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"Quand exactement a t'on eu conscience qu'il y avait un manque de formation psychiatrique dans le programme des IFSI..?"

Dossier F.A.Q.

 


 

Cela fait déjà plusieurs années que des professionnels de la psychiatrie ont conscience et s'interrogent sur le manque de formation des infirmiers issus de la réforme de 1992. Nous avons reproduit ci-dessous un article écrit début 1993, soit juste après l'application de la loi sur la réforme des études, qui supprima la formation spécialisée des infirmiers de secteur psychiatrique. Publié dans le site "psyassises", ce "plaidoyer" relevait déjà en les détaillant très précisément, les dangers à redouter de cette mesure radicale et irresponsable. Il donnait aussi, et cela est remarquable pour l'époque, plusieurs pistes très précises afin d'y remédier, à condition de transformer profondément la formation réservée aux élèves infirmiers, formation qui se révèlera trop succincte quand ils se destinent à la psychiatrie.

 


 

PLAIDOYER POUR UNE FORMATION DES INFIRMIERS

EN PSYCHIATRIE ET EN SANTÉ MENTALE

 

Article de Jean-Paul Abribat, Jean-Yves Casaux et Eliane Mercier, février 1993 (références en bas de page).

Quoi qu’on pense de la réforme des études, des exigences demeurent quant à la compétence requise pour travailler auprès de personnes nécessitant des soins relevant de la santé mentale (
accès au dossier "sante mentale"). Et ces exigences concernent la formation initiale des infirmiers, sans préjuger d'une nécessité d'approfondir ces orientations dans le cadre d'une formation continue (accès au dossier "formation continue").


La formation initiale actuelle pose la psychiatrie comme un apport optionnel; elle élude donc, d'entrée, qu'il s'agit de mettre au centre le fait psychiatrique dans toutes ses dimensions
(accès au dossier détaillant les graves insuffisances de la "formation unique infirmiere" imposée à la psychiatrie par le gouvernement de 1992). Il s'agit de comprendre que ce fait est saisissable d'abord dans le champ des soignants: au niveau du quotidien, du journalier, du banal et du bénin de leur travail.

Depuis la circulaire du 15 mars 1960, la pratique infirmière a largement participé à la politique de secteur, notamment pour réduire les effets iatrogènes de l'hospitalo-centrisme. Actuellement, le volontarisme affiché en matière de modernisation du dispositif de soins en santé mentale trouve une traduction très claire dans les orientations de la circulaire du 14 mars 1990. C'est le centre médico-psychologique qui est le pivot du dispositif d'un secteur. Ces orientations délimitent le cadre des évolutions concernant le champ professionnel infirmier. Leur traduction dans le réel suppose que le personnel soignant, en particulier les infirmiers, en soit l'artisan au quotidien notamment pour:

Relativement aux contenus de formation, une formation en soins psychiatriques ne peut faire l'impasse sur sa position épistémologique à propos de la maladie mentale et du statut du Sujet.

Ceci veut dire:

Relativement aux démarches formatives, il faut que la formation prenne en compte et indue dans son processus la question des obstacles à l'appropriation des connaissances et au changement.

D'où une logique pédagogique qu'il ne faut centrer ni sur l'objet de connaissance en soi ni sur la seule affectivité du sujet, mais bien sur des situations concrètes mettant en œuvre l'individu réel, avec son inconscient (
accès au dossier "conscient et inconscient"), ses projets, ses attaches sociales, son statut, son rapport aux autres, au groupe et à son travail. D'où les réquisits essentiels suivants:

FORMER A LA PRATIQUE DU SECTEUR

Il s’agit de travailler sur le sens des soins psychiatriques aussi bien du point de vue de leur évolution que du point de vue de la signification et de la portée que les techniques de soins prennent dans le cadre de leur utilisation. Cela veut dire:

Cette dimension de formation parait nécessaire pour mettre en évidence tant l'évolution du rôle de l'infirmier en santé mentale que ses nouvelles fonctions au sein de l'équipe soignante (accès au dossier "histoire de la psychiatrie infirmiere").

 

1/ Evolution du rôle thérapeutique

La notion de soins curatifs intra-muros s'est élargie, depuis une quarantaine d'années, à celle des soins extra muros pour assurer la continuité des soins dans une aire géo-psychiatrique donnée et favoriser la réhabilitation dans la communauté sociale des personnes malades qui en avaient été exclues.
La formation doit inclure l'étude des éléments suivants:


2/ Evolution de la fonction infirmière en santé mentale
La dimension du rôle thérapeutique de l'infirmier (
accès au dossier "specificite des soins infirmiers en psychiatrie") suppose le développement des connaissances théoriques et des compétences techniques qui peuvent lui permettre de dépasser le rôle de gardien pour celui de co-acteur thérapeutique (accès au dossier "formation en psychiatrie infirmiere"); ces connaissances et ces compétences doivent être définies et inscrites dans la formation professionnelle pour être utilisées quotidiennement.

