charte exercice professionnel infirmiers psychiatrie
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CHARTE de l’EXERCICE PROFESSIONNEL INFIRMIER
en PSYCHIATRIE
et en SANTÉ MENTALE
Article paru dans le site "psyassises".
Texte présenté et adopté lors des 7èmes Assises Nationales des Infirmiers en Psychiatrie, Bordeaux, 19 novembre 2005.
Cette charte d'exercice professionnel infirmier résulte des travaux des Assises d'Albi de 1995 sur les principes pédagogiques
de la charte de formation, par le Groupe de Réflexion Bordelais, le CNMP et le CEFI (références en bas de page).
"Il s’agit de poser les conditions nécessaires pour un exercice professionnel dans le champ
des soins en psychiatrie et en santé mentale".
(lire à ce propos le dossier détaillant les graves insuffisances de la "formation unique infirmière" imposée à la psychiatrie en 1992).
Considérant que l'infirmier, en tant que soignant, doit être capable:
d'identifier des problèmes de soins,
de réaliser des interventions de soins;
Considérant que cette compétence s'exerce dans le champ de la psychopathologie et des soins psychiatriques. C'est-à-dire à l'égard de personnes souffrant de difficultés, voire impossibilité, à établir des liens psychiques; difficultés, donc, de la communication non seulement avec le monde extérieur mais aussi de la communication interne, avec soi-même. Ces difficultés d'une symbolisation du réel (autrement dit, d'une élaboration du réel dans une dimension de sens) se manifestant dans le symptôme et au travers du symptôme;
Considérant que cette compétence non seulement s'exerce à l'égard de la personne malade hospitalisée, mais se diversifie avec la prise en charge du patient au sein de la communauté sociale, avec la prise en charge thérapeutique des familles et le travail de prévention dans la collectivité;
Considérant que, le plus souvent, l'infirmier en psychiatrie et en santé mentale exerce sa compétence au sein d'un groupe de travail, qu'il s'agisse d'une équipe soignante ou d'un réseau de partenaires du domaine sanitaire et social;
Considérant que la dimension thérapeutique des soins tient à la Présence du Dispositif soignant, c'est-à-dire à la Permanence permettant l'étayage psychique du patient et à la Cohérence procédant d'une dynamique relationnelle;
Considérant que les outils thérapeutiques du dispositif soignant sont repérables dans: l'institution de situations de relation duelle ou plurielle; l'institution de situations à médiation corporelle ou à médiation objectale; l'institution du groupe-équipe soignant;
Considérant que le groupe soignant n'existe que par son unité diversifiée et mobile, laquelle repose sur l'activité de mentalisation des soignants, et par sa structuration, laquelle se caractérise par le travail de distinction des lieux et de distinction des rôles.
Sont établis les Réquisits de l’Exercice Professionnel suivants:
La signification de la pratique des soins exige l’appropriation par le soignant de sa pratique; cette appropriation passe par l’existence de ce qu’on pourrait appeler un dispositif soignant. Un dispositif soignant est l’ensemble de deux éléments:
l’existence d’un cadre mental,
l’existence d’un cadre thérapeutique.
Une dimension essentielle du dispositif soignant est de pouvoir assurer au patient une contenance à ses projections d’angoisse et de destruction. Cette contenance s’effectue dans le contexte d’une relation soignant/soigné où le soignant s’engage dans un accueil possible à la souffrance du patient.
La fonction contenante est la fonction réalisée par l’intentionnalité soignante, telle qu’elle se manifeste dans l’existence
du cadre mental et du cadre thérapeutique.
1°) Le cadre mental
Contenance.
La capacité du soignant à accueillir la souffrance de l’autre et à lui offrir un contenant possible implique d’avoir déjà reconnu, rencontré en soi-même et au travers des connaissances, ce en quoi cette souffrance, le pathos, nous caractérise comme être humain. Ce rapport de chaque soignant et de l’équipe soignante au pathos se manifeste et se signifie dans les pratiques d’analyse, d’élaboration et de construction des soins et des situations de soins. Le travail soignant consiste alors en un souci de cette souffrance par le repérage de ses excès dans la maladie et par l’élaboration de conditions de soins qui en permettent le dépassement (voir "l’axe de la formation personnelle" développé dans la charte de formation).
Étayage sur le cadre mental.
Cette activité de mentalisation, "terre d’asile" du patient, réalise l’accueil en pensée de la personne soignée. D’où l’idée de cadre mental, qui est précisément l’activité de mentalisation réalisée par les soignants, c’est-à-dire un travail de représentation, de mise en pensée des situations professionnelles tant dans leurs constructions cliniques que dans leurs vécus.
