privatisation et economie de marche: une dévaluation psychiatrique.  

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Description des conséquences de la privatisation et de l'économie de marché observées dans le secteur de la psychiatrie publique

 

 

(également disponible sur Internet)

 

 par Isabelle Aubert-Baudron

 

La mondialisation de l'économie commencée dans les années quatre-vingt a entraîné l'effritement des services publics au profit des privatisations. Au sein même des services publics, une nouvelle logique économique a été mise en place, qui consiste à gérer ceux-ci sur une logique de productivité. Auparavant, ces services étaient par définition au service des citoyens et remplissaient auprès de ceux-ci des fonctions précises : le but de la santé publique consistait à soigner, le but de l'enseignement public consistait à enseigner, etc... Et les crédits dévolus à ces services l'étaient en fonction des besoins humains de ces services. Sur la base de cette logique de productivité, ils doivent maintenant être gérés comme des entreprises et devenir rentables.

I. Description des conséquences observées dans le secteur de la psychiatrie publique:

Je me contenterais de décrire ici l'évolution que j'ai vue s'opérer en 30 ans dans le cadre de la psychiatrie publique française en tant qu'infirmière (voir "Le Carrefour des Impasses").

Quand j'ai commencé mes études en 1976, dans un petit centre de formation du centre psychothérapique, le centre formait son personnel et engageait les élèves en fonction de ses besoins. Nous étions 3 promotions d'une dizaine d'élèves. L'hôpital datait de trois ans, et les deux chefs de service à la tête des 4 unités de soin travaillaient ensemble à mettre sur pied une psychiatrie institutionnelle dans un hôpital ouvert, où l'enfermement était considéré comme faisant partie des pratique asilaires obsolètes, de même que la notion de dangerosité. Le directeur du centre de formation avait à cœur de monter une école pilote. Les élèves n'étaient pas inclus dans les effectifs infirmiers, lesquels étaient suffisants pour permettre de dégager du temps en dehors des tâches infirmière dans des activités d'animation et ouvertes sur l'extérieur. Nous avons en tant qu'élèves étés formés pour amener les patients à un état de mieux être et d'autonomie.

Les hospitalisés étaient traités avec considération. Ils étaient libres d'aller et venir dans les services et de se rendre à l'extérieur; les traitements n'étaient pas imposés, mais proposés, et n'étaient pas utilisés comme camisole chimique. Les médecins préféraient laisser les gens s'exprimer plutôt que de gommer leurs symptômes, et les infirmiers partageaient cette démarche. La hiérarchie en tant que telle était inexistante: la plupart des soignants ne portaient pas de blouse, dans le souci de ne pas instaurer de barrière avec les soignés; les médecins chefs n'avaient rien de mandarins, ils participaient en tant qu'enseignants à la formation et cherchaient à transmettre leur état d'esprit et leur expérience aux jeunes générations d'infirmiers, tout en étant réellement ouverts aux regards neufs qui pouvaient remettre en cause les mécanismes de chronicisation de l'institution. Ils avaient pour maîtres à penser Roger Gentis, David Cooper, Michel Foucault. Je garde de mes trois années de formation à leur contact un souvenir passionnant et leur sais gré de m'avoir appris mon métier comme ils l'ont fait.

Ils mettaient en place la politique de sectorisation, qui remplaçait les anciens services dans lesquels les patients étaient hospitalisés en fonction de leur étiquette psychiatrique (services d'entrée, dépressifs, chroniques, dangereux, oligophrènes, etc.) par leur situation géographique permettant de rapprocher les gens de leur milieu familial. Cette nouvelle organisation avait pour conséquence que tous les malades étaient mélangés indépendamment des raisons pour lesquels ils arrivaient. Le but en était de ne pas attacher d'importance primordiale à l'étiquette psychiatrique afin d'éviter que celle-ci ne conditionne négativement le comportement des patients étiquetés.

