GUIDE DU SERVICE INFIRMIER
- l'évolution des orientations en santé mentale et la fonction infirmière -
Chapitre 1 |
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Références législatives et réglementaires en santé mentale |
La population et la santé mentale |
La fonction infirmière en santé mentale |
Les différentes structures de soins et la pratique infirmière |
Adéquation entre besoins en santé mentale et service infirmier |
La psychiatrie de secteur |
RÉFÉRENCES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES EN SANTÉ MENTALE
LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR
Le territoire national est découpé en aires géographiques appelées "secteurs". Le secteur se définit par la mise à disposition d'une communauté géo-démographique d'un service public de protection en santé mentale.
Le principe fondamental du secteur est le refus de la ségrégation du malade mental.
Cela implique de la part de l'équipe soignante une volonté d'intégration, de maintien ou de réintégration du patient dans son milieu familial et social.
Le second principe est la continuité des soins, la responsabilité en continu de la même équipe soignante pour toutes les phases de l'itinéraire thérapeutique.
Les
modalités de mise en place
La circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d'organisation et d'équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales est le texte originel relatif à la sectorisation jusqu'en 1985.
Il s'agit de créer un dispositif adapté et efficace.
Les objectifs sont les suivants:
traiter à un stade précoce,
séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu et
assurer une post-cure évitant les hospitalisations multiples.
Les moyens nécessaires définis sont:
une hospitalisation ne représentant qu'un temps dans la prise en charge,
des structures extra-hospitalières telles que les dispensaires d'hygiène mentale, les foyers et les ateliers protégés,
une même équipe assurant le travail intra et extra-hospitalier.
La circulaire n°12 du 24 janvier 1969 relative à la bi-sexualisation des hôpitaux psychiatriques. "... les malades d'un secteur, installés dans des locaux séparés, selon le sexe, devraient être regroupés sous l'égide d'un même médecin-chef de service".
L'arrêté du 14 mars 1972 fixe les modalités du règlement départemental de la lutte contre les maladies mentales, l'alcoolisme et les toxicomanies. La division en secteurs de psychiatrie adulte et infanto-juvénile est fixée par arrêté préfectoral.
La circulaire n°443 du 16 mars 1972, relative au programme d'organisation et d'équipement des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences mentales des enfants et adolescents définit de nouvelles orientations spécifiques. Elle sera complétée par la circulaire D 65 892 MS 1 du 9 mai 1974.
Prenant en compte les progrès en matière de psychiatrie infanto-juvénile et les différents types de prévention tels qu'ils ont été définis par l'Organisation Mondiale de la Santé, les textes mettent l'accent sur le diagnostic et le traitement précoce. Les modes de cure ambulatoires ou à temps partiel sont considérés comme prioritaires afin de maintenir l'enfant dans son milieu familial et scolaire dans la mesure du possible.
L'action de l'équipe doit s'inscrire en liaison avec la famille de l'enfant et les différents services sanitaires, sociaux et éducatifs.
Pour la psychiatrie générale, la circulaire DGS 891 MS 1 du 9 mai 1974 précise les normes minimales de personnels et leurs missions.
Le rôle et les attributions des membres de l'équipe médicale et para-médicale sont définis en fonction de:
l'application des principes de permanence et de continuité des soins,
la volonté de déconcentration et de diversification des pôles thérapeutiques.
Les modalités d'équipement doivent être réexaminées, l'effort devant porter en priorité sur les structures extra-hospitalières.
La circulaire n°896 AS 2 du 15 juin 1979 relative à l'accueil et aux urgences en psychiatrie. Elle précise que, quelles que soient les modalités retenues, les objectifs à atteindre dans chaque département sont les suivants:
réception des appels en permanence,
intervention d'un psychiatre sur les lieux de la crise,
transport et accueil des malades.