D'où il est requis que les études passent du type traditionnel (apprendre la différence dans une position subordonnée stricte, exécuter des ordres) à l'éducation plus large dont le but est de développer la personnalité, rapprendre à s'adapter, à communiquer, à résoudre des problèmes dans le cadre de la fonction individuelle et groupale de l'infirmier; ce qui déborde largement de la seule exécution des prescriptions médicales.

Le rôle thérapeutique infirmier suppose donc le déclin de la tendance à considérer les infirmiers comme les auxiliaires du médecin et non comme ses partenaires dans le traitement et les soins, de même vis-à-vis du psychologue. Il importe donc que la formation mette l'accent sur la nécessité et le développement du service de soins infirmiers et travaille sur le statut des infirmiers dans l'équipe de soins.

 

A partir de l'effacement du rôle de surveillance devant le rôle thérapeutique de l'infirmier, à partir de l'aide aux malades pour rester en contact avec la collectivité, l'environnement humain constitue un facteur essentiel pour une intervention infirmière. On peut affirmer que la compréhension du développement de la personnalité, les significations et les modalités de l'angoisse (accès au dossier "angoisse"), les aspects sociologiques des soins psychiatriques, ainsi que la connaissance des méthodes de travail en groupe font partie intégrante de la formation théorique et pratique (accès au dossier "therapies psychiatriques").

Il s'agit d'étudier les soins infirmiers en santé mentale non du point de vue des taches accomplies, mais des effets de leurs interventions sur la santé des patients: on soigne avec ce que qu’on sait en même temps qu'avec ce que l’on est. D'où la nécessité de formations à dimension personnelle.

L’action pédagogique ne peut se réduire à une formation-information, à une simple transmission de connaissances. Il faut que la formation ait pour objet et support les situations de vie et la pratique professionnelle quotidiennes. Il s'agira donc d'étudier les différentes techniques de soins et leur mise en place strictement dans leur rapport aux problématiques relationnelles qu'elles sont censées contribuer à résoudre, aussi bien en direction des soignés (modalités d’encadrement de la vie quotidienne, ateliers thérapeutiques, entretien infirmier... ) qu'en direction des soignants (réunions cliniques de supervision, de régulation, d'analyse institutionnelle, de synthèse... ) et de l'organisation des relations de vie et de travail (réunions soignants/soignés, dossier de soins, organisation du travail en équipe...).

DÉMARCHES FORMATIVES

Elles doivent se servir de l'étude des situations de soins pour aborder la question du (des) symptôme(s) articulée aux actes soignants dans les dimensions de l'angoisse et du transfert.
En effet, il n'y a pas de soins sans situations de soins. Celles-ci sont le fruit d'une construction dont le soignant est à la fois l'auteur et le participant, autour d'une problématique de soins. Ceci implique de développer l'aptitude à: 

C'est ce processus qui produit un acte soignant susceptible d'être repris par le soigné dans la mesure où il inscrit la relation soignant/soigné dans la perspective de l'angoisse et du transfert, donnant ainsi sens aux multiples situations quotidiennes (exemples: le repas thérapeutique, telle ou telle situation d'atelier... ).

D'où la nécessité de se former au repérage des constituants de la situation de soins.

Ces constituants sont: le patient, le soignant, tout ce qui est objet de l'environnement des deux partenaires (cadres, règlements ... ) et le rapport de chacun à cette situation et à sa propre histoire.

Il s'agit de le faire toujours en relation avec les situations de soins. A partir d'une situation de soins (dès l'accueil), I'infirmier se donne pour tâche de faire des liens entre les éléments de l'histoire du patient et ceux des données qui concernent son rapport à la vie et aux autres, lesquels apparaissent fréquemment hétéroclites ou contradictoires. Ce travail de mise en sens ne peut se faire qu'en référence à des outils théoriques qui le permettent.


De même que la théorie intervient en tiers entre le patient et l'infirmier soignant, de même l'équipe joue un rôle de fiers dans la relation de soins. L'équipe de soins tient essentiellement sa qualité thérapeutique de penser sa pratique: cette notion d'équipe pensante est au fondement des soins.

1/ Ouvrir à la dimension du sujet
Il faut ouvrir à la dimension du sujet (pour ce qui est du soignant, pour ce qui est du soigné) dans la double dimension du socius (l'acteur social dans la multiplicité de ses réseaux) et au sujet de l'inconscient. 

