loi 5 juillet 2011: analyse présentation - Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/ -
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ANALYSE et PRÉSENTATION de la
LOI n° 2011-803 du 5 JUILLET 2011
relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement et aux modalités de leur prise en charge
Analyse de la loi, ce qu'elle modifie dans l'esprit et dans la pratique. Les réactions qu'elle suscite.
Présentation de la réforme des soins en psychiatrie: nouvelle approche, détails pratiques.
- législation santé mentale: articles et textes de loi français - formation pour infirmiers travaillant en psychiatrie -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
ANALYSE de la LOI du 5 JUILLET 2011
analyse
Cette loi est entrée en vigueur le 1er août 2011.
Elle porte essentiellement sur la pratique du soin psychiatrique: elle l'encadre, l'oriente, le soumet et l'utilise.
Réformant la loi du 27 juin 1990, elle en a modifié profondément l'esprit.
L'approche relationnelle soignante, l'éthique du soin en psychiatrie, mais aussi et surtout la reconnaissance, l'acceptation et le respect des différences ont trouvé avec cette loi française une limite légale à ne plus franchir:
Les "hospitalisations sous contrainte" sont remplacées par des "soins psychiatriques" (sous contrainte): où que le patient se trouve, la loi impose qu'il se soumettre à la prescription médicale et à la surveillance de soignants géographiquement désignés pour assurer son suivi;
En imposant au patient de psychiatrie la soumission à une prescription, la loi appréhende la maladie mentale comme un facteur de désordre, et assimile le malade dans la cité à un délinquant potentiel. Avec cette loi, l'individu désigné malade a juridiquement tort de ne pas se soigner, et l'équipe désignée responsable de ses soins a juridiquement tort de ne pas le dénoncer;
Cette loi oblige l'équipe de psychiatrie à rendre compte de l'observance ou de la non-observance d'un traitement par le patient. Les soins sont devenus contraignants à la fois pour le malade et pour l'équipe pluridisciplinaire. Les soignants deviennent officiellement les défenseurs de la cité, les informateurs des gardiens de l'ordre;
La loi du 5 juillet 2011 attribue officiellement à la bonne santé mentale une valeur objective: les critères de santé se décident administrativement et s'imposent par la loi. Cela pré-suppose que la pathologie mentale, à l'instar de la tuberculose, peut se soigner et s'éradiquer;
En rendant les soins psychiatriques contraignants, cette loi entérine 2 idées: le traitement psychiatrique est principalement physique et biologique (c'est à dire qu'on a ignoré tout ce qui était relationnel et subjectif, pour ne garder que les traitements par molécules chimiques, par électrochocs, par isolement, par apprentissage répétitif de comportements, par contention, par surveillance...) et il est possible de soigner psychiquement quelqu'un par la force et contre son gré. Ce qui est faux;
La psychiatrie est devenue une branche de la médecine dans laquelle choix du patient et prise en charge médicale peuvent être totalement assujettis à des décisions administratives, juridiques et/ou judiciaires;
Des mots de 1992 trop explicites ("sans son consentement") sont remplacés par d'obscurs termes juridiques à l'apparence beaucoup plus neutre: "en application des chapitres II et III du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale". Si elle reste présente dans le titre, l'expression "sans consentement" a disparu des textes de 2011, traduisant la volonté d'adoucir la forme, quand le fond de la loi s'est considérablement durci (l'expression populaire l'exprime de cette manière: "c'est pour cacher la m... au chat!").
réactions
Michaël Guyader : "Lettre ouverte au Président de la République", décembre 2008;
Les 'CEMEA' : "La psychiatrie est en danger", décembre 2008;
La 'FASM' "conteste la loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques", mars 2011;
Le 'Collectif des 39' :
"Non à une loi du grand renfermement", septembre 2010;
"Campagne pour l'abrogation de la loi antithérapeutique du 5 juillet 2011", juillet 2011;
Patrick Alary : "Santé mentale et cygnes noirs", 11 juillet 2011;
Le Collectif 'maisc'estunhomme.org' : "Déclaration d'entrée en résistance", 1er août 2011;
Michaël Guyader : "Vers une banalisation de la contrainte", 1er août 2011;
Olivier Labouret : "Mon équipe refusera d'intervenir dans le cadre des soins sous contrainte", 2 août 2011;
PRÉSENTATION de la RÉFORME des SOINS en PSYCHIATRIE
Modes de prise en charge psychiatrique
Suivant le mode de prise en charge, les soins psychiatriques peuvent désormais
être dispensés de deux manières:
librement, avec le consentement du patient,
ou contraints, quand ils s'imposent et que le patient n'est pas consentant.