Les réformes intervenues depuis 1985
L'innovation thérapeutique en psychiatrie a connu en 25 ans un développement important. Cependant, si les activités de secteur se sont vues attribuer en 1960 et 1972 un cadre réglementaire, le problème de leur base juridique n'a été réglé qu'au cours du second semestre de l'année 1985.
Trois lois ont été adoptées:
La loi n°85-772 du 25 juillet 1985. L'art. 8-1 modifie l'article L326 du Code de la Santé Publique, donne un statut juridique au secteur psychiatrique en le définissant dans sa double dimension intra et extra-hospitalière. Vingt-cinq ans après la circulaire de 1960, le secteur reçoit une base légale.
Cette loi institue un Conseil Départemental de Santé Mentale qui est chargé de donner son avis et de faire des propositions en matière d'organisation et de planification.
La loi n°85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique intègre les secteurs dans la carte sanitaire générale (Art. 1 et 2).
Chaque établissement hospitalier public, Centre Hospitalier Spécialisé ou Centre Hospitalier Général, participant à la lutte contre les maladies mentales est responsable de celle-ci dans les secteurs psychiatriques qui lui sont rattachés. Il est chargé de gérer directement l'ensemble des activités intra et extra-hospitalières (Art. 3).
L'article 4 modifie l'article L 326-2 du Code de la Santé Publique. Cette nouvelle rédaction abroge l'article 1 de la loi de 1838. Désormais les patients en placement d'office et en placement volontaire peuvent être hospitalisés soit dans un Centre Hospitalier Spécialisé soit dans un service de psychiatrie d'un Centre Hospitalier Général.
L'unification du financement. La loi de finances de 1986, en son article 79, prévoit que les dépenses de lutte contre les maladies mentales exposées au titre de l'article L326 du Code de la Santé Publique sont à la charge de l'Assurance Maladie à compter du 1er janvier 1986. Ce nouveau financement qui est assuré sous forme de dotation globale, met fin aux cloisonnements antérieurs entre les activités intra et extra-hospitalières.
Quatre textes complètent les dispositions de ces lois:
1/ Le décret n°86/602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales et à l'organisation de la sectorisation psychiatrique institue:
les secteurs de psychiatrie générale répondant aux besoins de la population âgée de plus de 16 ans,
les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile pour les enfants et adolescents correspondant à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie générale,
les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire répondant aux besoins de santé mentale d'une population incarcérée dans les établissements relevant d'une région pénitentiaire. Ces secteurs sont rattachés à un établissement hospitalier public et comportent, en particulier, un service médico-psychologique régional aménagé dans un établissement pénitentiaire qui peut assurer en outre une mission de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.
Il définit les fonctions et la composition du Conseil Départemental de Santé Mentale.
Il prévoit l'organisation technique du service public de lutte contre les maladies mentales et de la sectorisation psychiatrique:
Art. 8: chaque établissement assurant le service public hospitalier auquel sont rattachés un ou plusieurs secteurs psychiatriques est responsable de la lutte contre les maladies mentales dans ce ou ces secteurs.
Art. 9: la prévention, le diagnostic et les soins prévus à l'article L.326 du Code de la Santé Publique et à l'article 4 ter de la loi du 31 décembre 1970 modifiée sont assurés notamment:
dans des services spécialisés comportant ou non des possibilités d'hébergement total, d'hébergement de jour ou de nuit,
à la résidence des patients,
dans les établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux où résident les patients,
par les séjours thérapeutiques temporaires,
par des actions d'information auprès de la population et des professionnels concernés.
