et de l'affectivité. L'évolution vers la dissociation schizophrénique, la déstructuration de la personnalité ou la détérioration mentale n'intervient pratiquement pas.

La paraphrénie est un délire fantastique dans sa forme, ses formules magiques, sa projection dans l'espace et son mode d'expression.

 

 

Classification et étiologie

 

Il existe plusieurs variétés de paraphrénies. La classification d'Émil Kraepelin comprend:

  1. la paraphrénie systématique;

  2. la paraphrénie expansive;

  3. la paraphrénie confabulante;

  4. et la paraphrénie fantastique.

 

Une autre classification existe, basée sur la structure et les mécanismes du délire:

  1. la PHC: psychose hallucinatoire chronique (ou paraphrénie systématique);

  2. la paraphrénie confabulante (ou "délire d'imagination" décrit par Ferdinand Dupré), assez rare;

  3. la paraphrénie expansive (ou manie délirante chronique);

  4. et la paraphrénie fantastique, plus fréquente.

 

La paraphrénie est une maladie de l'âge adulte ou de la vieillesse et la pré-sénilité. On l'observe avec une égale fréquence dans les deux sexes. La paraphrénie expansive semble cependant être l'apanage des femmes. Les paraphrénies sont plus fréquentes dans les familles où il y a des psychopathes. La paraphrénie confabulante se développe sur un fonds de personnalité mythomaniaque. Les caractères cliniques des délires et leur évolution dépendent plus d'un mode réactionnel d'une personnalité pleinement développée que d'un processus morbide en lui-même. Ils s'opposent en cela aux délires paranoïaques.

 

 

Paraphrénie expansive

 

La paraphrénie expansive s'observe presque exclusivement chez les femmes. Elle correspond cliniquement à ce que l'on appelait autrefois la "manie délirante chronique". Son début, insidieux et prolongé, survient entre 30 et 50 ans. Il est marqué par l'installation progressive d'un délire mégalomaniaque accompagné de gros troubles thymiques. La plupart du temps, la malade est hospitalisée en psychiatrie à la suite de démarches extravagantes ou de scandales.

 

Période d'état

 

Au niveau de la présentation, la mimique demeure adaptée. La tenue est extravagante avec parure grandiloquente, fards éclatants, chevelure baroque. Le contact est aisé. Le langage est normal mais la logorrhée est inhabituelle: il y a prolixité de paroles et de gestes. Les malades sont très souvent entouré(e)s d'un "magma" de papiers généralement manuscrits, d'une multitude de cahiers et de notes, agrémentés de dessins d'allure symbolique.

 

Les troubles de l'humeur rappellent l'hypomanie. On observera de l'exaltation, de la jovialité, une euphorie expansive, la recherche de la conversation avec une grande prédilection pour le monologue, une alternance de phases d'exaltation et de tristesse.

 

Le délire aura pour thème les idées de grandeur, ou le génie littéraire ou scientifique, ou encore les pouvoirs surnaturels à gouverner le monde. On observe aussi des thèmes délirants rappelant l'érotomanie, des idées mystiques: création d'une religion nouvelle, révélation divine. Les malades se croient voué(e)s à une mission évangélique ou sociale. Le binôme "grandeur/persécution" peut également être présent. Les idées de persécution ont alors un caractère impersonnel. C'est la société tout entière qui est visée à travers elles.

 

Les phénomènes hallucinatoires se signalent par l'importance des hallucinations visuelles où l'imagination créatrice délirante trouve son inspiration. Il existe également des manifestations paramnésiques comme les faux souvenirs et les fausses reconnaissances. Le délire a une structure paralogique mais il n'est pas continuellement refait. La trame délirante ne découle pas ostensiblement d'une idée fondamentale. Les idées délirantes sont juxtaposées, sans systématisation.

 

Au niveau social, le rendement professionnel est rapidement entravé. l'hyperactivité est désorganisée et brouillonne: poèmes, mémoire, romans le plus souvent inachevés. La malade traverse des périodes dépressives avec anxiété et tristesse d'où le danger de suicide n'est pas exclu.

 

Devant être régulièrement interné(e)s, ces malades s'accommodent assez bien de leur situation. Si elles protestent contre la privation momentanée de liberté due à leur mode de placement en psychiatrie, elles n'en continuent pas moins de régir le monde, de perfectionner leurs découvertes. Dans l'ensemble, l'activité mentale est peu altérée sinon légèrement exaltée. Il n'y a pas de détérioration.

 

Évolution

 

L'évolution est marquée par la conservation des capacités intellectuelles jusqu'à un stade avancé. Les convictions délirantes finissent par se fixer au bout de plusieurs années. L'adaptation sociale est moins bonne que dans les autres formes de paraphrénie en raison des troubles de l'humeur, et du comportement qui en résulte.

 

 

Paraphrénie systématique

 

Aussi appelée psychose hallucinatoire chronique, ou PHC.

La P.H.C. des auteurs français est spécifiquement rattachable à la paraphrénie systématique d'Émil Kraepelin. 

