reduction fermeture lits hospitalisation
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L'éditorial du Monde
"A l'hôpital psychiatrique maison-blanche, la réduction de la capacité d'accueil bouleverse les pratiques de soin."
article du 07.02.06 de Mr Norbert Skurnik, chef de service de psychiatrie à l'hôpital psychiatrique Maison-Blanche de Neuilly-sur-Marne (Seine-St-Denis). Sont intervenus: Mme V. Pedro, Mr B. Castro, Mr A. Tortelli, Mme S. Bahadori.
(consultable sur le site du "Monde")
Extraits de : "en psychiatrie, l'obsession, c'est libérer les lits."
... / ... "Aujourd'hui, en psychiatrie, nous n'avons qu'une obsession, c'est libérer les lits, explique le docteur Skurnik chef de service du 28ème secteur. Auparavant, le soin de qualité, c'était prendre son temps avec le patient. Aujourd'hui, c'est faire de la place pour une hospitalisation la plus courte possible" (accès à l'interview du psychiatre Jean Oury en 1998 dénonçant cette "mode criminelle des séjours courts"). Comme la majorité des hôpitaux psychiatriques en France, Maison-Blanche est engagé dans une restructuration qui lui fait quitter la périphérie de la capitale pour venir s'établir au plus près des patients parisiens. D'ici à la fin de l'année 2006, près de 80% de l'hôpital aura été délocalisé sur Paris, seuls les patients les plus lourds et les plus chroniques restant sur l'ancien site de Neuilly-sur-Marne.
Avec le déménagement, l'hôpital a perdu en capacité d'hospitalisation, un nombre important de lits ayant été fermés à cette occasion. "Tout s'est passé comme si l'administration s'était emparée de la philosophie anti-asilaire et l'avait détournée pour faire des économies, dénonce le Dr Skurnik. Or nous ne pouvons pas faire de bonne psychiatrie sans moyens, notamment humains (accès à l'article de 2002 "la psychiatrie souffre du manque de moyens" et à l'appel de 2004 pour sauver les "équipes de service public en danger").
.../ ... Passer de 55 à 39 lits d'hospitalisation a entraîné un réel bouleversement dans les pratiques professionnelles. Alors qu'auparavant les patients étaient tous mélangés dans de grands pavillons, l'établissement sépare aujourd'hui les patients les plus gravement atteints, hospitalisés dans une unité fermée, des personnes dont l'état est moins lourd ou s'est amélioré, dont les chambres occupent deux étages d'hospitalisation libre (accès au dossier "hospitalisation libre").
... / ... Pour ces patients, dès qu'une amélioration est obtenue, la sortie est envisagée. "La réduction des lits nous oblige à ramener les gens au plus vite chez eux. Pour la plupart des patients, c'est une bonne chose, d'autant qu'en se rapprochant d'eux, on obtient des liens plus étroits pour assurer un suivi après l'hospitalisation". Ce mode d'organisation des soins n'est guère adapté aux cas les plus lourds, ainsi qu'aux gens en grande difficulté sociale. "Les personnes schizophrènes qui résistent aux traitements... ont beaucoup pâti car on les garde beaucoup moins qu'avant".
... / ... L'équipe soignante a peu de solutions pour les patients les plus désocialisés, étrangers sans papiers, personnes en errance, ou populations très pauvres qui sont conduits eux aussi à repartir au plus vite, mais dans la rue. "Ces gens-là font effectivement des allers-retours entre l'hôpital et l'extérieur. C'est le serpent qui se mord la queue, car quand ils retournent dans la rue, il y a un risque accru qu'ils décompensent à nouveau et qu'ils reviennent en hospitalisation" (accès à l'article de 2005 "débat suscité après le meurtre de Pau").
Si l'hôpital est conduit à sortir au plus vite ses patients, alors qu'ils sont à peine stabilisés, on lui demande à l'inverse de garder le plus longtemps possible les personnes qui ont provoqué des troubles à l'ordre public. C'est par exemple le cas de ce SDF Hongrois qui a été hospitalisé d'office par le préfet alors qu'il faisait le clown place St Sulpice (accès au dossier "hospitalisation d'office"). "C'est un psychotique chronique, il va bien, il répond bien au traitement, mais la préfecture refuse sa sortie. Pour nous, c'est un problème car la délinquance est considérée de plus en plus comme une maladie qu'il faudrait traiter. Mais répondre au problème social, ce n'est pas notre métier".
... / ...
"Nous sommes dans une contradiction permanente: on doit faire sortir les
gens au plus vite, mais la société n'en veut pas s'ils ne sont pas
stabilisés. On nous demande de faire de la magie, en normativisant quelqu'un
qui ne l'était pas au départ. Alors que ce n'est ni possible, ni souhaitable...".
Propos recueillis par Cécile PRIEUR
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.02.2006, "Société Santé".
accès au témoignage du Dr Courtial de juin 2005 sur la soumission et la collaboration de la psychiatrie: "au secours, ils sont devenus fous!"
accès à l'article de 2003 "privatisation et économie de marché"
accès aux dossiers sur la "pathologie psychiatrique"
accès au dossier réunissant l'ensemble des "articles de presse"