Fermeture des centres de formations d'infirmiers psy :

Les choses ont commencé à se gâter au début des années quatre-vingt, avec la fermeture des petits centres de formation des hôpitaux psychiatriques, qui a entraîné une réduction du personnel en service : quand les élèves étaient présents dans les services, chaque unité de soin de 25 patients bénéficiait souvent de la présence de 6 soignants : 3 infirmiers diplômes et 3 élèves, ce qui permettait de dégager du personnel pour sortir avec les patients. Avec la disparition des élèves, seuls restaient les diplômes, dont la plupart du temps était occupée par les tâches des services.

Parallèlement, les effectifs infirmiers ont été revus à la baisse, se voyant limités la plupart du temps au "service minimum", qui entraîna une baisse de la qualité des soins et l'instauration de conditions de travail parfois incompatibles avec la sécurité des patients : ainsi en 10 ans, j'ai vu passer les effectifs de 6 soignants pour 20 patients à 2, qui devaient à partir de là accomplir le travail réalisé auparavant pas 6 personnes.

Apparition du mouvement infirmier:

C'est alors qu'apparut un mouvement national infirmier qui se dota d'une coordination infirmière indépendante des syndicats officiels, dans le but de dénoncer la baisse de la qualité des soins, de demander des augmentations de personnel, et de faire entendre leur voix dans les changements de la profession. Les infirmiers descendirent dans la rue, toutes spécialisation confondues, et la coordination installa une tente devant le ministère de la santé, qui y demeura quatre ans. Le mouvement était populaire en raison de la bonne image dont jouissait la profession, et du fait que les revendications ne portaient pas sur des avantages financiers, mais sur la qualité des soins dispensés à la population.

Mais il se heurta aux syndicats officiels et à l'ensemble de la hiérarchie hospitalière.

Disparition des études d'infirmiers psy et dévaluation du diplôme :

A la fin des années quatre vingt les études d'infirmières furent "restructurées" : la spécialisation psychiatrique disparut au bénéfice d'un "tronc commun" qui dispensait la même formation à tous les infirmiers (accès au dossier "formation spécifique ISP"). Sur le plan des dépenses, la première conséquence en a été la disparition du paiement des études dans la branche psychiatrique : auparavant, les élèves étaient salariés, et pouvaient suivre leurs études sans contrat. A l'issue du diplôme, ils étaient systématiquement titularisés. Les infirmiers diplômés d'Etat avaient un statut d'étudiant, et leurs études n'étaient pas rémunérées.

La différence au niveau des études était auparavant la suivante : les infirmiers diplômés d'état faisaient leurs études dans les services généraux et se contentaient d'une quinzaine de jours de stage en psychiatrie, sur laquelle ils avaient une formation sommaire.

Les infirmiers psychiatriques avaient les mêmes études que les diplômés d'état au niveau médical et pratique, les deux étant conformes aux normes européennes des études infirmières mais ils étudiaient la première année les comportements pathologiques, puis dans la deuxième année, la nosographie psychiatrique en tant que telles. Ils accomplissaient leurs années de formation dans les divers services et structures de psychiatrie, et à la fin des études, effectuaient quinze jours de stage dans chacun des principaux servies de médecine générale.

Cependant, après l'instauration du tronc commun, les infirmiers de secteur psychiatrique n'ont pas obtenu l'équivalence de leur diplôme, mais sont restés limités aux services psychiatriques. Pour obtenir l'équivalence, ils étaient censés effectuer une période de stage de 6 mois dans des services généraux. Toutefois, cette période de stage n'a jamais été appliquée pratiquement, les centres hospitaliers restant muets devant les demandes.

Le postulat selon lequel les infirmiers travaillant en psychiatrie ne seraient pas formés aux soins physiques repose sur une vision des malades mentaux comme de purs esprits, dépourvus de corps, ou comme si leurs maux se limitaient au mental, ce qui ne correspond en rien à la réalité : les malades mentaux souffrent des mêmes pathologies que les gens dits mentalement "normaux", et les soins physiques en psychiatrie sont les mêmes que dans les services généraux: prises de sang systématiques pour les entrées, perfusions, pansements de plaies, soins d'escarres aux personnes âgées revenant de services de médecine, etc... En réalité, la clause du stage à effectuer a été imposée par les infirmiers indépendants, ceux-ci craignant la concurrence des infirmiers psy arrivant sur le marché du privé (accès à l'article de 1996 sur la "plainte des infirmières en soins généraux").

