FO sante: la lettre aux syndicats, juin 2005  

docteur courtial medecin psychiatre psychiatrie 2007 aurillac

 

FO santé juin 2005, page 14, "vie de nos structures".

Témoignage du Docteur Courtial, médecin psychiatre au CH d'Aurillac.

 

" psychiatrie 2007,  au secours !  ils sont devenus fous ! "

 

 

Aux alentours de 1790 Philippe PINEL libérait les fous et son intendant enlevait les cadenas aux chaînes qui entravaient leurs pieds. La psychiatrie vient d'être inventée, en même temps que la révolution invente les droits de l'homme.

 

Aux alentours de 1960 quelques psychiatres réfugiés en Lozère, anciens de la guerre d'Espagne et de la vie clandestine en France, inventaient le "secteur psychiatrique" en tant qu'outil principal de la désaliénation (accès au dossier "le desalienisme"). La psychiatrie devient militante, laboratoire d'idées, elle interroge sans ménagement la société (accès au dossier "psychothérapie institutionnelle"). Les politiques suivent.

 

Aux alentours de 1990, apparaît la psychiatrie de liaison (accès au dossier "psychiatrie de liaison"), centrée sur les services MCO et les sacro-saintes urgences. Le coût de la santé est passé par là, on évoque les nécessaires économies, on fustige les hôpitaux psychiatriques (qui entre temps s'étaient drapés d'un voile sémantique pudique en devenant "spécialisés"), des collègues voient leurs noms devenir célèbres en étant accolés à des commandes ministérielles, leurs rapports apportant une caution théorique à de futures décisions déjà prises conçues sous forme de pensée unique à la seule école supérieure de la santé publique de Rennes (accès au "rapport clery-melin" paru en 2003).

 

La psychiatrie se soumet, elle se démet, elle collabore, et en fin de compte elle va finir par disparaître devant la "santocratie" triomphante.

 

Aux alentours de 2000, le terme "psychiatrie" est progressivement, insidieusement remplacé par le terme "santé mentale", fin du processus de mise en ordre de ce qui fut le désordre permanent. Le soin psychiatrique "de liaison" est assimilé aux autres spécialités médicales, tournant autour du neuro-biologique rassurant parce que quantifiable (accès au témoignage paru en 2004 du Dr E. Zarifian sur la "psychiatrie neuro-biologique"), le reste est requalifié de santé mentale, appellation prête à sortir du champ sanitaire pour être confiée au médico-social sensé être moins coûteux et peut-être plus docile.

 

La psychiatrie agonise, ses lits ferment massivement, puis les services, faute de psychiatres que l'on refuse de former. Montluçon garde des lits de psychiatrie ouverts parce que les pédopsychiatres s'épuisent à les faire tourner. On a supprimé entre temps le diplôme d'infirmier spécialisé en psychiatrie (accès au dossier "infirmier de secteur psychiatrique"), les jeunes infirmiers qui débarquent à la fin de leurs études se retrouvent dans des services sinistrés avec Virginia Anderson comme seule arme face à la folie à laquelle ils doivent faire face au quotidien...

 

En 2003, la psychiatrie croit renaître. Les états généraux de la psychiatrie, qui font peur au ministre de l'époque (vous vous souvenez? Mattei...) mobilisent une foule de professionnels à Montpellier, qui se mettent à croire à de nouveaux lendemains qui chanteront peut être (accès aux articles du Monde du 06.06.03 et du 07.06.03 relatifs aux états généraux de la psychiatrie)... Puis le soufflet retombe dans la canicule et la morosité générale... Montpellier n'est pas Saint-Alban (accès au dossier "Saint-Alban")... 

 

2005, une infirmière et une aide-soignante sont sauvagement assassinées à Pau. Qui est responsable et pourquoi sont-elles mortes?

Est-ce le "malade mental", coupable d'être sorti pas guéri du service pour pouvoir faire entrer un encore plus malade mental, et cela souvent "contre son gré" et/ou celui de sa famille s'il y en a une (il n'y a pas que des hospitalisations sous contrainte, il y a aussi des sorties par contrainte...)?

Est-ce le collègue qui n'a pas entendu, occupé alors qu'il est seul pour l'étage à calmer les angoisses vespérales en espérant que le somnifère va agir vite pour qu'il puisse enfin s'occuper de l'entrée?

Est-ce le médecin psychiatre qui n'a plus le temps de réunir l'équipe pour réfléchir avec elle sur la pratique, sur la clinique, sur le sens du symptôme, sur tout ce qui fonde la spécificité psychiatrique que veulent supprimer nos gouverneurs?

Est-ce le directeur de l'hôpital, un oeil rivé sur la T2A, l'autre sur la nouvelle gouvernance, et qui se fiche de la psy parce qu'elle n'est pas encore PMSIsée, enfin qui s'en fiche sauf quand il s'agit d'y pomper du personnel pour faire tourner les autres services (l'été dans les hôpitaux généraux) ou pour autofinancer les travaux de restructuration du nouveau projet d'établissement comme à Aurillac où 15 postes doivent disparaître des effectifs?

Est-ce le ministre qui s'en tire avec un plan "santé-mentale" (on ne parle décidément plus de psychiatrie!) où tout projet se décline version système D ("faites du réseau, demandez des pièces jaunes à Mme C...", véridique!) et qui pense encore ne pas avoir grillé toutes ses chances pour la lutte présidentielle grâce à un moratoire sur la fermeture des lits psychiatriques qui semble oublier Clermont-Ferrand... (accès à l'article de 2005 "débat après le meurtre de Pau").

 

Tous responsables, mais pas coupables...

 

 


ARTICLE PARU DANS LA LETTRE AUX SYNDICATS FO SANTE DE JUIN 2005, page 14.

 

 

 

 

 

Haut de Page