ethnopsychiatrie definition - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Mr Giffard -
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ethnopsychiatrie
Définition
L'ethnopsychiatrie est une méthode d'investigation qui s'efforce de comprendre la dimension ethnique des troubles mentaux et celle, psychiatrique, de la culture. La classification des maladies est différente d'une culture à l'autre. Le "Shaman" a un rôle de "psychanalyste autochtone" faisant appel à des mythes sociaux. C'est quelqu'un de déviant, catalyseur de la communication vers le savoir sacré, interprète du divin auprès du commun des mortels. L'ethnopsychiatrie se donne pour but de donner un sens culturel à la folie.
La culture est l'ensemble des matériaux dans lesquels nous (individus et société) puisons pour élaborer nos expériences. La nature c'est l'expérience, et la culture c'est l'élaboration de cette expérience. Cette élaboration se fait selon une organisation, une structure, un ensemble de règles et de signifiants propres à chaque ethnie. Ces règles et ces signifiants sont à la fois relatifs et universels (une ethnie est un groupe qui partage les mêmes signifiants culturels). Une culture donnée imprègne les individus, et ces derniers transforment à leur tour leur culture. L'individu doit intérioriser la culture du groupe dans lequel il est né, et s'y tailler une place. Le groupe quant à lui, doit l'intégrer en lui donnant l'exercice d'un rôle, d'une fonction, et transmettre sa culture par l'éducation.
L'ethnopsychiatrie peut aussi se définir comme étant l'étude du rapport entre: un comportement psychopathologique, des services thérapeutiques et les cultures d'origine du patient et de son thérapeute. Une telle analyse doit alors reposer sur une série de postulats concernant la culture et la personnalité. Ces choix de départ guideront la façon dont on définira le champ des questions et des problèmes.
Personnalité et culture
La culture façonne la personnalité dans son développement "normal" aussi bien que pathologique. Les critères de norme et de pathologie sont définis dans chaque culture: on entend donc par "normal" ce qui est habituel, majoritaire dans la culture donnée. Les anthropologues américains Alfred Louis Kroeber (1876-1960) et Clyde Kluckhohn (1905-1960) conçoivent la culture sous ce rapport comme étant essentiellement un "pattern" qui oriente les choix gérés par un groupe d'hommes pour affronter leur environnement. C'est donc l'instrument privilégié par lequel les hommes s'adaptent à leur milieu. Le concept de culture, chez ces auteurs, s'étend aussi bien aux structures symboliques des normes et des idéologies que, à un niveau plus concret et psychologique, à tout un ensemble de comportements appris.
C'est au cours de la petite enfance que la personnalité acquiert les principaux éléments de sa structure de l'état adulte. Une grande importance est accordée au processus de socialisation qui régit cette période. En France, l'ethnopsychiatrie porte l'empreinte de l'école structuraliste, ce qui fait que la définition de la culture diffère de celle de Alfred Louis Kroeber. Chez l'anthropologue et ethnologue français Claude Lévi-Strauss (1908-2009), la culture est vue comme un ensemble de systèmes symboliques (langage, art, science, religion...), chacun avec son fonctionnement propre. Nous sommes donc en présence d'éléments incommensurables les uns vis-à-vis des autres.
Maladie mentale et culture
On distingue 2 sortes de cultures : la culture qui "avale" ses déviants et leur accorde un statut juridique (sorciers, prêtres, bouffons, artistes...) et celle qui a tendance à se débarrasser de ses déviants en les "vomissant" dans des institutions construites pour cela.
· Les sociétés qui avalent leurs déviants sont traditionnelles, fonctionnant sur le modèle du clan, souvent autarciques et peu étendues. La relation de l'individu au groupe est fusionnelle. L'individuel est pris en charge par le collectif;
· Les sociétés qui refusent leurs déviants ont vu naître un conflit entre la soumission aux normes ancestrales et l'acceptation de valeurs nouvelles (ce conflit peut agir comme un stress). Elles ont alors établi 3 modes de relations avec les individus déviants:
la culture fournit des moyens de protection insuffisants au niveau symbolique (art sacré et langage);
les individus sont impuissants à se conformer aux normes culturelles, soit par fragilisation dans la première enfance, soit par disposition innée. Ils deviennent étrangers à leur culture, et sont rejetés;
l'individu entre en contact avec une culture différente, c'est un migrant (rural par rapport à urbain par exemple). Les conduites sont vides de sens, inadaptées. Mise en place de rituels névrotiques.
Les croyances culturelles influencent dans une certaine mesure le choix du comportement pathologique. En général, on attribue plus souvent l'origine des maladies à des causes exogènes (comme la sorcellerie, la transgression d'un interdit, un accident...) qu'à des causes endogènes. Et l'attribution de ces causes est un processus rarement accompagné d'une analyse minutieuse des faits (le processus d'anamnèse est souvent des plus succincts!). Les symptômes, névrotiques ou psychotiques, sont des constructions collectives qui évoluent et se transforment avec l'évolution du groupe. Nous empruntons nos symptômes à notre culture. Ce qui est permanent, ce sont les lois de la dépersonnalisation car dans toute culture existent de telles lois. C'est uniquement leur manifestation qui diffère.