Les soins sous contrainte pourront présenter plusieurs aspects:
une hospitalisation complète,
ou une autre forme comprenant des soins en ambulatoire et incluant ou non des hospitalisations séquentielles. Les détails de la prise en charge doivent être décrits dans un programme de soins préalablement établi par un psychiatre de l'établissement responsable du secteur géographique concerné (dont dépend le lieu de résidence du malade).
L'ancienne "sortie d'essai" est désormais remplacée par un suivi ambulatoire sous la responsabilité de l'établissement psychiatrique.
Période initiale d'observation et de soins
Avant d'imposer des soins sans consentement à un patient, que ce soit en hospitalisation complète ou en ambulatoire incluant ou non une hospitalisation partielle, la loi du 5 juillet 2011 prévoit de mettre en place une période d'hospitalisation à temps complet de 72 heures pour permettre l'observation et les premiers soins.
Cette hospitalisation préalable se décompose ainsi:
dans les 24 heures qui suivent l'admission du patient en psychiatrie, un médecin doit réaliser un examen de santé complet. Un psychiatre doit établir un certificat médical attestant de la nécessité ou non de poursuivre les soins sous contrainte;
dans les 72 heures qui suivent l'admission du patient en psychiatrie, un second certificat pouvant émaner du même médecin devra être établi: il confirmera ou non la nécessité de poursuivre la contrainte.
Lorsque les 2 certificats attestent de la nécessité de maintenir des soins sous contrainte pour un patient, le psychiatre chargé de son suivi doit détailler la forme que prendra sa prise en charge psychiatrique. Le directeur de l'établissement confirme ou non le choix proposé.
4 modes de soins sans consentement
Les anciens termes "hospitalisation à la demande d'un tiers" (HDT), "hospitalisation d'extrême urgence" (HDT péril imminent), "hospitalisation d'office" (HO) et "hospitalisation d'office en urgence" (HO danger imminent) sont remplacés par:
soins psychiatriques à la demande d'un tiers. La mise en place de ces soins sous contrainte nécessite la demande manuscrite rédigée entièrement à la main, puis datée et signée par la personne qui fait la demande. Cette personne ne doit pas faire partie du personnel soignant de l'établissement concerné (mais ce pourra être une assistante sociale, car elle ne fait pas partie du personnel soignant). La demande doit obligatoirement comporter les nom, prénoms, profession, âge et domicile de l'auteur de la demande et de la personne dont les soins sous contrainte sont demandés. Doivent aussi paraître les indications précises sur la nature des relations existant entre ces deux personnes, comme par exemple les éventuels liens de parenté ou de voisinage. Seront nécessaires également 2 certificats médicaux circonstanciés (c'est à dire détaillant les circonstances) établis par 2 médecins dont l'un n'exerce pas dans l'établissement de santé responsable du secteur géographique où s'appliquent les soins. En cas de "risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade", un seul certificat médical pourra suffire dans un premier temps;
soins psychiatriques en cas de péril imminent. Ces soins sous contrainte s'imposent en cas de péril imminent, quand il s'avère impossible de recueillir la demande du tiers et au vu d'un seul certificat médical, même si le médecin signant ce certificat appartient à l'établissement concerné. Le directeur d'établissement prononce alors l'admission, et informe l'entourage du patient dans les 24 heures (famille, proches). Les "soins psychiatriques en cas de péril imminent" nécessitent d'avoir recours à 2 médecins différents pour signer les certificats de 24 heures et 72 heures, confirmant la nécessité de poursuivre la contrainte. Notons qu'en cas de péril imminent, le directeur d'établissement peut s'opposer à la levée des soins demandée par un tiers. La procédure des "soins psychiatriques en cas de péril imminent" autorise la contrainte psychiatrique d'une personne même lorsque l'ensemble de son entourage s'y oppose;
soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État. Ces soins sous contrainte découlent d'un arrêt du préfet qui se base sur un seul certificat médical circonstancié spécifiant que "les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public". La procédure des "soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État" permet de protéger l'ordre public en contraignant psychiatriquement un individu lorsque par exemple personne ne veut ou ne peut signer la demande du tiers, et que les psychiatres de l'établissement concerné ne sont pas joignables assez rapidement;
soins psychiatriques en procédure d'urgence. En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou à défaut par la notoriété publique, un maire peut ordonner une mesure provisoire de soins psychiatriques d'urgence, par le biais d'un arrêté municipal à l'égard des personnes dont les troubles mentaux sont manifestes. Cet arrêté et cette mesure entraînent les soins sous contrainte. Le préfet recevra du maire une ratification de procédure d'urgence et devra prononcer un arrêté préfectoral dans les 24 heures, qui entérinera ou non les "soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État".
