circulaire 10 juillet 2003 (texte officiel) 

circulaire juillet 2003 formation psychiatrie infirmiere infirmier psychiatrique

 

 

 

Circulaire DGS/DHOS n° 2003-366 du 10 juillet 2003 relative à la mise en oeuvre des enseignements concernant la santé mentale prévus par l'arrêté du 30 mars 1992 modifié relatif au programme des études conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier

(Texte non paru au Journal officiel) 

Date d'application : immédiate.
Référence : arrêté du 30 mars 1992.

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour mise en oeuvre]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation (pour information) La fusion des formations conduisant aux diplômes d'infirmier en soins généraux et d'infirmier en psychiatrie intervenue en 1992 a conduit à la mise en oeuvre par les instituts de formation en soins infirmiers d'une formation d'infirmier généraliste intégrant les notions et concepts abordés en santé mentale et en psychiatrie. L'objectif consistait en une approche holistique de la personne associant les dimensions somatique et psychique, par l'ensemble des infirmiers que leur projet professionnel vise les soins généraux ou la psychiatrie. Cette nouvelle formation a entraîné de profondes transformations dans l'organisation des instituts de formation : évolution des projets pédagogiques, recrutement de formateurs supplémentaires possédant une expérience de la psychiatrie. Chacun s'accorde désormais à reconnaître les avancées que constituent cette formation généraliste, notamment en terme de décloisonnement des champs d'exercice professionnel. Certains se font cependant l'écho de difficultés rencontrées par les infirmiers nouvellement diplômés exerçant en psychiatrie. Il est donc apparu utile de procéder à un bilan relatif à la mise en oeuvre des enseignements de psychiatrie et de santé mentale en application des dispositions réglementaires relatives à la formation des infirmiers.
Dans le même temps un groupe de travail constitué en juin 2002 avec les confédérations syndicales représentatives des intérêts des professionnels paramédicaux et notamment des infirmiers, avec des représentants des psychiatres et des associations d'infirmiers exerçant en psychiatrie ainsi qu'avec le CEFIEC et l'ANFH a pour objet de formuler des propositions permettant d'améliorer la compétence des infirmiers appelés à exercer dans le domaine de la psychiatrie. Sans attendre les conclusions de ce groupe de travail quant à une éventuelle formation complémentaire pour ces infirmiers, nous souhaitons rappeler l'importance des enjeux attachés à la formation initiale de ces professionnels confrontés à de profondes évolutions de leurs missions dans les différents lieux d'exercice (secteurs de psychiatrie, urgences, psychiatrie de liaison).
La présente circulaire a en conséquence pour objet d'une part de restituer sans délai les premiers résultats de l'enquête lancée auprès des IFSI quant à la mise en oeuvre du programme de formation concernant la santé mentale, et d'autre part de formuler un certain nombre de recommandations permettant aux IFSI d'appréhender l'ensemble du champ de la santé mentale, et au sein de celui-ci, les apprentissages théoriques et cliniques ayant trait à la psychiatrie. Vous voudrez bien diffuser les présentes recommandations aux directeurs des instituts de formation en soins infirmiers, ainsi qu'à l'ensemble des services de psychiatrie de votre ressort géographique.

I. - CONTEXTE ET RÉSULTATS
DE L'ENQUÊTE MENÉE AUPRÈS DES IFSI

Une enquête a été récemment réalisée afin d'examiner les conditions de mise en oeuvre de la formation des infirmiers dans le domaine de la santé mentale. Je tiens en premier lieu à remercier les directeurs et directrices des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) qui ont bien voulu répondre à ce questionnaire. Le taux de réponse à l'enquête est élevé témoignant à lui seul de la volonté des IFSI de faire connaître l'évolution engagée depuis 1992 à l'occasion de la fusion des diplômes d'infirmier de secteur psychiatrique et d'infirmier en soins généraux.


L'analyse des réponses a en effet pour objectif :

de dégager les tendances et les conceptions qui sous-tendent l'organisation retenue par les directeurs d'IFSI en matière de santé mentale ;


