interview jean oury St Alban  

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Interview du psychiatre Jean Oury à St Alban

 

 

 

 par ERIC FAVEREAU

Article paru dans le journal "libération" le 27 juin 1998

(également disponible sur le site de "libération" )



.../ ... Le psychiatre Jean Oury a vu défiler toutes les secousses de la psychiatrie de ces quarante dernières années. Mai 68, entre autres, et l'antipsychiatrie avec qui il n'a pas fait bon ménage (accès au dossier "antipsychiatrie"). "C'était à côté de la plaque, ça n'a servi à rien, si ce n'est à tout mélanger. De la foutaise..." Et maintenant? Il n'est pas loin de repiquer une de ses grosses colères pour parler d'aujourd'hui: "il y a une destruction véritable du champ même de la psychiatrie. Ça prend une allure vertigineuse, cela devient impossible d'y travailler. La suppression du diplôme d'infirmier psychiatrique, c'est le plus gros scandale de ce siècle."

.../ ... "La mode des séjours courts, c'est criminel. La schizophrénie, c'est une maladie chronique (accès au dossier "schizophrenie"). La vie, c'est chronique. Ce n'est pas parce que l'on fait sortir quelqu'un qu'il est guéri. Il y a des malades qui ont disparu physiquement, je dis bien physiquement, car ils ne peuvent aller nulle part. C'est ça qui est en jeu (voir à ce sujet l'article du Monde de 2006 sur la "réduction de la capacité d'accueil" psychiatrique)." Mais alors, quoi? Pourquoi cet incroyable mouvement de la psychiatrie de l'après-guerre a-t-il si peu le vent en poupe? Pourquoi ce vide actuel? Les autres sont morts, son maître Tosquelles en 1994, son ami Guattari en 1992. Certes, se maintient un réseau à travers la France de psychiatres ayant les mêmes exigences, mais ils sont silencieux, écrasés par le poids du conformisme et de l'indifférence politique. Jean Oury reste un peu seul. "Il faut que je parle à voix haute. On travaille sur quelque chose d'extrêmement complexe, et c'est la moindre honnêteté d'être au niveau. L'exercice de la complexité, c'est comme chez un athlète, il faut s'entraîner. Tout le temps."

.../ ... "Qu'est-ce que je fous là?" se demande Jean Oury. Comme chaque année, il est revenu à l'hôpital de Saint-Alban, la Mecque de la psychothérapie institutionnelle, mais, ce jour-là, c'est pour un adieu (accès au dossier "therapie institutionnelle"). Dans cette ancienne forteresse perdue en Lozère, pendant la Seconde Guerre mondiale , un petit groupe de psychiatres avait cassé les fenêtres de l'asile. Peu à peu s'était construite la plus formidable des aventures de la psychiatrie d'après-guerre, sur le principe que "soigner les gens sans soigner l'hôpital, c'est de l'imposture". A Saint-Alban on travaillait, on discutait sans fin, avec Eluard qui passait, Tristan Tzara aussi, ou encore le philosophe Canguilhem et, bien sûr, le maître des lieux, François Tosquelles, médecin réfugié de la guerre d'Espagne (accès au dossier "Saint Alban").

.../ ... "Oui, quoi? Qu'est-ce que je fous là ? Saint-Alban, c'est foutu". L'hôpital de Saint-Alban ressemble désormais à n'importe quel autre hôpital psychiatrique.

 

ERIC FAVEREAU.

 

Compléments d'informations:

 

 


 

 

 

Sur les conséquences d'une formation unique infirmière imposée à la psychiatrie par le gouvernement de 1992, et la suppression des centres de formation spécifique, consulter ci-dessous:

 

 

 

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MAJ 18.02.12