Cette différence entre infirmiers de secteur psychiatrique et diplômés d'Etat est spécifique à la France : elle a perpétué la division entre spécialités infirmières qui existait entre les statuts de travailleurs et d'étudiants, divisant ainsi le mouvement infirmier. En réalité, les deux obtiennent l'équivalence dans les autres pays de la CEE, le diplôme psy étant conforme aux normes européennes. D'où une dévaluation du diplôme psychiatrique, celui-ci devenant un sous-diplôme ne permettant pas de travailler dans les hôpitaux généraux ni comme infirmier à domicile indépendants. Ce qui a eu également pour conséquence de priver les hôpitaux généraux d'une partie des effectifs infirmiers.

La conséquence du tronc commun a été l'arrivée en psychiatrie de nouveaux diplômés n'ayant aucune connaissance réelle des comportements des patients, et aucune analyse de leurs propres réactions face à ceux-ci (accès au dossier détaillant les graves insuffisances de la "formation unique infirmiere" imposée à la psychiatrie par le gouvernement de 1992).

Disparition des surveillants des effectifs soignants:

Autre conséquence de la restructuration : le changement de fonction des surveillants: auparavant, ceux-ci étaient avant tout des soignants qui participaient au travail infirmier, et passaient quelques heures par semaine à faire les roulements.

Avec l'informatisation des services, ils ont disparu des effectifs et cessé d'être des soignants pour devenir des administratifs, et des professionnels de l'autorité. Alors qu'auparavant on devenait surveillant en fonction de l'ancienneté, de la demande, et également des capacités personnelles, la fonction de surveillant est devenue accessible à travers le passage nécessaire par des écoles de cadre, qui forment les gens aux méthodes de gestion d'entreprise et leur apprennent comment contrôler le personnel.

Alors que la hiérarchie était pratiquement inexistante à mon arrivée dans la profession, elle s'est accrue, et les hôpitaux ont mis en place tout un système de contrôle du personnel, à travers l'instauration d'"évaluations" trimestrielles : une fois tous les trois mois, chaque infirmier passe une heure en présence du médecin chef et du surveillant chef, qui lui mettent une note et une évaluation. Les critères retenus n'ont plus de rapport avec la qualité du travail réalisé sur le plan soignant, mais évaluent en réalité la soumission des individus à ce système, le but étant de casser les individus en les soumettant à une pression psychologique croissante au fil du temps.

En plus de ces évaluations, les surveillants utilisent également des pressions diverses :

- piratage du travail infirmier en le rendant impossible par des changements d'horaires empêchant de réaliser le travail prévu,

- changements d'horaires de travail incessant, ne permettant pas aux gens de récupérer en dehors des périodes de travail : une surveillante m'a une fois imposé des horaires comprenant deux matins, deux après midi et deux nuits en l'espace de 6 jours, et ceci pendant plusieurs semaines d'affilée: un tel rythme de travail rend impossible un sommeil régulier et ne permet plus aux gens de récupérer.

- dévalorisation systématique du travail réalisé, harcèlement moral.

- non titularisation des jeunes diplômes, ceux ci devant faire preuve de conformité pour l'obtenir, au bout de X années,

- menaces de sanctions diverses, de mutation.

- détournement de la fonction syndicale : les responsables syndicaux sont dans la grande majorité des surveillants : ce sont les mêmes individus qui sont chargés de réprimer le personnel, et de le défendre. Ce qui aboutit à une utilisation des syndicats comme groupes de pression sur le personnel.

- cumul des fonctions : appartenance aux diverses instances de pouvoir au sein de l'hôpital : responsable hiérarchique, syndical, et membre du conseil d'administration. Ce cumul des fonction entraîne un monopole de l'information, et une manipulation de celle-ci : diffusion de bruits de couloirs, de rumeurs , qui maintiennent les individus sous une menace constante, imprécise et invérifiable.