d'identifier les éléments qualitatifs et organisationnels favorisant l'orientation des étudiants en psychiatrie ainsi que leur compétence ;
Compte tenu de la richesse des réponses à ces questionnaires et après avoir procédé à une première analyse sur la base des 239 IFSI répondants représentant 21 régions (84 départements dont 3 DOM), nous avons décidé d'en confier l'exploitation fine et le « contrôle qualité » à un prestataire de services externe.
Une première exploitation des réponses a permis d'élaborer une synthèse des différents profils de projets pédagogiques, de recenser le pourcentage d'orientation en psychiatrie à l'issue de la troisième année de scolarité, d'analyser le profil des formateurs internes et externes à l'IFSI ainsi que la nature des enseignements théoriques et cliniques optionnels proposés par les instituts de formation.
Les réponses font apparaître une véritable prise en compte de la psychiatrie dans les projets pédagogiques à des degrés cependant très divers. Sur les 199 IFSI ayant fourni des éléments à ce sujet, on peut noter que 60 IFSI privilégient la polyvalence des fonctions infirmières somatique/psychiatrique, 35 IFSI conduisent un projet articulé autour des sciences humaines, 4 ont choisi un abord par la thématique « santé publique », 100 IFSI ont développé spécifiquement un projet en psychiatrie et parmi ceux-ci 53 IFSI en proposent un réel approfondissement au-delà de la stricte mise en oeuvre des textes réglementaires.
On peut relever que seulement 23 % des IFSI répondants n'ont pas de formateurs issus de la psychiatrie (soit 55 IFSI/239). Parmi ces IFSI certains organisent cependant des modules optionnels de formation théorique et des stages optionnels et obtiennent de bons scores d'orientation vers la psychiatrie.
S'agissant des modules optionnels théoriques, leur diversité est très importante et leur champ plus ou moins large. Il reste cependant difficile de dégager un fil conducteur dans le choix de ces options, même si l'on peut noter l'importance de l'approfondissement des techniques d'entretien infirmier. Le choix offert à chaque étudiant dans un IFSI reste généralement limité, à l'exception cependant des IFSI qui définissent en commun le champ de ces modules et mutualisent en conséquence leurs ressources internes et externes, le plus souvent au niveau régional. Certains IFSI organisent en outre des modules optionnels en fonction des besoins et de leurs attentes des étudiants.
Il semble néanmoins manquer pour nombre d'IFSI une appréhension globale du champ de la santé mentale, voire du champ de la psychiatrie, certains mettant plus volontiers l'accent sur certaines thématiques cliniques, d'autres sur une approche psychosociale liée aux modalités de prise en charge. L'impression générale est que les projets sont bâtis en partenariat étroit avec les ressources locales qui elles-mêmes sont représentatives de l'émiettement des conceptions de la psychiatrie et de la santé mentale.
S'agissant des terrains de stage, la très grande majorité des IFSI est en liaison avec les secteurs de psychiatrie adulte et infanto-juvénile qui sont donc les premiers pourvoyeurs de lieux de stage.
Le niveau d'orientation vers la psychiatrie semble assez bon en première analyse. En effet, pour atteindre le nombre le plus élevé des infirmiers diplômés en psychiatrie au cours des années 1982 à 1994, soit plus de 2 000 infirmiers, il conviendrait d'orienter au minimum 7,5 % des nouveaux diplômés en psychiatrie (quota actuel de 26 436). Ce pourcentage est très souvent atteint et dépassé en l'état actuel. Néanmoins, il conviendra d'être vigilant sur le maintien de ce pourcentage au regard des perspectives démographiques des infirmiers exerçant en psychiatrie. Les conditions de formation ne semblent pas faire obstacle à une telle orientation qui reposent au premier chef sur la volonté des étudiants. Il n'en demeure pas moins que certains IFSI répondent particulièrement bien aux besoins des étudiants en ce domaine et de ce fait facilitent à terme les conditions d'un exercice en psychiatrie. Les projets pédagogiques axés sur l'appréhension première des sciences humaines semblent à ce titre faciliter l'orientation vers la psychiatrie (de 14 % à 48 % des étudiants).
L'analyse qualitative des réponses fait également apparaître que dans la moitié des cas l'absence de formateurs ayant une expérience de la psychiatrie au sein de l'IFSI a tendance à nuire à la qualité du projet pédagogique. Dans l'autre moitié des cas, des ressources externes spécialisées viennent en appui du projet de l'IFSI.
Ces différents éléments d'appréciation ont permis d'objectiver la conformité au programme du 30 mars 1992 en regard de la plupart des projets pédagogiques, des compétences des formateurs experts en santé mentale, des modules organisés sur les trois années d'études en liaison avec les stages obligatoires et optionnels. Toutefois, pour maintenir la qualité de la formation initiale en santé mentale, les axes prioritaires développés ci-après sont à consolider ou à développer.