De la sorte, le cadre mental ainsi constitué est lieu d’existence pour le patient dans la dimension de la relation de soins. Existence repérable dans le discours des soignants et qui revêt la forme des représentations qu’ils se font de la singularité du cas. La personne malade est constituée en "patient" par le soignant dans la construction continue du cas.
Ce travail psychique est rendu possible par l’étayage de la relation soignant/soigné sur la capacité contenante elle-même du collectif soignant, la présence d’une équipe (voir "l’axe de la formation théorico-clinique" développé dans la charte de formation).
Ainsi, la capacité de sollicitude du soignant se réalise dans la construction d’un cadre mental, espace de
pensée, que le
cadre thérapeutique vient matérialiser. Cet espace topologique est conditionnel de la rencontre soignant/soigné. Rappelons
qu’il n’y a pas de soins sans situations de soins parlées.
2°) Le cadre thérapeutique
Poser que la problématique des soins en psychiatrie et en santé mentale s’origine dans celle de la relation, s’appuie sur l’observation que la capacité relationnelle est toujours en question par ce qu’elle implique de souffrance. Précisément, souffrance des pertes indissociables du développement et de la maturation de la personne. En effet, dans la relation est présente la question de la séparation autant que du lien, puisque la réalisation de ce dernier suppose l’existence de l’autre: la relation est une élaboration du conflit union/séparation, présence/absence.
La construction du Tiers pour qu’il y ait relation.
Les processus de socialisation sont le produit d’un travail de compromis entre exigences narcissiques et exigences de la réalité extérieure. La capacité, pour l’individu, de rencontrer les autres et de se rencontrer soi-même au travers de ces relations suppose qu’il renonce à la relation sur le mode fusionnel et construise des relations dans l’ordre de la tiercéité. Ce travail de maturation psychique ne peut être réalisé qu’au sein d’environnements, à la fois protégés et perméables, qui sont primitivement et dans des 'conditions normales', le milieu familial et le milieu scolaire.
Cette problématique du développement psycho-affectif de la personne, dans ses défaillances et ses échecs et la souffrance qui les accompagne, détermine celle de la relation de soins dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale.
Pour y répondre, il y a donc nécessité que les soignants construisent une pertinence du lieu de soins, autrement dit la tiercéité de rencontre des soignants et des soignés que le dispositif-cadre thérapeutique matérialise et actualise. Il s’agit là d’un espace potentiel dont les modes particuliers d’existence (situations de soins, ateliers...) sont proposés par les soignants aux soignés mais aussi à eux-mêmes. Ils seront donc pensés de telle sorte que puissent s’y jouer les conflits singuliers de la relation à l’existence humaine, être des attracteurs particuliers de symbolisation de ces conflits.
Le maillage symbolique du dispositif-cadre.
Du côté des soignants, le caractère symbolique du dispositif-cadre qu’ils construisent est double:
d’une part, il représente leur pensée, il est l’existence matérielle, en objet, de la pensée soignante; et cette objectivation est la condition pour que cette pensée puisse se connaître elle-même, se reconnaître;
d’autre part, il est une représentation concrète des soignants auprès des soignés, permettant que l’absence (des soignants) puisse être pensée.
Du côté du tiers institutionnel, le dispositif-cadre, parce qu’il concerne tout autant les soignants et les soignés, matérialise ce qui leur est commun, ce en quoi ils sont semblables vis à vis des contraintes liées aux processus de symbolisation. Parce que cet objet intermédiaire est indistinctement aux deux, soignants et soignés, il marque symboliquement le niveau d’indistinction primaire d’où émerge(ra) le sujet.
Du côté des soignés, le dispositif-cadre remplit au moins trois fonctions, d'offrir à la fois:
dans les moments d'absence des soignants ou de vécu de différence, un tenant lieu corporel commun tant pour les
soignés que pour les soignants;un ensemble formalisé extérieur à soi, constitutif d'un non-moi, condition potentielle d'intériorisation;
dans ses diverses modalités, une architecture propice à la construction d'une permanence de Soi.
La nécessité pour le soignant que l'exercice professionnel se réalise dans un rapport d'appropriation.
Il s'agit que les différents acteurs se positionnent non pas comme exécutants de décisions prises en dehors d'eux, mais comme co-auteurs responsables d'une approche globale dans les soins, d'une vision d'ensemble, d'un travail d'équipe.