Au bout de plusieurs mois d'un tel traitement, les gens se soumettent, ou craquent - ils tombent malades, se suicident, ou s'en vont, comme j'ai choisi de le faire. Mais ils perdent alors tous leurs avantages (ancienneté, titularisation, etc...), ce qui est suicidaire sur le plan professionnel. On ne démissionne pas de l'administration. Les dégâts humains d'un tel système frisent l'incroyable : dans les quatre unités de soins des deux secteurs du centre psychothérapique où j'ai travaillé, entre 1981 et aujourd'hui, 14 soignants sont morts sur un effectif d'une centaine d'infirmiers.

La conséquence sur le plan de la qualité du personnel est dramatique : la reconnaissance des individus est proportionnelle à leur conformité : de jeunes diplômés manipulables et arrivistes se retrouvent propulsés dans des écoles de cadres puis aux postes d'autorité. Des comportements qui n'auraient jamais été tolérés auparavant acquièrent droit de cité : relations sexuelles avec des patients, violences physiques envers ceux-ci

Parallèlement, les tentatives infirmières de se conformer aux exigences du services public sont combattues et découragées. L'évocation du respect des patients y est mal vécue, et celle de la loi et de la légitimité y fait figure de blasphème. Mais ce qui est par dessus tout interdit et impensable est d'obtenir de meilleurs résultats que ne le fait l'administration, car celle-ci ressent alors le travail bien fait comme une remise en cause d'elle-même, et ne peut concevoir les soignants que comme des concurrents. Elle les accuse alors de "remettre en question l'institution", les étiquette de dangereux, exerce des pressions sur les patients concernés, et rend physiquement impossible la continuation du travail entrepris.

En outre, sur le plan financier, les patients rapportent des prix de journée à l'hôpital , et les hospitalisés en psychiatrie occasionnent peu de frais, comparés à des malades en services de cardiologie ou de chirurgie, le coût de leur soin se résumant au prix de leur traitement médicamenteux. De ce fait, leur présence à l'hôpital joue un rôle important dans l'équilibre de la balance comptable : ils ne dépensent quasiment rien, ont rarement d'exigence ou de conscience d'eux-mêmes en tant qu'usagers de la santé publique, sont généralement complètement ignorants de leurs droits en tant que citoyens, rapportent un prix de journée quotidien, et s'ils restent à vie dans l'établissement, ils représentent une source de profit constante et assurée. D'autant plus que les biens des gens sous tutelles reviendront à l'Etat après leur mort.. D'où les réticences de l'administration devant les risque de disparition de cette manne, réticences parfois partagées par le personnel : je me suis une fois entendue dire par un surveillant : "Mais si vous sortez les malades de l'hôpital, qu'est-ce qu'on va faire ?" Autrement dit, ce conglomérat de parasites réagit à la notion d'efficacité des soins comme si on lui arrachait le pain de la bouche.

Ce parasitisme est conforté par le discours médical sur la chronicité de la maladie mentale et le postulat qu'il n'est pas possible prétendre guérir qui que ce soit, puisque l'humanité étant composée exclusivement de névrosés et de psychotiques, il ne reste pas d'autre solution à l'humanité souffrante de se considérer comme telle, et par conséquent, de se soigner.

Le fait est que la France a plus que d'autres pays européens utilisé la psychiatrie à des fins de contrôle de la population , d'une part à travers le fort taux de psychiatrisation de la population, dans lequel la politique de secteur a finalement joué un rôle important, mais également par la prescription massive de médicaments psychotropes par les généralistes à des patients non psychiatrisés. En raison de l'accoutumance qu'entraînent un certain nombre d'entre eux, il est plus confortable pour les patients de continuer à prendre un traitement indéfiniment que de l'arrêter, les tentatives d'arrêt brusque des traitement entraînant un manque de sommeil ou des troubles du comportement.

De ce fait, cette utilisation de la prescription de psychotropes engendre un phénomène de toxicomanie légale et institutionnalisée, qui fait le bonheur des compagnies pharmaceutiques.

