GUIDE DU SERVICE INFIRMIER
- l'évolution des orientations en santé mentale et la fonction infirmière -
Chapitre 2 |
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Références législatives et réglementaires en santé mentale |
La population et la santé mentale |
La fonction infirmière en santé mentale |
Les différentes structures de soins et la pratique infirmière |
Adéquation entre besoins en santé mentale et service infirmier |
Les conditions d'enquête |
LA POPULATION ET LA SANTÉ MENTALE
LES CONDITIONS D'ENQUÊTE
La crédibilité d'une enquête repose sur trois conditions:
le choix de l'échantillon de la population,
les caractéristiques des outils d'évaluation,
l'organisation matérielle de l'enquête, la qualité des enquêteurs, les conditions d'exploitation.
Il n'est pas question dans ce chapitre de rendre compte de manière exhaustive de toutes les conditions requises et des connaissances à maîtriser pour une bonne pratique des enquêtes. Il s'agit plutôt d'une énumération, à titre indicatif, des règles et des définitions de base.
L'échantillonnage de la population
Pour procéder à un échantillonnage de la population, il faut partir d'une zone géographique donnée et clairement délimitée: une région, un département, un canton, une ville. Un secteur en santé mentale peut être utilisé mais il faut savoir que son étude est plus difficile, son découpage ne correspond pas toujours aux limites administratives.
Classiquement, on reconnaît trois types de sources permettant un échantillonnage:
la population générale,
la population en institution (dans le sens large: hôpitaux, casernes, foyer, hôtel...),
la population sans domicile fixe, le "quart-monde", les marginaux.
Dans ce contexte, il faut rappeler la règle dite de 'un an', c'est-à-dire qu'un sujet en institution depuis un an est considéré comme habitant l'institution.
Les types de sondage sont nombreux mais ils ont tous en commun d'assurer une représentation sans biais.
On citera pour exemple:
le sondage empirique, dit méthode des quotas, est un modèle réduit d'une population donnée, permettant la désignation d'un échantillon représentatif (ex. 50 agriculteurs, 150 ouvriers, 20 étudiants, 10 professionnels libéraux...),
le sondage aléatoire est basé sur la probabilité que l'ensemble de la population peut être interrogé (il faut pour cela une base de sondage: liste de recensement, annuaire, fichier administratif...),
le sondage pseudo-aléatoire (toutes les personnes nées un jour, un mois, une année donnée ou encore ce que l'on nomme la 'route au hasard' un immeuble sur x, un étage sur y, une porte sur z),
le sondage en grappe en utilisant le tableau de Kich (cette méthode permet le choix d'une personne par 'tirage' aléatoire au sein d'un groupe: exemple au sein d'une famille).
Les caractéristiques des instruments d'enquête
La crédibilité que l'on peut apporter aux résultats des enquêtes épidémiologiques est directement proportionnelle à la fiabilité des instruments utilisés. Ceux-ci doivent répondre à des caractéristiques clairement définies.
la fiabilité est la constance avec laquelle on obtient un résultat sur le même objet de mesure.
Il en existe de deux sortes:
la fiabilité inter-juges: c'est la corrélation obtenue par deux ou plusieurs observateurs avec le même instrument,
la fiabilité test-retest: la définition est la même que ci-dessus mais l'opération est effectuée à des temps différents,
la sensibilité de l'instrument est de deux ordres:
la sensibilité inter-individuelle qui est la capacité de l'instrument à discriminer des individus différents,
la sensibilité intra-individuelle qui est la capacité de l'instrument à détecter des différences chez un même sujet au cours de mesures répétées dans le temps.
la validité de l'outil consiste à bien mesurer ce que l'on pense mesurer.
Les principaux outils utilisés actuellement
le Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi a publié un fascicule spécial intitulé "Programme d'Enquêtes et de Travaux Statistiques Santé-Affaires Sociales" (B.O. n°87-13 bis), élaboré par le Service des Statistiques, des Études et des Systèmes d'Information. La Commission des statistiques "Solidarité-Santé", sous la présidence des cabinets ministériels chargés des Affaires Sociales et de la Santé, travaille en collaboration avec les Caisses Nationales de Sécurité Sociale et de l'INSERM. Elle est à l'origine de ce programme qui comprend:
des enquêtes relevant de la santé sur:
l'hospitalisation
les professions de santé et sociales
l'état de santé de la population, etc.
des enquêtes relevant de la protection et de l'action sociale,
les comptes et les synthèses,
les répertoires et les nomenclatures.
En matière d'action sociale et de santé, le Ministère des Affaires Sociales et de l'Intégration publie les modèles de formulaires normalisés indispensables à toute étude sur les établissements sanitaires et sociaux, les services d'aide à domicile, les bénéficiaires de l'aide sociale relevant de la compétence du département, etc.
L'I.N.S.E.E. publie avec les Ministères de l'Économie, de l'Intérieur, de l'Agriculture et autres instances, des inventaires communaux par département avec des indicateurs chiffrés et des cartes qui sont indispensables comme outils de travail.
Le "Present State Examination" (P.S.E.): il s'agit d'un instrument anglais créé en 1974 dans le but de classifier et de mesurer les symptômes psychiatriques. Au départ, il a été utilisé dans une enquête de l'Organisation Mondiale de la Santé destinée à trouver des critères diagnostiques permettant de comparer la symptomatologie des patients et les incidences des maladies dans différents pays. Il a donc été utilisé essentiellement par des psychiatres. Sa forme complète comprend 140 profils de symptômes.
