GUIDE DU SERVICE INFIRMIER
- l'évolution des orientations en santé mentale et la fonction infirmière -
Chapitre 2 |
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Références législatives et réglementaires en santé mentale |
La population et la santé mentale |
La fonction infirmière en santé mentale |
Les différentes structures de soins et la pratique infirmière |
Adéquation entre besoins en santé mentale et service infirmier |
L'épidémiologie psychiatrique |
LA POPULATION ET LA SANTÉ MENTALE
L'ÉPIDÉMIOLOGIE PSYCHIATRIQUE
"L'épidémiologie est la
discipline qui étudie la dynamique des phénomènes de santé dans les populations dans le but de mettre en évidence
les facteurs qui les déterminent ainsi que le rôle de ces facteurs et de mettre en œuvre les mesures de correction
appropriées" ("la Documentation Française, la santé en France". Rapport au Ministre des
Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale et au Secrétaire d'État chargé de la Santé. Collection des rapports
officiels, décembre 1984 p.43).
Dès 1960, le 8ème Comité d'Experts de l'Organisation Mondiale sur la Santé Mentale a élaboré des recommandations sur l'approche épidémiologique des troubles mentaux nécessaire aux administrateurs de santé publique qui doivent connaître:
les besoins actuels et futurs en services psychiatriques,
l'efficacité du fonctionnement des services spécialisés.
L'Organisation Mondiale de la Santé a mis au point un programme à long terme d'épidémiologie psychiatrique et de socio-psychiatrie. Ce programme se divise en quatre parties:
la normalisation du diagnostic psychiatrique, de la classification et des statistiques,
la mise au point de méthodes applicables sur le plan international pour l'évaluation des maladies mentales,
l'étude exhaustive des troubles mentaux dans des populations géographiquement bien définies,
un programme international de formation en épidémiologie psychiatrique et socio-psychiatrique.
Actuellement l'Organisation Mondiale de la Santé a atteint les deux premiers objectifs de son programme.
A l'exception de travaux portant sur des populations ou des zones géographiquement limitées, comme ceux d'Angleraud, d'Amiel, de Brunetti ou de Savigny, il n'y a pas de tradition d'épidémiologie psychiatrique en France qui tente par des méthodes diverses d'évaluer quantitativement l'importance des maladies mentales dans une population. Il existe, bien entendu, des statistiques sanitaires et sociales permettant d'évaluer la population soignée, avec ou sans hospitalisation.
L'intérêt des études épidémiologiques est de permettre:
une approche de la santé publique par l'utilisation de critères qualitatifs et quantitatifs de la santé,
de rendre compte de la répartition de la maladie dans la population,
de rechercher les causes des maladies mentales ou les facteurs qui les influencent,
d'adapter les structures de soins à la morbidité,
d'évaluer l'efficacité d'une ou des actions préventives.
Il est important de signaler ici deux notions fondamentales en matière d'épidémiologie qui sont:
l'incidence, qui est la mise en évidence de nouveaux cas de pathologie,
la prévalence, qui rend compte du nombre de cas existant soit en tant que
point prévalent (au jour j, combien de cas) ou encore
la prévalence sur une période délimitée de six mois à un an....
Dans l'évolution de l'épidémiologie psychiatrique, V. Kovess (psychiatre, épidémiologue psychiatrique chargée de cours au Département de Santé Publique de l'Université Pierre et Marie Curie, Paris VI) indique dans une approche historique de celle-ci les instruments utilisés. Elle cite notamment H.B.M. Murphy ("Matching methods with objectives in community mental health surveys Communication", Montréal 1982) qui a proposé en 1982 de séparer les "enquêtes de santé mentale" qui doivent évaluer l'état de santé des populations et par conséquent les troubles qui y sont le plus fréquemment rencontrés, de "l'épidémiologie psychiatrique". Cette dernière se réfère à la distribution de maladies spécifiques, contrairement aux enquêtes de santé mentale qui couvrent des domaines beaucoup plus étendus.
C'est dans ce contexte que V. Kovess décrit deux séries d'instruments destinés à des populations en général:
les outils d'évaluation du premier groupe, du type entretien en profondeur, sont destinés à couvrir toute la pathologie psychiatrique et à fournir des diagnostics plus ou moins précis,
les questionnaires auto-administrés qui privilégient le vécu subjectif des sujets en termes de troubles psycho-affectifs, dont notamment la dépression et l'anxiété.
La quasi-totalité des instruments utilisés en matière d'épidémiologie psychiatrique est d'origine nord-américaine (États-Unis, Canada), scandinave ou britannique.
La culture française semble mal s'accommoder de certaines questions posées lors d'entretiens ou à travers des questionnaires qui s'adressent à une population générale. En outre, comme le précise H.B.M. Murphy, toutes les méthodes basées sur des entretiens ou des questionnaires auto-administrés impliquent une participation de la part du sujet et exigent par conséquent que celui-ci soit conscient de ses troubles, qu'il soit prêt à les admettre, et qu'il soit capable de les communiquer.
Par conséquent, certaines pathologies psychiatriques (paranoïa, psychopathie...) échappent à ce type d'enquêtes. Toutefois, les défenseurs des questionnaires estiment que le pourcentage de ces "cas" est relativement faible dans la communauté et que l'on peut renoncer à les identifier, vu le coût additionnel que cela entraîne en comparaison des résultats obtenus. Les auteurs proposent une approche de ces troubles par d'autres modes tels que les informateurs ou tiers-répondants (des services sociaux, de la police ou des mairies par exemple). Il y a là probablement un travail à systématiser dans le cadre de la prévention par les soignants, plus particulièrement dans leurs activités extra-hospitalières.
Toutefois, si l'on veut identifier les troubles psycho-affectifs dans la population, et que l'on estime comme Leighton, Harding et Macklin ("Psychiatric Findings of the Stirling Country Study", American Journal of Psychiatry, Vol.119, 1963 p.1021-1026) que les questionnaires sont des instruments valables pour cette tâche, il faut choisir une échelle qui a les caractéristiques suivantes:
elle doit être facile à administrer et à quantifier,
ses items ne doivent demander aucun jugement clinique de l'enquêteur ou de celui qui analyse les données,
elle doit faire référence à une période de temps précise afin de permettre des comparaisons, et différencier les réactions aiguës des traits plus persistants de la personnalité,
elle doit inclure plusieurs facteurs validés plutôt qu'un simple score total,
l'échelle de mesure doit être sensible, c'est à dire qu'elle doit reposer sur une échelle avec un gradient de réponse suffisamment large (de 1 à 4) au lieu d'une réponse par oui ou par non. Elle ne doit à des états ambigus ou d'origine somatique comporter aucun item de référence.
Les caractéristiques des outils d'évaluation énumérés ci-dessus montrent que l'approche épidémiologique conduit à une pratique nouvelle pour la protection de la santé, différente de la seule démarche clinique, sans pour autant l'exclure, cette dernière étant la seule à permettre l'établissement d'un diagnostic.
- http://psychiatriinfirmiere.free.fr/ - "Guide du service infirmier de 1991" - Ministère des affaires sociales et de la solidarité - Direction des hôpitaux -