lapsus - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Mr Giffard -
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les lapsus
Les lapsus pourront être appréhendés de différentes manières, suivant que l'on participe à une recherche linguistique (ils seront alors synonymes d'accident, l'intervention étant extérieure au sujet qui s'exprime), ou que l'on s'intéresse à la présence active, dynamique de l'inconscient: ils auront alors une valeur de témoin (l'intervention est alors interne, quelque-chose est dit du sujet par lui-même, sans qu'il le veuille).
Approche linguistique des lapsus
Rudolf Meringer (1859-1931) est un linguiste Indo-Autrichien contemporain de Sigmund Freud. En 1895, il publie en collaboration avec le linguiste Allemand Karl Mayer une liste de près de 4500 "lapsus linguae" (expression latine signifiant "erreur de langage"). Ils expliquent ces changements involontaires de discours par une contamination d'un mot sur l'autre. Ce sont toujours des mots proches, disent-ils, qui diffèrent par une, deux ou trois lettres, et il n'est pas étonnant qu'on puisse se tromper. On peut de même confondre deux livres posés côte à côte sur une étagère, pour peu qu'ils aient une couverture similaire, et un titre approchant.
La déformation d'un discours peut alors prendre cinq formes:
interversion entre deux mots;
empiétement sur le mot qui précède;
prolongation du mot par une ou deux syllabes;
confusion de mots;
substitution d'un mot par un autre.
Commentaire de Sigmund Freud: "Rudolf Meringer et Karl Mayer, à travers une approche linguistique, donnent aux différents sons du langage une valeur psychique distincte qui les fait s'empiéter les uns sur les autres. Aussi considèrent-ils qu'un lapsus peut-être occasionné en premier lieu par l'action d'une autre partie du discours que celle qu'on veut énoncer, et en deuxième lieu par un procédé analogue à celui de l'oubli. Cela veut dire qu'il sera consécutif à des influences extérieures au mot. Il sera donc provoqué par des éléments qu'on n'a nullement l'intention d'énoncer mais dont l'action se manifeste à la conscience par le trouble lui-même.
Notons que par la théorie des images verbales situées au-dessous du seuil de la conscience, la conception de Rudolf Meringer et Karl Mayer se rapproche de notre conception psychanalytique, et dévoile de fait certains traits communs aux lapsus, à savoir:
La ressemblance avec un mot de la phrase permet souvent à un autre mot de s'imposer à la conscience;
Le remplacement d'un mot par son contraire est très fréquent;
Les lapsus sont contagieux.
Mais c'est dans le procédé psychothérapeutique que le lapsus remplit évidemment les services les plus précieux. Il est intéressant de noter à ce titre combien sont significatifs les signes d'émotion qu'on suscite en prouvant à quelqu'un qu'il a commis un lapsus. C'est que sans le savoir, les gens leur attachent une grande signification.
Les cas du bredouillement et du bégaiement sont différents puisqu'ils portent sur le rythme du discours tout entier. C'est néanmoins malgré tout le conflit intérieur qui nous est révélé".
Approche psychanalytique des lapsus
Il est important de distinguer plusieurs notions.
Trouble du langage : la même erreur se reproduit chaque fois que se trouvent réunies les mêmes composantes linguistiques.
Lapsus : on ne refait pas la même "erreur" à chaque fois. Le lapsus n'est pas uniquement dépendant du langage. Notons dans les lapsus courants le tutoiement involontaire.
Oubli : l'oubli n'est pas un lapsus en soi car il n'y a pas substitution. L'oubli peut-être dû au refoulement d'une idée...
Erreur d'écriture : c'est un lapsus écrit.
Erreur de mémoire : reconstruction des souvenirs (souvenir écran). Après avoir oublié la séquence globale du souvenir manquant, ne reste qu'un petit morceau qui masque ainsi tout le reste.
Bégaiement : le bégaiement et le lapsus sont de natures essentiellement différentes. Dans le cas du lapsus, la volonté en vient à bout, tandis que pour le bégaiement au contraire, plus on y pense et plus il se présente. On distingue le bégaiement tonique (blocage sur une consonne) du bégaiement clonique (répétition saccadée).
Hypothèse somatique : il y a eu un retard de maturation du centre du langage, au niveau de la latéralisation des hémisphères cérébraux. Aucun côté n'a pris le "pouvoir", les 2 ordres arrivent en même temps et provoquent le bégaiement...
Hypothèse psychanalytique : il y a une agressivité contenue, cassant le cours du discours. Il y a aussi le refus de l'enfant de poursuivre l'expérience du langage comme séparation de la mère...
Maladresse : la maladresse est souvent un lapsus du message moteur. C'est un échec de la communication mimique faisant intervenir l'image inconsciente du corps, intégrée dans une relation à l'autre. Ainsi, la culpabilisation peut amener l'individu à s'auto-mutiler lors d'un incident d'apparence banale au niveau conscient.
Méprise : elle indique souvent l'emprise de l'inconscient, comme par exemple le fait d'intervertir ses clefs au moment de leur utilisation peut révéler l'envie d'aller ailleurs...
Actes manqués : actes symptomatiques et accidentels. C'est un parasitage de l'acte normal par le désir inconscient, passant souvent pour une erreur. Inconscient: représentation de choses. Préconscient: représentation de mots. Ils jouent le rôle de filtres et révèlent l'importance au conscient sans pour autant indiquer le contenu.
Les enfants font beaucoup de lapsus, entraînant des rires affectifs. C'est la reconnaissance rassurante d'un intérieur et d'un extérieur. Le lapsus est rassurant pour l'enfant.
Chez la personne psychotique ("être humain ayant construit un système de relations à l'autre de type psychotique"), le sujet a établi ses propres conventions au niveau du langage, suivant ses propres lois pour élaborer les phrases. Il aura ainsi des difficultés à admettre plusieurs sens pour un même mot.
Suivant la théorie freudienne, le lapsus est relationnel: on "parle" aux autres, quelque chose de nous leur est dévoilé au cours du discours. L'intervention est interne à la personne.
Le lapsus représente une décharge affective, échappant au contrôle du sujet, particulièrement quand celui-ci a son attention portée sur autre chose. La réalisation du désir s'y fait alors métaphoriquement.
Le lapsus est la conséquence de l'opposition entre deux intentions, dont l'une au moins est inconsciente. Le sujet exprime au public son désir caché.
On peut aussi faire un lapsus passivement, en entendant un mot différent que celui qui a été prononcé.
Liens utiles:
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Intervention orale de Mme Huguet, octobre 1984. Écrit, complété par Mr Dominique Giffard pour le site "Psychiatrie Infirmière" : |
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