Selon la même logique de productivité, ces mêmes compagnies n'ont pas du tout intérêt à mettre sur le marché des médicaments efficaces et sans effets secondaires, ce qui aurait pour conséquence de saper son fond de commerce. C'est ainsi que la France s'est vue imposer par les USA à travers la Food and Drug Administration la disparition de l'utilisation de la minaprine (cantor) inventée par le professeur Henri Laborit pour le traitement des dépressions, au bénéfice du prosac, auquel elle faisait concurrence: j'ai vu ses résultats dans un service dans lequel je travaillais, auprès d'un patient âgé de 75 ans, coutumier de dépressions saisonnières qui l'amenaient à l'hôpital chaque année à l'automne. Il y restait généralement deux mois, dans un état d'abattement complet, allant jusqu'au mustisme. Sous cantor, au bout de deux semaines il demandait à rentrer chez lui, et le fait est qu'il n'était plus du tout dépressif.

Apparition des commerces de la dépression :

La dégradation des soins en psychiatrie et le retour de l'asile a eu pour conséquence de faire fuir les gens aspirant à des qualités de soins correctes. La psychiatrie est un cadre gratuit, d'où le fait que n'y ont plus accès que les gens qui y sont amenés en état d'urgence, et ceux qui n'ont pas les moyens de s'adresser à un psychiatre privé.

Dans le domaine du privé, hormis les cliniques psychiatriques, les gens ont le choix entre les psychiatres privés, qui sont des médecins conventionnés, et les psychologues et psychothérapeutes, dont les consultations ne sont pas remboursées.

En raison de l'étendue du mal être dont souffre la population, les deux professions sont débordées, et obtenir un rendez-vous rapidement tient de l'exploit, la période d'attente étant généralement de deux mois minimum.

En ce qui concerne les consultations des psychiatres privées, si celles-ci rentrent dans le cadre de psychothérapies analytiques, elles ne sont généralement pas remboursées, en vertu du postulat freudien qui veut que le patient doit payer pour guérir, la gratuité étant considérée comme incompatible avec l'efficacité de la thérapie.

Ce postulat, que toute la corporation a adopté comme un seul homme, s'abritant derrière l'argument de Freud, exclue de fait toute personne aux revenus modestes, à moins que celle-ci ne fasse l'impasse sur son alimentation, ou sur son loyer. Il constitue la base d'une escroquerie institutionnalisée, qui profite du désarroi et de la fragilité psychique des gens. Il n'a rien de "thérapeutique", contrairement à ce qu'affirment ses partisans, qui nient par ce postulat toute la raison d'être de la psychiatrie clinique, et est incompatibles avec un système de soin basé sur l'accès aux soins pour tous et l'égalité de tous les citoyens devant la maladie.

Les honoraires demandées commencent à 250 fr l'entretien, d'une demi-heure ou de trois quart d'heure selon l'humeur du praticien. Le paiement des rendez-vous non honorés est dû, de même qu'un entretien interrompu par un patient qui ne durerait que 5 minutes.

En ce qui concerne les psychiatres et les psychologues, ils ont une formation universitaire sanctionnée par un diplôme. Pour ce qui est des psychothérapeutes, l'accès à la profession est libre, si bien que ce créneau voit s'engloutir une kyrielle de charlatans n'ayant aucune formation sérieuse : si certains sont effectivement diplômés et compétents, d'autres se prévalent de divers formations dispensées par des centres de formations divers incluant tout un ensemble de techniques apparues au cours des 30 dernières années. Toutefois les compétences acquises par ce biais ne sont nullement évaluées, dans la mesure où il suffit de suivre une formation pour s'en prévaloir, indépendamment de l'usage réel qu'en fait chacun. La seule chose dont ces formations attestent est leur coût, généralement exorbitant, et celles-ci ne sont achetés par certains que pour être ensuite revendues ou monnayées, indépendamment de l'utilité qu'ils peuvent en faire sur le plan humain.

On en arrive à une situation où les gens en difficulté psychologique ont le choix entre

- des hôpitaux abritant des gens en situation d'urgence, de précarité, ou dont le comportement est incompatible avec la vie sociale, pris en charge par un personnel infirmier et parfois médical déficitaire, confrontés les uns comme les autres à des conditions de travail supérieures à celles qu'ils peuvent humainement accomplir, et assumant tous les maux auxquels leurs contemporains refusent de se confronter à savoir la maladie, la souffrance, la folie, la mort, pour un salaire moyen.