2/ Le sujet de l'inconscient
Il nous paraît que cette dimension clinique des soins se constitue autour de la problématique de la relation d'objet (
accès au dossier "relation d'objet"). Ceci dans la mesure où le sujet ne se constitue que dans l'activité de construction d'images, conscientes et inconscientes, de soi au travers d'identifications diverses et de pertes de ces identifications successives, c'est-à-dire de séparations d'avec des images de soi, que ces dernières soient en direction de soi-même ou bien en direction d'autrui.

La difficulté de tout individu et évidemment du patient à entrer dans cette problématique du sujet se caractérise par une relation oscillant de la fusion avec l'autre à la négation de l'autre.

De sorte que les situations relationnelles, dans leur visée thérapeutique sont à comprendre comme devant créer un espace de jeu et de transitionnalité, où il s'agit pour la personne soignée de se recréer une histoire individuelle, et pour le soignant de travailler sur la rupture des illusions (illusion d'une compréhension immédiate, d'une communication transparente, comme a contrario, d'une opacité impénétrable) qui peuvent être les siennes en tant qu'elles tiennent aux relations contre-transférenfielles (
accès au dossier "transfert et contre-transfert") qu'il développe au sein des différentes situations de soins. Et à ne pas rester dupe des identifications qui, provisoirement, peuvent avoir eu pour fonction de mobiliser la capacité de changement du patient. Ainsi, par exemple, les soignants sont-ils interpellés sans cesse par la personne malade dans une illusoire fonction soignante réparatrice, s'apparentant à une image de toute-puissance maternelle.

Le dépassement de cette relation ne peut être réalisé que par le travail de constitution d'un autre objet, un objet symbolique qui vient en tiers entre soi-même et l'autre, entre soi et soi-même. Il parait alors essentiel d'étudier les objets faisant tiers dans les relations de soins, permettant ainsi une médiation des transferts: la théorisation, l'équipe soignante, les cadres thérapeutiques institués, les projets thérapeutiques, le langage (
accès au dossier "langage et communication"). 

Le comportement du malade n'est pas seulement envisagé du point vue de la vie intérieure, mais aussi sous l'angle des rapports interpersonnels. 

L’état de santé d'un individu n'a son plein sens que si l'on prend en considération ce facteur, c’est à dire le milieu social et culturel: celui d’origine aussi bien que celui où plonge le malade lorsqu'il devient patient. De ce point de vue, l'infirmier appartient aussi à un certain milieu et fait lui-même environnement social et culturel pour le patient. La culture délimite et structure l'espace, et ceci est vrai tant pour le patient que pour le soignant, à la différence que le soignant n'a pas la même position que le patient quant aux soins, leur responsabilité et leur conduite, et qu'il doit donc, pour cela, pouvoir observer et comprendre les comportements de ce qui les détermine. 

Ceci amène à aborder la position de l'infirmier dans sa pratique des soins comme pratique sociale sous deux angles: sa position institutionnelle et sa position socioculturelle. L'infirmier peut, en effet être influencé de différentes façons par les attitudes prédominantes de la société où il travaille, de même que les attitudes de l'infirmier ont aussi de grandes chances de se ressentir des préjugés.

Par ailleurs, peut-on envisager de soigner l'individu si l'on ignore ce que représentent pour lui la santé, la maladie et les soins? La santé est grandement déterminée par les valeurs dont la culture est l'expression et le véhicule. 
Les soins de santé ne sauraient être moins concernés par ces phénomènes que la santé elle-même .Il s’agit donc d'identifier "quels sont les aspects culturels universels et non universels des soins infirmiers et des comportements et pratiques de cultures différentes" (
accès au dossier "culture et folie").

A partir de là, la formation d'un tel soignant ne peut être seulement transculturelle mais surtout métaculturelle, c'est-à-dire interrogeant les valeurs respectives des cultures ou des systèmes culturels. 

 

 

Jean-Paul Abribat, Jean-Yves Casaux et Eliane Mercier

 

Article écrit début 1993, actuellement publié dans le site "psyassises" sous l'intitulé:

"Manifeste pour des réquisits de formation des infirmiers en Psychiatrie et en Santé Mentale ".

Il a été présenté par le Collectif National de mobilisation en Psychiatrie, la Coordination Nationale infirmière (Psychiatrie) et le Comité d'Entente des Formations Infirmières en Santé Mentale (CEFISM), à Bordeaux le 13 février 1993.

 

Dans la suite de ces travaux, voir aussi:

 

 


 

 

 

 

référencement, promotion de sites partenaires, échange de liens en dur

 

 

 

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