2/ L'arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités d'hébergement énumère et définit:
Art. 1 "les équipements et services ne comportant pas d'hébergement
Art. 2 "les équipements et services comportant l'hébergement
3/ Le Guide de Planification en Santé Mentale (circulaire n°57-80 du 21.12.87), conçu à la fois comme un outil pratique et méthodologique, repose sur les quatre principes suivants:
faire dépendre les choix à moyen terme d'une analyse précise des objectifs sanitaires poursuivis localement en cohérence avec les objectifs nationaux de la sectorisation psychiatrique et prenant en compte les besoins spécifiques des populations au niveau local,
étudier les transformations dans la globalité de leurs incidences, tant au niveau des personnels que des équipements, des investissements que des dépenses de fonctionnement, en psychiatrie comme dans l'ensemble du champ sanitaire et du secteur médico-social,
réaliser une véritable "planification de reconversion". En effet, il s'agit d'inverser les tendances à l'hospitalo-centrisme et de restructurer un pôle d'hospitalisation surdimensionné par rapport aux besoins réels,
concevoir une démarche de concertation, associant toutes les parties concernées par les projets de transformation du dispositif existant, sous des formes à définir en fonction des réalités locales.
4/ La circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale (J.O. du 3 avril 1990) définit les buts et les principes de la politique nationale de santé mentale. Ce texte actualise la réforme de l'organisation et du financement de la psychiatrie publique intervenue en 1985 et 1986.
Titre 1er - Les principaux objectifs et orientations de la politique dans le domaine de la santé mentale.
La lutte contre les maladies mentales est "une priorité de santé publique" à envisager aujourd'hui "sous un angle élargi et selon une conception positive et dynamique de la santé: en cherchant à promouvoir des facteurs de santé, en s'intéressant davantage aux aptitudes des individus et des groupes vis-à-vis de leur santé".
Six axes ou orientations sont énoncés:
améliorer la connaissance sur l'état de santé mentale de la population, les facteurs concourant à la santé ou à la maladie, les stratégies de santé des individus et des groupes, l'efficacité des systèmes et actions de santé mentale.
donner aux personnes les moyens de résoudre leurs problèmes en santé mentale:
informer et éduquer,
améliorer l'accès aux soins,
réaliser la meilleure offre de soins possible, accroître la pertinence et la qualité des services: diversité, souplesse, complémentarité, coordination, évolutivité. Pour cela, accroître la compétence des personnels: formation, mobilité, participation à la recherche, évaluation des actions,
veiller au respect des droits des patients et de leur famille et, chaque fois que nécessaire, à leur protection.
valoriser l'ensemble des ressources de santé mentale; développer les échanges avec la population, plus précisément avec les professionnels et non-professionnels agissant dans le champ de la santé mentale ou concernés par lui.
prévenir les effets indésirables produits par le système de soins et notamment la perte d'autonomie des personnes prises en charge.
pallier les conséquences des problèmes de santé mentale sur la vie des personnes et de leur entourage, participer à l'insertion sociale des personnes malades.
développer une prévention "ciblée": agir sur les situations de risque, de vulnérabilité des individus, repérées grâce à l'expérience clinique.
Ces orientations doivent être renforcées en direction de certains groupes de population, notamment:
les personnes âgées, en raison de leur particulière vulnérabilité aux problèmes de santé mentale et de leurs plus grandes difficultés d'accès aux soins. Le vieillissement de la population en fera un problème de santé publique croissant et à moyen terme prévalent.
les enfants et les adolescents pour qui la précocité d'interventions de qualité est déterminante sur leur évolution psychopathologique future.
Titre 2 - Les principes généraux d'organisation et de coordination du dispositif public et privé de santé mentale.
Après avoir rappelé les rôles et missions des éléments principaux composant le dispositif de santé mentale et insisté sur la diversité et la complémentarité des ressources, la circulaire décrit également le secteur psychiatrique, ses objectifs et caractéristiques. Des mises au point sont faites, en réponse à des questions ou problèmes fréquemment posés sur l'organisation sectorielle, sur les missions de soin et de prévention.
Afin d'aborder au mieux l'ensemble des problèmes particuliers de coordination et de concertation existant sur le terrain, il est préconisé la mise en place, en complément du Conseil Départemental de Santé Mental, des Conseils de Secteur qui pourraient notamment:
étudier et résoudre les problèmes d'articulation, de coordination et de coopération entre les divers acteurs,
mobiliser les complémentarités entre les praticiens libéraux et les infrastructures publiques ou associatives,
produire les informations et propositions nécessaires aux travaux des Conseils Départementaux de Santé Mentale et concrétiser sur le terrain les recommandations de cette instance.