Ceci est à considérer selon les dimensions de l'exercice professionnel, c'est-à-dire dans la pratique des soins, la pratique d'équipe et les pratiques de formation.
1. Le rapport d'appropriation à la pratique des soins existe dans l'engagement d'une relation soignant-soigné. Cet engagement suppose des modalités de travail qui permettent cette appropriation: construction du cas et d'un projet thérapeutique individualisé, attribution de figures soignantes de référence (du dossier de soins, de tel ou tel atelier thérapeutique...). Chaque soignant contribuant ainsi à la compréhension du sens des soins réalisés, tant au niveau global des missions de l'UF, qu'au niveau particulier de chaque patient.
2. Une pratique d'équipe soignante n'existe que dans la possibilité pour chaque soignant d'être dans un rapport d'appropriation à l'organisation du travail du service et de l'institution.
Cette appropriation individuelle du sens du collectif suppose la participation de chacun à l'organisation de l'ensemble, de sorte que chaque "Je" (soignant) retrouve en l'autre la même position d'implication dans les soins et l'organisation des soins qui leur donne sens. L'organisation, en effet, a pour fonction d'aider les "Je" à s'y retrouver dans:
- les relations de soins,
- les relations de travail.
Cet engagement de chacun, non seulement dans l'exécution mais aussi dans l'élaboration des problématiques et des décisions, se concrétise, par exemple, dans une politique de réunions qui aurait souci des soignés, des soignants et de l'institution. Rappelons que l'existence de toute réunion exige d'en définir le lieu, les horaires, la durée, la périodicité, la population et l'objet. Ainsi trouvera-t-on:
en direction des soins et des patients: les réunions de synthèse, les réunions soignants/soignés, les réunions de liaison inter-institutions...
en direction des soins et des soignants : les réunions de régulation, de supervision, les réunions théorico-cliniques...
en direction de l'organisation des soins et de l'institution : les réunions institutionnelles soignants/soignés, les réunions d'équipe infirmière, les réunions d'équipe soignante...
3. On comprend dès lors que la formation professionnelle doit aussi se situer dans la même perspective d'appropriation que les autres dimensions de l'exercice professionnel.
De ce point de vue, les pratiques de formation ne peuvent être réduites à des formations-informations. Elles doivent avant tout être des formations développant, non seulement un rapport à des contenus de savoir, mais aussi un rapport à la pensée, à la connaissance. De la sorte, il est requis que ces pratiques de formation posent l'objet de connaissance comme un objet en signification (et non pas comme un objet en soi), c'est-à-dire dans ses rapports à la fois singuliers (la réalité des phénomènes) et universels (le caractère théorisable de ces phénomènes).
Texte présenté et adopté lors des 7èmes Assises Nationales des Infirmiers en Psychiatrie -Bordeaux, 19 novembre 2005-
CEFI-Psy, CNMP et Groupe de Réflexion Bordelais (E Mercier, J-Y Casaux, J-P Abribat).
Consulter ci-dessous:
la circulaire gouvernementale du 10 juillet 2003 qui révèle l'absence de véritable formation psychiatrique au sein des IFSI;
l'article du Monde de mai 2005 dénonçant une "perte de savoir-faire chez le personnel soignant";
et les extraits du dossier "articles de presse".
Références d'articles ayant pour thème "la participation des infirmiers à la psychothérapie".
Compléments d'informations (liens vers d'autres textes ayant pour thèmes "l'infirmier, la formation et la psychiatrie"):
"Programmes officiels de formation infirmière en psychiatrie", formation ISP (1979-1992), consolidation (2003) et tutorat (2006);
"Guide du service infirmier en psychiatrie", Ministère des affaires sociales et de la solidarité, Direction des hôpitaux, 1991;
"Charte de formation pour des infirmiers en psychiatrie et santé mentale", 4èmes assises Nales des infirmiers en psychiatrie, décembre 1995;
"Spécificité des soins infirmiers en hôpital psychiatrique", 'Soins Psychiatrie', février 1998;
"Il était une fois les infirmiers de secteur psychiatrique", 'Soins Psychiatrie', septembre 2001;
"Du nous au je, la posture de l'infirmier en psychiatrie", 'Informations Sociales', janvier 2008;
"Promotion d'un soin relationnel infirmier en psychiatrie", 'perspectives psy', juillet-septembre 2010;
"L'infirmier de secteur psychiatrique, notions et repères", 'psychiatrie infirmière', septembre 2011.
- http://psychiatriinfirmiere.free.fr/ - "Psychothérapie institutionnelle" -
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