autisme, la psychanalyse reduite au silence  

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Autisme: les psys réduits au silence.

 

 

 

par ERIC FAVEREAU

Article paru dans le journal "Libération" le 13 février 2012

(également disponible sur le site de "libération" )


Dans un rapport à paraître que 'Libération' s'est procuré,

la 'H.A.S.' (Haute Autorité de Santé) retoque les pratiques psychanalytiques.

Une première.

 

 

Il faut aller chercher la petite bête. Elle se niche page 27 du rapport de la H.A.S. sur les recommandations de bonne pratique dans la prise en charge de l'autisme, qui sera rendu public le 8 mars 2012, et que Libération s'est procuré.

Les mots sont pesés: sous le titre "Interventions globales non recommandées ou non consensuelles", les experts de la H.A.S. écrivent: "l'absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques, ni sur la psychothérapie institutionnelle".

 

 

La psychanalyse interdite d'autisme

 

Dans son rapport, la plus haute instance sanitaire française ferme la porte à la psychanalyse dans la prise en charge de l'autisme.

 

"ARCHAÏQUE". L'air de rien, c'est une véritable bombe clinique. La plus haute instance sanitaire française ferme la porte à la psychanalyse dans la prise en charge de l'autisme. Une prise de position inédite: de Bruno Bettelheim à Françoise Dolto, de Jacques Lacan à Maud Mannoni, la psychanalyse a toujours eu un rôle clé pour tenter de comprendre cette énigme humaine, et aider ces enfants -puis ces adultes- comme absents de toute communication, qui se taisent, se replient, sujets parfois à de terribles auto-mutilations. Et voilà que la psychanalyse, théorie de la parole, se voit condamnée au silence.

"Catastrophique", "révisionniste", "archaïque": les qualificatifs ne manquent pas dans la planète psy pour dénoncer cette position des experts de la HAS. "C'est comme si on adoptait collectivement une démarche autiste. Comme si on décrétait la fin de l'inconscient", lâche le responsable d'un centre de ressources sur l'autisme.

Et ce n'est pas tout: la méthode clinique du packing est, elle, "interdite". La pratique consiste à enrouler dans un drap humide un enfant, puis à accompagner à plusieurs son réchauffement. "Après avis juridique, la Haute Autorité de Santé a souhaité affirmer son opposition formelle à l'utilisation de cette pratique". Là encore, c'est un coup d'arrêt à une démarche certes peu courante, mais symbolique, effectuée par des équipes de pédopsychiatrie, avec une "formation psychanalytique". "C'est une déclaration de guerre" réagit fermement ce pédopsychiatre, "des réseaux influents ont réussi à durcir la dernière version du texte final de la HAS".

 

CULPABILISÉS. La HAS savait, pourtant, que ses recommandations étaient attendues, l'autisme étant devenu, depuis quelques années, un champ de bataille. Des associations de parents, se sentant maltraités et culpabilisés à outrance, ont lancé une offensive. Avec pour seul objectif: casser tout lien entre autisme et psychiatrie. Dans son rapport, la Haute Autorité de Santé a choisi. Reconnaissant que la quasi-totalité des prises en charge ne sont pas évaluées, elle a décidé néanmoins d'en exclure certaines. Quitte à mettre le feu dans un univers qui a pourtant besoin d'écoute et d'accompagnement.

 

 

Deux approches en guerre totale

 

Des parents prônant des méthodes comportementales bataillent contre les psys.

 

L'homme est atteint, blessé. "C'est pour moi incompréhensible". Dans le monde des psys, le Pr Pierre Delion est une des personnalités les plus attentionnées, les plus chaleureuses. Chef du service de pédopsychiatrie du C.H.U. de Lille, il ne s'énerve pas. Et, depuis des années, lui qui est de formation psychanalytique est connu pour tenir un discours d'une grande tolérance sur la prise en charge des autistes. Et voila que c'est lui, le bouc émissaire. Lui qui se retrouve en position d'accusé. "On me traite de Nazi, de tortionnaire. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire?" Et il montre un film où l'on voit une autiste de 4 ans, silencieuse et sans regard, à qui l'on fait un "packing": on l'entoure d'un grand drap humide et froid, puis, en lui parlant, on va peu à peu le lui retirer. "Regardez ce sourire qu'elle a", lâche Pierre Delion, "comment parler de violence?" Il ne sait quoi penser de ce torrent de menaces qu'il reçoit. "Parfois je me demande si cela tient à moi. Mais dans mon service, mon adjoint est quelqu'un qui fait de la recherche en neurosciences. Et moi, depuis trente ans, je développe une approche intégrative de toutes les disciplines pour prendre en charge les autismes. Et c'est moi que l'on traite d'intégriste, d'ayatollah..." Victime d'une guerre qui le dépasse.