Le "Psychiatric Status Schedule" (P.S.S.) a été développé à New York par Spitzer et Endicott. Il a été construit à partir d'un autre instrument le M.S.S. (Mental Status Schedule). Cet instrument ressemble au précédent en ce sens qu'il est très clinique. Il a été utilisé sur des patients psychiatriques et représente en quelque sorte l'équivalent américain du P.S.E. créé par Wing. La première édition comprend 500 items.
Le "Schedule for Affective Disorders Scale" (S.A.D.S.) est en quelque sorte la forme évoluée du PSS. Il a été construit par le même groupe de chercheurs (Endicott, Spitzer). Le S.A.D.S. permet d'organiser les données en fonction des systèmes nosographiques courants dont le D.S.M. III.
Contrairement au P.S.E. qui vise les névroses et les psychoses, le S.A.D.S. a une couverture plus large: psychopathie, toxicomanie, etc. Le S.A.D.S. a lui aussi été très utilisé. Le principe est le même que pour les deux instruments précédemment décrits: des questions obligatoires et des questions facultatives que l'enquêteur pose ou non suivant sa propre évaluation. L'enquêteur est donc amené à porter des jugements et à décider si une réponse est vraie, fausse ou ambiguë. Le S.A.D.S. possède une version permettant de recueillir la séméiologie psychiatrique actuelle ou les antécédents dans une population générale: le S.A.D.S.-L.
Le "Diagnostic Interview Schedule" (D.I.S.) est un instrument récent créé en 1981 pour le National Institute of Mental Health (N.I.M.H.) par Robins afin de régler les problèmes de recours au jugement de l'enquêteur, en minimisant toute décision de sa part. Le D.I.S. permet une classification informatisée en fonction des différents critères nosographiques du D.S.M. III en particulier, et du Research Diagnostic Criteria -R.D.C.).
L'idée de base est de regrouper les symptômes en diagnostics positifs; Le diagnostic nécessite qu'un nombre minimum de symptômes soit présent, que ces symptômes soient d'une certaine sévérité, qu'ils ne soient pas attribuables à un état physique ou à une autre maladie psychiatrique.
Les "check-lists": à côté des instruments de type diagnostique destinés à couvrir plus ou moins toute la pathologie mentale, il existe une autre série d'instruments qui ont été largement utilisés pour mesurer des dimensions plus globales. Ce sont des échelles brèves, pouvant être auto-administrées, dont les items sont simples et faciles à comprendre.
Jane Murphy, dans sa revue des sept principaux instruments de ce type, à savoir:
"Cornell Medical Index" (C.M.I.);
"Hopkins Symptom Checklist" (H.S.C.);
"Health Opinion Survey" (H.O.S.);
"Twenty-two Item Scale" (22 I.S.);
"Beck Depression Inventory" (B.D.I.);
"General Health Questionnaire" (G.H.Q.);
"Center for Epidemiologie Studies Depression Scale" (C.E.S.D.)
formule ainsi leur but: "tous ces instruments recherchent des informations sur la présence ou l'absence de sentiments, de sensations et de comportements qui devraient amener à définir une maladie psychiatrique". Le plus souvent, ces instruments sont utilisés dans un premier temps pour sélectionner des patients potentiels qui seront examinés plus en détail par un professionnel de la santé mentale, dans un deuxième temps.
Les check-lists ont pour avantages de:
donner une information sur ce que ressent le patient et permettre de déterminer ses besoins,
permettre une économie considérable car ils ne nécessitent pas de personnel entraîné,
aider des non-spécialistes à diriger des patients vers une consultation en santé mentale.
L'organisation matérielle des enquêtes
L'organisation matérielle des enquêtes nécessite une double approche:
la première, en direction de la population, impose que l'on présente l'enquête en termes acceptables et compréhensibles. C'est ainsi qu'il est indiqué de:
présenter le thème de l'enquête,
faire la publicité de l'enquête,
dire pourquoi et comment le sujet a été choisi,
préciser à quoi sert l'enquête et qui l'a faite,
valoriser les personnes choisies,
présenter par courrier le questionnaire ou l'enquêteur.
la seconde concerne les enquêteurs.
L'enquête épidémiologique ne peut être menée sans une formation adaptée, notamment si le choix de l'outil est l'entretien. Il est dans ce cas tout à fait indiqué d'élaborer un manuel, un guide de l'enquêteur qui précise tout ce qu'il faut faire, dire, ne pas faire, etc.
De nombreuses enquêtes menées ont également démontré la nécessité d'une supervision et d'une vérification.
Dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires ou professionnelles, les infirmières et particulièrement les cadres infirmiers auraient tout à fait leur place dans ce domaine de recherche que constitue l'épidémiologie.
La connaissance du terrain, l'implication dans le tissu familial, social et professionnel, une certaine maîtrise de la clinique et une formation adéquate en matière d'épidémiologie devraient leur permettre d'être partie prenante dans une démarche d'épidémiologie psychiatrique avec plus particulièrement une visée de prévention et de soins, c'est-à-dire de Santé Publique.
- http://psychiatriinfirmiere.free.fr/ - "Guide du service infirmier de 1991" - Ministère des affaires sociales et de la solidarité - Direction des hôpitaux -