Contrôle systématique de l'hospitalisation par le juge des libertés et de la détention (JLD)
Un contrôle est obligatoirement effectué par le JLD avant la fin des 15 jours qui suivent l'application d'une contrainte de soins comportant l'hospitalisation d'un patient en psychiatrie. Ce contrôle est renouvelé tous les 6 mois faute de quoi la mesure d'hospitalisation est levée.
Le JLD peut être saisi à tout moment pour statuer sur une demande de levée d'hospitalisation. Cela s'effectue lors d'une audience publique avec audition du patient, assisté ou représenté s'il le souhaite par son avocat ou un avocat commis d'office. Cette audience publique a lieu au tribunal de grande instance ou à défaut à l'hôpital avec l'aide du matériel autorisant la visio-conférence. Le JLD confirme ou annule la mesure contraignante en cours, mais ne la modifie pas.
Procédure de suivi renforcé pour les patients reconnus irresponsables ou dangereux
Un collège appartenant au personnel de l'établissement doit pouvoir se réunir avant toute modification de prise en charge d'un patient ayant été préalablement reconnu irresponsable ou dangereux. Les patients concernés auront droit à un suivi renforcé. Ce sont:
les patients dont la mesure d'hospitalisation fait suite à une décision d'irresponsabilité pénale;
les patients ayant été hospitalisés en Unité pour Malades Difficiles (UMD);
les patients hospitalisés sur demande du représentant de l'État ayant connu de tels antécédents au cours des 10 années précédentes.
Quand le psychiatre prévoit une modification des soins sous contrainte d'un tel patient, le collège de l'établissement donne son avis au JLD;
Quand le psychiatre prévoit la sortie d'hospitalisation d'un tel patient, le collège de l'établissement donne son avis au JLD et au préfet.
Le collège intervenant dans le cadre du "suivi renforcé" se compose de 3 membres:
un psychiatre participant à la prise en charge du patient;
un représentant de l'équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient, désigné par le directeur;
un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient, désigné par le directeur.
Autres changements apportés par la loi du 5 juillet 2011
Les "Commissions Départementales des Hospitalisations Psychiatriques" (CDHP) sont remplacées par les "Commissions Départementales de Soins Psychiatriques" (CDSP);
Lors des sorties prévues dans le cadre de "soins psychiatriques à la demande d'un tiers", le patient peut être accompagné d'un membre de sa famille ou de sa personne de confiance;
Les mesures de soins psychiatriques qui durent plus d'une année suite à une décision d'un directeur d'établissement, doivent être examinées par le collège de 3 membres du personnel soignant (voir composition ci-dessus);
Les observations des patients sur les mesures qui les concernent sont recueillies.
Consulter ci-dessous :
la "lettre ouverte au Président de la République" de Michaël GUYADER, décembre 2008;
l'article "refusons la politique de la peur", Globule Rouge, janvier 2009;
l'entretien d'Hervé BOKOBZA: "la psychiatrie n'est pas une discipline sécuritaire", avril 2009;
l'émission "réforme de la psychiatrie: vers une banalisation de la contrainte" avec Michaël GUYADER, août 2011.
Accès à l'ensemble du dossier "articles de presse" et "mobilisation".
MÀJ 30.09.11