Titre 3 - La transformation du dispositif psychiatrique public.
Celui-ci est jugé "en l'état actuel pour partie encore inadéquat pour atteindre les objectifs de santé mentale énoncés au titre 1er et pour la réalisation des missions rappelées au titre 2".
La transformation des Centres Hospitaliers Spécialisés "dans les perspectives et le respect des principes de la sectorisation" constitue une priorité qui doit amener "progressivement mais sûrement notre système de psychiatrie publique à une bonne adéquation, à des fonctions de prévention et de soins de santé mentale modernes".
Sept objectifs à atteindre en tout secteur psychiatrique dans les cinq années à venir sont énoncés:
l'accueil, avec l'accessibilité aux soins et la réponse à l'urgence,
les prestations ambulatoires et à temps partiel,
les soins à temps complet,
la réadaptation,
la coordination avec les autres dispositifs de soins et de prévention,
les interventions dans les structures sociales (ou éducatives) et médico-sociales,
la participation à des programmes de santé particuliers.
En terme de procédure la circulaire rappelle les deux outils principaux que sont le Schéma Départemental d'Organisation en psychiatrie (SDO) d'une part et la Carte Sanitaire de psychiatrie d'autre part, conformément à la circulaire n°57-80 du 21 décembre 1987.
Enfin en conclusion du titre 3 les principes et contraintes sont évoqués:
l'évaluation de l'activité devra être réalisée progressivement par la mise en place d'un protocole d'évaluation pour tout projet de transformation.
la formation et l'encadrement des personnels:
"un soin tout particulier doit être apporté à la formation continue des personnels, et pour certains, à l'accès à de nouvelles qualifications",
"l'accroissement de la qualification et des compétences, et plus généralement de la qualité des savoir-faire du personnel soignant, mais aussi des personnels autres, notamment administratifs, est en effet condition de la réussite des transformations. Les infirmiers sont tout particulièrement concernés car les transformations à venir impliquent une modification importante de leur rôle et de leurs pratiques",
"il importe aussi que l'encadrement médical et paramédical fasse preuve des meilleures qualités d'organisation et de régulation",
"les établissements sont incités à promouvoir une politique de formation et de transformation d'emplois, de promotion des personnels et d'affectation des responsabilités qui correspondent à l'effort de transformation demandé".
Le redéploiement de moyens; il s'agit des moyens existants obtenus en particulier par la diminution des capacités d'hospitalisation à temps complet. La mise en place de structures et d'actions de réadaptation et de soins ambulatoires va de pair avec un moindre recours à l'hospitalisation à temps complet et la diminution de la durée de séjour. Dans le même temps, "il faut donner aux unités d'hospitalisation à temps complet restantes les moyens d'une activité thérapeutique intensive". Les redéploiements de moyens financiers et en personnel "viseront principalement à augmenter en nombre et en qualifications, les postes soignants".
Cette redistribution de moyens s'effectue selon deux critères:
"la nécessité d'atteindre pour tout secteur un seuil fonctionnel selon les indications données précédemment.
La réalisation de projets évolutifs et novateurs répondant aux objectifs définis lors de l'élaboration des Schémas Départementaux d'Organisation. Il ne conviendrait à aucun prix que les secteurs les plus novateurs se voient amputés de moyens nécessaires à leur évolution".
Cette circulaire sera complétée par des textes relatifs à des domaines particuliers:
l'équipe pluridisciplinaire,
la réadaptation et la réinsertion,
l'accueil et la réponse à l'urgence et enfin
la prévention.
- http://psychiatriinfirmiere.free.fr/ - "Guide du service infirmier de 1991" - Ministère des affaires sociales et de la solidarité - Direction des hôpitaux -