II. - RECOMMANDATIONS

Favoriser l'acquisition des savoirs techniques et spécialisés au travers de l'approche transversale et généraliste des concepts de sciences humaines
L'offre de soins en santé mentale se diversifie et se complexifie, ce qui nécessite de l'appréhender, dès le début de la formation en lien avec le module transversal sciences humaines, en regard de l'approche de l'homme, de la psychologie et de la psychiatrie. En effet, pour traiter de l'ensemble du champ de la santé mentale, il est nécessaire de privilégier avant tout apprentissage de la sémiologie et de la psychopathologie, un abord plus général constitué d'un travail préalable sur les représentations sociales de la maladie mentale, la santé publique et les sciences humaines.
Cette approche est essentielle pour des étudiants souvent très jeunes qui peuvent être impressionnés négativement par un abord trop technique de la pathologie et qui bâtiront leur projet professionnel en réaction à ce ressenti. L'abord par les sciences humaines (psychologie, sociologie, philosophie, anthropologie, ethnopsychiatrie) provoque la réflexion et le questionnement qui vont permettre à l'ensemble des étudiants de mieux comprendre la nature des fonctions qui leur sont confiées et de resituer leur action dans un cadre mieux maîtrisé. Un travail sémantique sur les concepts de santé mentale et de psychiatrie permettra de ne pas les opposer, mais de les rendre complémentaires. L'enjeu réside dans la dynamisation des réseaux de santé mentale autour du pôle spécialisé en psychiatrie, de manière à travailler l'amont (la prévention) et l'aval (la réinsertion) des prises en charge. Celles-ci mobilisent en effet des partenaires multiples, quelquefois extérieurs au champ de la santé que les futurs infirmiers doivent connaître pour mieux répondre aux besoins de leurs patients.
Dans une telle approche, les premiers temps de formation visent à intégrer la démarche éducative, de prévention et de santé publique ainsi que des concepts fondamentaux tels que la vie, la mort ou la relation d'aide. Ces éléments sont indispensables à tout exercice infirmier quel que soit le projet professionnel de l'étudiant. En matière de psychiatrie, ils sont essentiels et facilitent ensuite la compréhension du cadre d'intervention. Une telle orientation suppose le recours à des ressources spécialisées, notamment des sociologues ou des professionnels psychologues.
Cette approche transversale et conceptuelle doit être à nouveau abordée dans chaque module tout au long de la formation afin de donner des bases solides pour l'enseignement des pathologies dans un contexte qui prend alors tout son sens. L'empilement des savoirs est ainsi évité au profit de l'acquisition d'une capacité globale à partir de l'analyse des situations de soins. Il s'agit, au début de la formation, de sensibiliser les étudiants à la psychiatrie sans la dissocier de l'ensemble des modules en soins infirmiers mais en l'articulant avec les dimensions curative, préventive, éducative ou palliative du soin. Il est souhaitable de mettre l'accent sur la spécificité clinique de la souffrance, en regard de la douleur, dans les situations de soins et de se centrer sur la personne.
L'élaboration et la mise en oeuvre des projets pédagogiques devront être réalisées en liaison étroite avec les secteurs de psychiatrie, qui se sentiront d'autant plus impliqués lors de l'accueil des étudiants en stage. Ces projets pédagogiques doivent permettre de répondre au questionnement sur le type de compétences attendues de l'infirmier exerçant en psychiatrie en application notamment du décret du 11 février 2002 relatif aux actes et à l'exercice professionnel des infirmiers. La méthode pédagogique la plus adaptée semble être celle de travaux en petit groupe au sein desquels les formateurs deviennent des personnes ressources pour l'étudiant, lui-même placé dans une logique de production active.
Une réflexion particulière devra être engagée sur la nature des enseignements optionnels offerts en psychiatrie. Il s'agira plus d'approfondir des enseignements initiaux et des techniques de soins et de prise en charge que de découvrir de nouvelles techniques souvent très pointues dans un domaine spécifique. Compte tenu des ressources disponibles, les IFSI auront tout intérêt à mutualiser leurs ressources afin de proposer un choix d'option départemental ou le cas échéant régional.
Il en va de même quant à l'élaboration des projets pédagogiques qui pourront être construits à partir de réflexions communes et d'échanges entre IFSI de même région. Plusieurs initiatives ont été conduites en ce sens, sous l'égide notamment des conseillères techniques régionales en soins infirmiers auprès des DRASS.

Développer la compétence clinique à l'occasion des stages
dont les objectifs auront été formalisés par l'IFSI et le service d'accueil