 

"BARBARE". Depuis quelque temps, l'affrontement est, en tout cas, sans nuance. Des associations de parents d'autistes veulent l'interdiction de toute prise en charge psychothérapeutique pour leurs enfants. "La psychiatrie est néfaste et dangereuse pour l'autisme. On n'en veut pas", lâche avec force M'Hammed Sajidi, président de 'Vaincre l'autisme', qui a lui aussi lancé une offensive contre le packing: "c'est une technique barbare, honteuse, qui se fait contre les enfants et leurs parents. Nous demandons son interdiction. Et la condamnation des psychiatres qui la pratiquent". Le 16 février, jour où le Professeur Delion sera auditionné devant le Conseil national de l'ordre des médecins, suite à une plainte de 'Vaincre l'autisme', une manifestation est ainsi prévue. Comment expliquer pareil emballement? Récemment, le député UMP Daniel Fasquelle a même déposé sur le bureau de l'Assemblée une proposition de loi "visant à interdire l'accompagnement psychanalytique des personnes autistes, au profit de méthodes éducatives et comportementales". Sûr de son argumentaire, il a expliqué: "pour aider ces personnes à s'en sortir, la France ne peut plus continuer à cautionner et financer les pratiques de type psychanalytique dans le traitement de l'autisme". Et il demande l'interdiction de tout enseignement analytique sur l'autisme. Mieux qu'un autodafé...

 

"ÉPIDÉMIE". "L'autisme peut déteindre tragiquement", ironise à moitié le Pr Bernard Golse quand il entend pareille charge. Chef du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Necker (Paris), l'homme est très reconnu. "Avec l'âge, je suis devenu ouvert. Mais là, oui, j'ai peur que la haine l'emporte, je suis très inquiet de ce qui se passe". Il s'en explique: "dans ce conflit qui ne date pas d'hier, un des grands changements est que l'État est sorti de son rôle. On a persuadé les pouvoirs publics que l'autisme est devenu un grave problème de santé publique: on parle d'un enfant sur 150, vous vous rendez compte, ce qui serait énorme. Mais on mélange tout, comme s'il y avait une épidémie d'autisme. Maintenant, on parle des troubles envahissants du développement. Tout cela est incohérent".

Propos de bon sens. Mais lui, est-il contre les techniques comportementales ou de développement pour traiter l'autisme? "Nullement, je n'ai rien contre des techniques type ABA. Dans l'autisme, rien n'est validé, tout marche si on met le paquet, c'est l'intensité de la prise en charge qui compte". Quand on insiste et qu'on parle avec lui de certains psychanalystes dangereux, culpabilisant à outrance les parents, il répond sans hésiter: "Oui, il y en a de mauvais. Mais est-ce que parce que vous avez des mauvais chirurgiens, vous allez interdire la chirurgie?"

C'est pourtant le souhait forcené du président de 'Vaincre l'autisme', l'association la plus virulente. L'homme a la cinquantaine. Chez lui, la colère est à vif. "Mon combat est celui de milliers de pères et de mères dont l'enfant est affecté par l'autisme, des parents qui souffrent en silence". Ou: "tous les jours, des vies de familles basculent faute d'information, d'accès au dépistage, au diagnostic et à la prise en charge. Il est urgent d'intervenir, d'agir et de se mobiliser au plus vite". Et il raconte son histoire: "avec ma femme, on était depuis 8 ans dans les mains des médecins psys, cela empirait. Ils nous ont dit qu'il fallait séparer l'enfant de sa mère. Pour moi, notre fils était perturbé, il n'avait pas accès à l'école, on nous disait que c'était de notre faute: il empirait et on laissait faire. Et après, je suis tombé sur l'ABA, j'ai compris. J'ai compris que mon fils ne faisait pas exprès, qu'il fallait l'éduquer, l'élever. Déjà le faire asseoir... Voilà. Et les changements étaient manifestes".

 

"RATATOUILLES". Depuis, il est devenu un farouche partisan de ces prises en charge éducatives. "On a mis en place des formations, car il y a des techniques face à ces troubles de fonctionnement". Puis: "l'autisme, ce n'est pas une ratatouille, il y a des choses qui marchent, d'autres pas. La psychanalyse ne marche pas. Je l'accuse de maltraitance sanitaire. Je suis pour l'interdiction de la psychiatrisation et de la psychanalyse dans la prise en charge de l'autisme". Aucun compromis, donc: "c'est faux de dire que les psychanalystes sont aujourd'hui tolérants. Aujourd'hui, on n'a pas le droit de dire que l'on ne savait pas".

 

Propos virulent, sans espoir de paix des braves. "Le monde de l'autisme est empoisonné par des conflits idéologiques", analyse le Dr Claude Bursztejn, président de l'Association nationale des centres de ressources autisme. "Or, c'est au moment où l'on va vers la pacification des différentes approches que les extrémistes mettent les bouchées doubles. Et l'État se prête à ce jeu-là. Pourquoi diable la HAS n'a t'elle pas pointé les disparités régionales de moyens et de traitement, plutôt que d'interdire la psychanalyse?"

 

ERIC FAVEREAU.

 

 

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MAJ 03.06.12