 

 

Paraphrénie confabulante

 

La paraphrénie confabulante correspond au délire d'imagination décrit en France par Ferdinand Dupré. Elle se rencontre dans les deux sexes avec une égale fréquence. Elle débute plus tôt que les autres paraphrénies, c'est à dire entre 20 et 40 ans. Le patient a souvent une personnalité hystéroïde avec notion importante de mythomanie. Le mensonge mythomaniaque est à la base de la fiction délirante du paraphrène.

 

Période d'état

 

Très variable, elle peut durer plusieurs années au cours desquelles le délire se développe insidieusement et lentement. Parfois le délire se constitue rapidement voire presque d'emblée. La paraphrénie confabulante se caractérise par une énorme production délirante. Le malade conte une série d'événements grandioses, étranges ou féeriques, dont il a été témoin ou qui lui ont été rapportés. L'exposé des faits délirants est fait de façon complaisante, surtout si l'auditeur semble captivé.

 

Les thèmes délirants sont des thèmes de grandeur, notamment des idées de filiation illustre. Il y a rarement notion de persécution. C'est un ensemble de fictions romanesques, d'aventures se rapportant à la personnalité sociale de l'individu. Le délire s'enrichit continuellement de péripéties nouvelles entendues ou lues. Il ne s'accompagne pas d'hallucinations, et c'est d'ailleurs la seule paraphrénie sans manifestations psychotiques hallucinatoires. Les fabulations ne sont pas isolées mais font partie d'un ensemble ordonné d'histoires racontées. Le délire jaillit spontanément par intuition, et l'imagination est exaltée. Les éléments sont enchaînés selon les lois de la vraisemblance. Le délirant se réfère à des oeuvres, des 'pièces à conviction' réelles. Il s'agit de fabulations objectives qui peuvent servir un système orienté vers la malveillance et la perversité. L'enchaînement des idées se fait comme dans le sens d'un récit, et il est parfois difficile de reconnaître l'irréalité de certains faits plausibles.

 

Le délire n'obéit pas fondamentalement à une contrainte affective comme dans la paranoïa. Les troubles intellectuels sont peu marqués, et le sujet conserve un bon rapport social.

 

Évolution

 

L'évolution est marquée par des périodes alternatives de rémission où le délire s'estompe. Le malade devient alors réticent. Puis arrive une période délirante féconde de quelques semaines à plusieurs mois. De toutes les paraphrénies, c'est la paraphrénie confabulante qui évolue le moins souvent vers une déstructuration ou dissociation terminale.

 

 

Paraphrénie fantastique

 

La paraphrénie fantastique débute généralement avant la trentaine par une phase d'inquiétude, d'anxiété ou d'angoisse, avec une impression d'hostilité ou de métamorphose du monde environnant. Peu à peu des idées extravagantes et des hallucinations se succèdent, qui visent non-seulement les relations du sujet avec son entourage (comme par exemple dans la paranoïa), mais tous les éléments mondiaux, les conflits politiques anciens ou actuels, ainsi que les forces cosmiques. Le délire se développe alors avec une extrême rapidité et absorbe exclusivement l'activité des malades.

 

Période d'état

 

Le délire est une production luxuriante, extraordinaire, étrange, avec des représentations mentales délirantes vives, décousues et mobiles. Des idées mégalomaniaques apparaissent qui sont absolument démesurées et extravagantes. On y trouve des idées de filiation illustre et surnaturelle, d'héritages fabuleux, d'entrevues secrètes avec de grands personnages de la mythologie. Les idées de persécution ont un caractère d'énormité colossale. Il y a des centaines de complots, des milliers de persécuteurs. On lui fait subir des tortures indescriptibles.

 

Les mécanismes sont avant tout hallucinatoires. Les hallucinations cénesthésiques sont très fréquentes et prennent une allure monstrueuse avec des idées de possession diabolique, de changement de sexe, de métamorphose corporelle prodigieuse. A côté de ces hallucinations existe une énorme prolifération intuitive et imaginative, englobant le présent, le passé et l'avenir. Le délire est entièrement illogique, et la contradiction n'existe plus pour ces malades. C'est le seuil de vraisemblance logique qui est le plus touché. Le délire n'est pour dire pas systématisé.

 

Malgré l'énormité du délire, le comportement est presque normal. Dans certains cas le malade a une conscience partielle de ses troubles psychiatriques.

Lorsque l'on parle avec le malade de son délire, il s'y prête généralement facilement mais en employant des tournures singulières, des jeux de mots, des néologismes ou des mots créés de toute pièce. Par-contre, quand on pose à ce malade des questions éloignées du délire, il répond d'une façon claire, logique et correcte. Les troubles de l'humeur ne sont jamais très importants.

 

Évolution

 

La paraphrénie fantastique évolue par conséquent à bas-bruit durant toute une vie. Après quelques dizaines d'années d'évolution, le délire s'amenuise, s'appauvrit et se 'stéréotypise'. Il peut alors se réduire à une jonglerie d'idées et de vocabulaire qui ne sont que le squelette d'un délire autrefois riche et vivant.

 

 

 

 

Source


-
"Abrégé de psychiatrie à l'usage de l'équipe médico-psychologique" de Michel Anty, Masson Éditeur.

 

 

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Extrait et mis en forme par Mr Gérard Jarry

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