penurie de personnel et insecurite en psychiatrie  

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Publication du Monde

"la pénurie du personnel au cœur de l'insécurité en psychiatrie."

Article du 13.05.05 de Cécile Prieur. Sont intervenus: Joël Volson, Michel Gellion, Alain Pidolle, Annie Hélary, Annick Perrin-Niquet, Eric Malapert.

(consultable sur le site du "Monde")

 

Extraits:

 

Le 13 janvier 2005, un patient en étranglait un autre à Saint-Venant (Pas-de-Calais); le 17 février, le corps sans vie d'un  malade était retrouvé dans un pavillon de l'hôpital d'Albi (Tarn); le 11 mars, une femme de ménage du centre médico-psychologique de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) était frappée de coups de couteau; le 26 avril, une infirmière d'un hôpital du Var était molestée et bâillonnée... Cette série d'agressions vient souligner le sentiment d'insécurité qui touche de plus en plus les équipes: depuis quelques années, les conditions de travail se sont dégradées en psychiatrie, augmentant les risques pour les soignants comme pour les malades.

 

 ... / ... Les professionnels relèvent que le profil des malades a évolué ces dernières années: "nous accueillons aujourd'hui des patients plus jeunes, qui allient des problèmes de maladie mentale et de toxicomanie, avec lesquels les rapports sont souvent plus durs", explique Michel Gellion, directeur de l'hôpital psychiatrique des Murets dans le Val-de-Marne. Comme dans les hôpitaux généraux, et notamment aux urgences, les insultes, bousculades et autres petits incidents sont devenus "le pain quotidien" des équipes.

 

 ... / ... De l'avis des intervenants en psychiatrie, le manque de personnel soignant, psychiatres et infirmiers confondus, est le principal facteur d'insécurité... La féminisation rapide de la profession d'infirmier, qui s'est accélérée au début des années 1990, pose également problème: "dans certaines équipes, il n'y a que très peu d'hommes, ce qui suscite de la peur chez les soignantes femmes qui se retrouvent seules pour gérer des malades violents".

 

 ... / ... De façon générale, la pénurie de personnel a déstabilisé les équipes soignantes alors que, depuis quelques années, la demande de soins n'a cessé d'augmenter. "On manque de soignants et on manque de temps, on n'a plus le temps de se poser avec les infirmiers pour parler des malades, on en est réduit à une forme d'abattage, s'indigne le docteur Alain Pidolle, psychiatre à l'hôpital de Phalsbourg (Moselle). Dans ces conditions, la violence de certains patients est une réaction à la violence de l'institution." 

 ... / ... Infirmière de secteur psychiatrique depuis le milieu des années 1970 dans le Morbihan, Annie Hélary confirme la dégradation "insidieuse" de ses conditions de travail: "les connaissances cliniques ont déserté les services, les soignants sont accaparés par des tâches qui n'ont rien à voir avec le soin. Chacun travaille dans son coin... Mais il n'y a plus de prise en charge en continu, c'est difficile d'avoir un travail au long cours"
... / ... "Tous les facteurs de création du lien sont extrêmement dégradés, les temps de rencontre avec les patients et leurs familles sacrifiés, renchérit le docteur Yvan Halimi, qui préside la Conférence des présidents des commissions médicales d'établissement. Alors que le meilleur garant contre la violence, c'est la qualité du lien entre patients et soignants" (accès au témoignage de J.P. bat, infirmier spécialisé dénonçant dès mars 2000 la "perte de spécificité psychiatrique").

 ... / ... Mais la psychiatrie ne souffre pas que d'un manque de personnel, elle vit aussi une mutation profonde dans les techniques de soin, du fait d'une perte de savoir-faire chez les personnels soignants: "depuis la disparition, en 1992, du diplôme spécifique aux infirmiers de psychiatrie, la (nouvelle) formation ne permet plus de développer des capacités relationnelles suffisantes avec les malades, explique Annick Perrin-Niquet, présidente du Comité d'études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie
(accès au dossier détaillant les graves insuffisances de la "formation unique infirmiere" imposée à la psychiatrie par le gouvernement de 1992)... Du coup, les nouveaux infirmiers développent une espèce d'appréhension dans la rencontre avec le patient et ils sont très vite débordés" (accès à l'interview du psychiatre Jean Oury dénonçant le "scandale de la suppression du diplome ISP").

 ... / ... Or "il est important d'avoir des personnels qui connaissent les patients et peuvent faire une analyse clinique de la  pathologie et de la situation, poursuit le docteur Eric Malapert, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public. Car il y a des comportements qui peuvent limiter ou au contraire stimuler le passage à l'acte des malades" (
accès au dossier "passage à l'acte").

 ... / ... Parce qu'il a mis au jour la crise profonde que traverse la psychiatrie, le drame de Pau a réveillé les pouvoirs publics et accéléré la mise en place du plan santé mentale, dévoilé le 5 février 2005 par Mr Douste-Blazy
(accès à l'article de 2005 "débat suscité après le meurtre de Pau"). Le ministre de la santé a ainsi réservé 15 millions d'euros pour sécuriser les établissements et généraliser un dispositif d'alerte par bip pour chaque infirmier. Cent quarante millions d'euros devraient par ailleurs être dégagés d'ici à 2008 pour créer 2 500 postes médicaux et non médicaux et améliorer la formation des infirmiers par une formule de tutorat exercé par les plus anciens (voir ici ce qu'il en est réellement un an après, à travers l'article du Monde de Février 2006: "Un an après, le plan santé mentale attend toujours"). 

 

 ... / ... Il n'est cependant pas certain que l'effort soit à la hauteur de l'enjeu: soumise à une pression croissante de la société, la psychiatrie menace de se déshumaniser si on ne lui permet plus d'exercer un soin de qualité.


Article de Cécile PRIEUR paru dans l'édition du Monde du 13.05.2005,
"Société Santé".

 

 


 

 

 

 

 

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