Les stages constituent des temps très importants de l'élaboration du projet professionnel et à terme de l'orientation du futur infirmier. Il est indispensable que le travail généralement conduit par les IFSI sur l'alternance des enseignements théoriques et cliniques soit approfondi avec les cadres et les professionnels des terrains d'accueil qu'il s'agisse de la préparation, du bilan ou de l'évaluation de ces stages. A titre d'exemple, le fait que les professionnels viennent se présenter ainsi que leur service aux étudiants au sein de l'IFSI constitue une démarche adéquate.
Il s'agit de repositionner le stage en psychiatrie dans l'ensemble de la formation dispensée aux étudiants et d'instaurer un véritable système d'alternance entre les formations théoriques et les stages pratiques. Dans ce cadre, le formateur de l'IFSI doit pouvoir intervenir sur les lieux de stage auprès de l'étudiant et l'équipe soignante dans les IFSI. Cette orientation vise à faire évoluer l'institut de formation vers une réelle formation en alternance impliquant fortement le milieu soignant dans les enseignements théoriques à l'IFSI et les équipes pédagogiques sur les lieux de stage.
Une telle démarche pourra être initiée conjointement par les directeurs de soins de l'institut de formation et de l'établissement de santé d'accueil. De la même manière, il est utile de renforcer l'implication des médecins chefs de services de psychiatrie dans la mise en oeuvre des stages et plus globalement dans le déroulement de la formation initiale des infirmiers. En effet, la réflexion sur la stratégie des stages ainsi que l'accueil des étudiants incite généralement à un travail de l'équipe soignante sur sa propre démarche de soins et peut donc entraîner une nouvelle mobilisation autour du projet de soins ainsi qu'un bon levier pour renforcer l'attractivité du service.
Malgré une situation difficile en terme d'effectifs, la disponibilité des équipes soignantes doit être garantie pour aider l'étudiant en stage à mobiliser ses connaissances dans la pratique clinique, à reprendre les situations afin d'utiliser ces connaissances techniques en rapport avec sa capacité d'analyse. C'est la bonne compréhension des situations qui permet à l'infirmier d'être acteur de sa fonction. Cet apprentissage ne peut en effet être conduit que dans un cadre professionnel et non lors des enseignements théoriques.
Dès lors, l'encadrement des étudiants sur les terrains de stages constitue un élément majeur et nécessite l'investissement des cadres de santé infirmiers, dans le droit-fil du rôle propre de l'infirmier prévu par le décret du 11 février 2002 précité. La formalisation en amont d'objectifs communs aux services d'accueil et aux IFSI devrait faciliter la désignation d'un professionnel infirmier référent et ainsi le bon déroulement des stages. Il convient de préciser que le tutorat doit pouvoir être confié à tout personnel infirmier. Il s'agit également de permettre une réactualisation des compétences pour les infirmiers en exercice.
Il sera particulièrement utile de renforcer le suivi et l'accompagnement des étudiants dans les structures spécifiques, unités de soins en prison, addictologie, gestion des risques et, d'une manière plus générale de favoriser la conduite d'entretien d'aide à visée socio-thérapeutique (décret du 11 février 2002).
Afin d'assurer la disponibilité nécessaire pour les étudiants, il convient de mutualiser les ressources des lieux de stage en favorisant les synergies inter-établissements, inter-département et, au plan régional, en développant les partenariats entre IFSI et dans les différentes structures où la psychiatrie est fortement représentée (hôpitaux de jour, CMP, CATTP, etc.). De tels projets existent déjà au niveau régional et permettent de mieux répondre aux besoins des étudiants dont le projet professionnel nécessite un investissement particulier en un domaine précis.
Recruter dans chaque IFSI des formateurs ayant une expérience de la psychiatrie afin de promouvoir une politique d'attractivité de ce secteur.


Ces formateurs pourront :

contribuer à l'élaboration de projets pédagogiques intégrant la psychiatrie ;
renforcer la compétence clinique de l'IFSI ainsi que sa capacité à retravailler avec les étudiants certaines situations de soins rencontrées notamment en stage ;
favoriser l'émergence et permettre l'accompagnement du projet professionnel de l'étudiant qui souhaite exercer en psychiatrie, tout au long de son cursus de formation.


Il convient ainsi de poursuivre le large mouvement de recrutement de formateurs ayant une expérience en psychiatrie dans les IFSI (77 % en sont dotés), de manière à généraliser rapidement le recours à ces professionnels. De tels recrutements permettront notamment de préparer les projets pédagogiques organisés autour des sciences humaines.
Afin de restituer les résultats détaillés de l'enquête ayant trait aux conditions de mise en oeuvre de la formation des infirmiers dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale, de faciliter les échanges entre instituts de formation en soins infirmiers autour des enseignements de santé mentale, et de mieux répondre aux différents axes d'évolution précités, une journée relative à la formation des infirmiers exerçant en psychiatrie ouvertes aux directeurs et directrices d'IFSI ainsi qu'à des représentants des formateurs ou intervenants en la matière dans les IFSI et sur les terrains de stage sera organisée par nos soins d'ici à la fin de l'année 2003.

Le sous-directeur
de la société et de la santé,
B. Basset


Le chef de service
adjoint au directeur de l'hospitalisation
et de l'organisation des soins,
J. Debeaupuis

 

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