transmission de l'histoire des idées et des pratiques en psychiatrie
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"Pratiques en santé mentale" n° 2, mai 2007: "TRANSMISSIONS".
Article du psychiatre Jean Garrabé relatif au DSM-3 (et 4), le manuel qui réduit les pathologies mentales à des listes de symptômes.
Extraits de : "transmission de l'histoire des idées et des pratiques en psychiatrie."
"... Les rédacteurs (du DSM-3) destiné, on l'oublie trop souvent, à recueillir des données statistiques... ont choisi l'option de l'a-théorisme, n'explicitant aucune des théories formulées pour définir les états pathologiques classés ou énumérés, et donnant seulement des listes de symptômes qui permettraient de faire le diagnostic des troubles correspondants..."
"... En ce qui concerne les troubles schizophréniques (Schizophrenic Disorders) les rédacteurs disent qu'il est impossible d'en donner une définition précise, différentes conceptions ayant été proposées, et citent à ce propos Kraepelin, Bleuler et K. Schneider sans expliciter les théories fort différentes élaborées par ces auteurs. Ceci n'empêche pas les rédacteurs de ce manuel de donner une liste de symptômes schizophréniques qui permettrait donc de faire le diagnostic d'une maladie indéfinissable. Une des conséquences de cette absence de références théoriques est, qu'en ce qui concerne la thérapeutique, seuls les traitements symptomatiques seront préconisés."
"... Le professeur Nancy Andreansen qui a présidé le groupe chargé de la rédaction de ce chapitre dans le DSM-4, lequel n'a pas modifié grand-chose sur ce point par rapport à la troisième édition, a reconnu l'erreur commise, jugeant qu'il faut connaître bien d'autres choses d'un sujet que cette liste de symptômes pour pouvoir faire un diagnostic de psychose schizophrénique (accès au dossier "schizophrénie"). Il faut en effet connaître son histoire personnelle et familiale, ses antécédents pathologiques (accès au dossier "pathologie psychiatrique"), son environnement socio-économique et culturel, etc. bref, sa vie mentale."
"... L'abandon dans le DSM de l'appellation 'maladie' au profit de celle de 'trouble'... traduit une réticence à élargir la notion de maladie mentale au-delà de ce qu'elle recouvre dans le champ de la pathologie générale, où elle est souvent limitée aux seules maladies dites organiques, au sens de la théorie médicale de l'organicisme selon laquelle il est possible de faire un lien direct entre les symptômes d'une maladie organique et des lésions localisées d'un organe (accès à l'article du Pr ZARIFIAN dénonçant le "quiproquo fondamental de la psychiatrie biologique")."
"... Il serait absurde de comparer un simple manuel comme l'est le DSM avec un ouvrage comme les 'Études psychiatriques' d'Henri Ey, ces 'fragments d'une histoire naturelle de la folie' qui avaient pour objet... de nous aider à apprendre la psychiatrie."
"... Ce n'est pas la première fois dans l'histoire de la médecine que les praticiens sont tentés de s'éloigner de la clinique pour fonder leur démarche thérapeutique sur les seules données objectives. En général, ce mouvement se produit lorsque quelque découverte scientifique fait espérer que l'on pourra éviter la subjectivité inhérente à la relation thérapeutique... Ces moments où triomphe une conception réductrice de la pathologie mentale sont souvent oubliés ou occultés par la suite dans l'histoire de la psychiatrie... L'idée de concevoir la maladie mentale sur le même modèle que les 'vraies' maladies de la pathologie générale, et permettant de pratiquer des thérapeutiques issues de la médecine expérimentale reste toujours présente dans les esprits."
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- Jean Garrabé -
ARTICLE PARU DANS "PRATIQUES EN SANTÉ MENTALE" DE MAI 2007
accès au témoignage du Dr Courtial de juin 2005 sur la soumission et la collaboration de la psychiatrie: "au secours, ils sont devenus fous!"
accès au dossier réunissant l'ensemble des "articles de presse"