- des professionnels de l'entretien, qui limite leur action à l'écoute de leur patient et leur périmètre de travail à celui de leur bureau et au fauteuil dans lequel ils sont assis, exigent des honoraires ruineux : une psychothérapie coûtera au minimum 1 000 fr par mois pour une consultation hebdomadaire, 2000 pour deux rendez-vous par semaine. Sans garantie du résultat de la thérapie. Qui peut aujourd'hui se payer cela ?

Dans un tel contexte, des campagnes telles que celle sur la "santé mentale" sont une insulte aux citoyens. Elles me font penser aux orchestres qui jouaient de la musique dans les camps d'extermination.

Qu'est devenu le service public hospitalier ? Il n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir.

Où vont les économies ?

Cette gestion de nos services qui nous a été imposée l'a été sous prétexte de faire des économies. Le résultat est qu'elle fait bien des économies, mais que celles-ci ne sont pas redistribuées aux établissement qui les font, ni aux citoyens auxquels ils appartiennent, mais qu'elles leur sont volées, disparaissant dans les mains d'intérêts privés.

Une partie est investie, servant à acheter des actions, sicav, etc... En cas de perte de valeur des actions, la perte n'est pas assumée par les gens qui ont décidé de ces investissements, mais par le public qui ignore leur existence et n'a eu aucune voix au chapitre les concernant.

L'absurdité de la compétitivité:

Avec cette gestion est apparue le concept de compétitivité entre hôpitaux : alors qu'auparavant ceux-ci avaient pour but de répondre aux besoins des populations alentours dans un périmètre restreint, ils ont été démantelés, les services étant regroupés dans différents établissements : l'hôpital de la ville A abritant les services de médecine, de chirurgie, et ceux de la ville B, la maternité, la gérontologie, etc... Ce qui a entraîné un éparpillement des soins dans plusieurs lieux pour un seul malade, qui, bien qu'étant hospitalisé dans la ville A, doit être transporté dans la ville B pour y subir des examens spécifiques. D'où des frais supplémentaires de transports en ambulance.

La compétition entre hôpitaux a entraîné une course au matériel : tel hôpital se pourvoit d'un scanner pour devenir plus important que l'établissement de la ville voisine, et abstraction faite des besoins réels de la population. Mais une fois le scanner acheté, il faut le rentabiliser; les besoins humains ne suffisant pas à éponger le paiement, des scanners sont prescrits à des gens qui n'en ont nullement besoin : j'ai vu un diabétique subir deux scanners alors qu'il était hospitalisé pour équilibrer son dosage d'insuline. Bien évidemment, il contribue personnellement à ce remboursement, indépendamment du fait que le scanner lui a été imposé, que son indication ne lui en a pas été donnée, et qu'il n'a pas voix au chapitre sur le fait qu'ils paye un examen dont il n'a pas besoin, qui ne lui sert à rien, et qui occasionne des frais de déplacement inutiles .

Ce n'est plus alors l'hôpital qui est là pour le citoyen, mais le citoyen qui est utilisé par l'hôpital comme objet de profit.

Non seulement nous en arrivons à l'inversion du concept de service public, mais à une déshumanisation totale des citoyens. Ce système de gestion est incompatible avec les fondements réels de la démocratie, qui reposent sur la valeur absolue de la personne humaine. Il est dépourvu de légitimité, anticonstitutionnel et repose sur l'escroquerie institutionnalisée. Toutefois, il ne s'exerce pas indépendamment de nous. Il a besoin de notre participation, de notre cautionnement, de notre acceptation pour s'exercer. Il est une création humaine, le produit de notre structure mentale, et repose, au delà de toute considération d'ordre moral, sur notre ignorance de la nature et de la fonction des symboles et de la nature et de la fonction symboliques de l'argent.

Ce n'est donc pas du tout en termes de culpabilité qu'il convient d'appréhender les problèmes humains engendrés par cette ignorance, mais en termes de connaissance, de conscience et de responsabilité, en intégrant au niveau économique les acquis de notre évolution scientifique et de notre modèle politique. Cette intégration demande du temps, mais elle est partie intégrante de notre évolution.

Agence de presse Interzone

 

 

 

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