Définition de concept
Chaque concept doit être défini de manière univoque dans le terrain qui est le sien, et par rapport aux autres concepts de ce terrain. Par exemple le concept "pied" se définit dans le terrain "morphologie" par rapport aux concepts "main", "tête"... etc. On ne peut en effet définir un concept seul, sans rapport avec un autre. Il faut toujours un système d'oppositions, et ce système est particulier à chacune des langues.
Structuralisme
C'est la science qui étudie le rapport entre les termes. Les structuralistes privilégient ainsi le rapport liant deux termes, aux termes eux-mêmes. Il est à noter que la structure, à l'inverse des termes, ne se voit pas et qu'on ne peut la révéler qu'avec l'aide d'une analyse: la "description".
Le "monème" est l'unité minimale de sens. Ainsi, dans le mot "travailler", il y a 2 monèmes: "travail" et "er".
Le structuralisme traite à la fois la forme et le contenu (alors que le "formalisme" lui, traite la forme pure, détachée de tout contenu).
son |
forme |
signifiant |
||||||
|
= |
|
= |
|
||||
sens |
contenu |
signifié |
Toute science est basée sur un modèle, avec des procédures abstraites non-équivoques. Le modèle est ici une conceptualisation du réel, pour neutraliser le vécu. Le modèle se définit aussi comme une construction symbolique, avec un langage symbolique.
L'anthropologie insiste sur la nature des relations entre les éléments et non-pas sur la quantité de ces relations. C'est une science qualitative. Sociologie et anthropologie sont difficiles à séparer, car ces deux sciences visent le même but, mais ont des objets différents. Pour les anthropologues, l'inconscient collectif n'existe pas. On déduit l'inconscient de l'ensemble culturel de la société et non d'un texte seul. C'est "l'inconscient structural".
Fonction : la fonction d'un élément est déterminée par le point de vue sur cet élément. Par exemple le système mythologique a son point de vue sur tel élément, le système linguistique a son point de vue ce même élément... etc.
L'ethnologie : c'est l'étude des sociétés humaines. Cette science utilise la "méthodologie", la "théorie" et la "sémiotique".
· Méthodologie: c'est la rigueur de la démarche de l'ethnologue. On se pose la question:"comment va t'on procéder pour décrypter un objet?". C'est le domaine pratique;
· Théorie: c'est la cohérence par rapport à un objet. La théorie est fondée scientifiquement. C'est le domaine du spéculatif;
· Sémiotique: branche de la sémiologie (étude des signaux) qui se consacre essentiellement au contenu du signal. Ainsi la sémiologie est-elle la science des "signifiants", tandis que la sémiotique est la science des "signifiés".
La langue est l'aspect inconscient du collectif, tandis que la parole est consciente et personnalisée.
Dans toute traduction il y a une approximation car un terme dans une langue donnée englobe tout un lot de significations aux ramifications culturelles propres à cette langue exclusivement.
Si individuellement, nous ne créons pas le langage, nous disposons tous d'une potentialité pour en utiliser les signes extérieurs. Aussi, pour bien étudier un mythe, l'ethnologue doit-il disposer de tout le contexte socioculturel.
Langue = code (aspect social)
Parole = message
Pour un même message à exprimer, on peut utiliser plusieurs codes dans chacun des systèmes (gestuel, linguistique...).
Un code est la construction d'un ensemble d'oppositions.
signifiant |
forme |
|||
Signe |
= |
|
= |
|
signifié |
contenu |
En réalité, signifiant et signifié sont soudés, et de manière totalement arbitraire. D'une langue à l'autre, le même signifié sera associé à différents signifiants.
Le signe est une unité de sens qui allie une expression à un contenu, de façon arbitraire mais néanmoins nécessaire, et spécifiquement à la langue choisie. L'opposition est le rapport qui s'établit entre les unités de contenu et de forme.
Phonologie : branche relativement récente de la linguistique qui étudie les sons tels qu'ils sont vécus. Ainsi chaque langue a t'elle son propre système phonologique. Cette science nécessite une grande rigueur scientifique.
Phonétique : étude des sons tels qu'ils sont donnés. La phonétique conserve les mêmes lois pour chacune des langues, indistinctement.
On acquiert, à travers ce travail, une méthode de "déchiffrage de langage" bien utile en psychiatrie. |
Par exemple, le discours paranoïaque est un discours qui est basé sur le système "Persécuté / Persécutant";
Tandis que le discours schizophrénique est un discours fondé sur "Eclatement / Totalité", double personnalité.
Liens utiles: |
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Retranscription d'un exposé oral de Mme Huguet, oct/nov 84. Écrit, enrichi puis mis à jour par Mr D. Giffard pour le site "Psychiatrie Infirmière" : |
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MÀJ 09.07.11