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TUTORAT INFIRMIER EN PSYCHIATRIE
TÉMOIGNAGE D'UN TUTEUR
POINT DE VUE D'UN TUTEUR EN PSYCHIATRIE
Témoignage, impressions et bilan. |
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TUTORAT D'INFIRMIERS EN PSYCHIATRIE
Le témoignage d'un tuteur au
C.H.S. de Sarreguemines
A cause de leur manque de formation, les I.D.E. qui débutent en psychiatrie éprouvent des difficultés à combiner leurs connaissances et à atteindre une autonomie dans leur fonctionnement.
"Le tutorat qui a été instauré pour les jeunes diplômés vise à:
adapter les compétences en santé mentale sur la base d'une transmission des savoirs et des pratiques,
améliorer l'accueil des nouveaux infirmiers et leur adaptation à la spécificité de l'exercice en psychiatrie,
renforcer l'attractivité de l'exercice en psychiatrie,
fidéliser les professionnels.
Les tuteurs, qui doivent être des infirmiers aguerris sont formés sur 3 jours. Ils doivent justifier de connaissances cliniques sur les savoir-être et les savoir-faire en psychiatrie, de capacités pédagogiques et de recul dans l'analyse.
Au C.H.S. de Sarreguemines, l'appel à candidature s'est fait via intranet. J'ai rédigé ma lettre de candidature et j'ai reçu une réponse positive.
Je fais partie des 5 premiers tuteurs retenus et nous partons 3 jours en formation à Nancy. Intitulé de la formation: 'mise en œuvre du tutorat pour les nouveaux infirmiers'.
La théorie
Deux jours de théorie sur les objectifs de la fonction tutorale et sur le positionnement du tuteur, compétences et support de la fonction. Le deuxième jour, mise en pratique: on est chacun à son tour tuteur, puis tutoré. Ensuite, on analyse en groupe ce qui s'est passé. Une 'grille de la fonction tutorale' nous est remise.
Le formateur semble y croire, nous... moins! Il affirme que cette fonction devra représenter 10% de notre temps de travail, soit environ 3h.30 par semaine. Et il y tient! Il faudra donc nous remplacer dans les services lorsque nous remplirons cette tâche. Il précise même que 21,5 millions d'euros par an seront dévolus à la compensation du temps de travail consacré à ces mesures.
Rendez-vous nous est fixé dans un mois pour l'ultime journée de formation. Le thème: 'évaluation du processus d'apprentissage et d'autonomisation des tutorés'.
Entre temps, au C.H.S. de Sarreguemines, nous apprenons que nous ne serons pas remplacés sur notre lieu de travail et que notre fonction ne nous prendra pas 10% de notre temps de travail!
La dernière journée de formation est assurée par un autre formateur, pas convaincu et pas convaincant.
Nos doutes persistent.
Organisation
Les 5 nouveaux tuteurs, estimant nécessaire la mise en commun, prennent l'initiative d'organiser une réunion pour échanger, faire le point, discuter de la formation et partager leurs expériences.
1er constat: le temps de formation des tuteurs paraît très insuffisant car les savoirs mentionnés ne sont formalisés nulle part. Par contre, les qualités pédagogiques des tuteurs seront primordiales. Il nous semble que la mise en route pourrait être difficile car 'groupe pilote', nous n'avons pas de références. On ne sait pas où on va, dans quelles conditions et avec quels moyens. Nous programmons une entrevue avec la Directrice des Soins Infirmiers.
Lors de ce premier rendez-vous (1h.30) nous rencontrons la D.S.I. et les Cadres Supérieurs des différents services. Nous apprenons que les tuteurs sont rattachés à la direction des soins et qu'il y aura 1 tuteur pour 5 tutorés. Des dates de rencontres sont fixées avec la D.S.I. pour des bilans d'étapes: 15 jours plus tard, puis 1 fois par mois avec accompagnement d'une durée de 12 à 18 mois. Notre demande de disposer d'une salle avec bureau et casier pour chaque tuteur dans l'établissement paraît incongrue: c'est un refus. Le centre de formation peut prêter une salle, à condition qu'elle soit libre.
Les tuteurs décident de se réunir une fois par trimestre pour l'harmonisation de leurs pratiques.
La pratique
La première rencontre avec les tutorés est l'occasion de fixer les dates de rencontre: un parcours du combattant pour certains, car il faut trouver un créneau horaire qui convienne et si on n'a pas de chance, aucune salle n'est libre au centre de formation!
Dès le premier rendez-vous, l'accueil est excellent. Les tutorés, qui ont tous plus de 18 mois d'expérience, me disent qu'ils ont été très bien encadrés à leur embauche et qu'ils ont pu atteindre rapidement un niveau d'autonomie professionnelle. Les échanges se font autour des pratiques en psychiatrie à partir de cas concrets (difficultés, complexité...): les 'anciens' ont donc naturellement joué un rôle de tuteur. Mais ils disent qu'à leurs débuts en psy, ils auraient apprécié aussi l'intervention d'un tuteur extérieur au service. Ce qui signifie que j'arrive un peu tard.
Après trois rencontres avec chacun, on arrête. Je me tiens à leur disposition.
Mon bilan: des échanges intéressants et un partage d'expériences, des rencontres avec des nouveaux collègues pouvant donner lieu à une réflexion sur nos pratiques.
Bilan d'étape avec les tuteurs
Certains tuteurs ont été confrontés à une vraie difficulté pour organiser les rendez-vous. L'avis est partagé sur l'intérêt d'avoir un tuteur de référence. Deux nouveaux tuteurs en 'voie de formation' nous rejoignent.
A l'évidence, l'avantage d'être tuteur c'est un partage d'expériences avec des collègues de la même génération et parfois la possibilité de désamorcer une souffrance vécue dans une unité de soins.
En résumé, pas de grand enthousiasme mais globalement, l'expérience est vécue positivement.
Bilan d'étape avec la D.S.I.
On obtient la liste des nouveaux infirmiers à tutorer. Ils ne sont pas nombreux pour l'instant car il n'y a pas d'embauches. Le premier bilan est globalement positif pour tous.
Quelques questions sont posées:
aurons-nous d'autres formations?
Des journées d'échanges entre tuteurs seront-elles organisées?
L'établissement peut-il mettre à notre disposition d'autres moyens (salle, accès informatique)?
La D.S.I. semble surprise. Elle ne peut que répondre à la mise à disposition permanente d'un local: c'est toujours non! Prochaine réunion en septembre 2008.
Au final
Ce qui m'apparaît, c'est que la mise en place de ce tutorat 13 ans après la disparition du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique vient comme une goutte d'eau dans un désert: le besoin est colossal.
Le début de l'organisation de la carence est maintenant si lointain, la disproportion est si flagrante entre la gravité de la maladie et le remède appliqué, que le traitement peut paraître plus compassionnel qu'autre chose.
Et nous, les tuteurs, ni indemnisés ni remplacés dans les équipes, ni franchement reconnus, heureusement qu'on est suffisamment fous pour être motivés!"
Dossier réalisé à partir du trimestriel "LA TRIBUNE", FO SANTÉ juin, juillet et août 2008, pages 16-17.
- http://psychiatriinfirmiere.free.fr/ - "Tutorat infirmier" -