concept fondamental psychologie theorie psychologique - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique - cours de Mr Giffard -
PSYCHOLOGIE: THÉORIE ET CONCEPT (dossier 1)
DEUXIÈME DOSSIER | ||
L'agressivité Les
2 topiques Les lapsus La relation d'objet L'attachement Le
stade du miroir Les
pulsions L'angoisse Psychose
et transfert L'institution
et la mort |
Gardez-le dans un coin du bureau !
Interventions orales de Mme Huguet,
sauf spécifications indiquées en marge du texte.
Écrit, enrichi et mis à jour par Mr Dominique Giffard,
pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES CONDUITES PSYCHOMOTRICES
Conduite : ensemble organisé et cohérent de comportements.
Comportement(s) : façon d'être et d'agir durant une période donnée.
Développement : évolution traversant diverses phases caractérisées par différents comportements.
Développement psychomoteur.
Le corps n'est pas une construction musculaire simple. C'est l'instrument de l'établissement de la relation à l'autre. Il exprime émotionnellement une situation. Le geste signifie psychologiquement quelque chose.
Ce développement est fonction de facteurs exogènes (extérieurs à l'individu) et endogènes (propres à l'individu): par exemple, on peut être très mur affectivement (exogène) avant que la puberté n'ait lieu (endogène).
L'être humain naît inachevé (ainsi la myélinisation n'est achevée qu'à 6 ans; Auparavant les neurones de l'enfant ne sont pas complets.)
De 0 à 3 mois : hypotonie axiale. La motricité ne s'exprime que par les extrémités. Réactions réflexes aux stimuli (Moro, Babinsky, Grasping...). Ces réflexes sont commandés par la moelle épinière. Ils disparaissent vers 3 ou 4 mois quand les centres corticaux entrent en action et inhibent les centres nerveux inférieurs.
De 3 à 6 mois : les organes sensoriels entrent en fonction, augmentant la vigilance. Apparition d'une tonicité axiale. Le bébé tient sa tête droite à 3 mois, se retourne à 4 et s'assoit à 6. Début de la préhension. Différenciation doigts/mains/coudes/épaules... Préhension pied/bouche. Apparition des premières incisives. Expression faciale (joie, colère). L'environnement du bébé a beaucoup d'influence sur son développement.
Après 6 mois : marche à quatre pattes vers 8 mois. Station debout à 10. Marche debout vers 12 ou 14 mois... Avec la marche, l'univers complet va changer! L'activité manuelle est de plus en plus coordonnée. Vers 8 mois constitution de la mémoire. Processus d'imitation. Vers 15 mois: maîtrise des sphincters, début du langage avec le "non!" qui est une identification à l'agresseur. Début du jeu social (envoyer un ballon) et du jeu symbolique (faire comme si...). Le jeune enfant règle ses conflits dans les jeux (sadisme...). Le jeu a un effet catharsique (libération d'un problème après une mise en scène, comme dans le rêve par exemple). L'enfant peut alors maîtriser l'angoisse. Il prend plaisir à transgresser l'interdit sans culpabilité, et développe son intellect et sa mémoire. Il est nécessaire que l'enfant joue. Ceux qui ne sont pas capables d'aborder le domaine symbolique du jeu souffriront plus tard de graves lacunes psychologiques.
Le dessin : c'est une activité symbolique qui préparera à la représentation abstraite, et donc à l'écriture. Le dessin exprime les progrès-moteur et la personnalité psychologique.
Avant 3 ans : gribouillis en ronds.
A 3 ans : l'enfant est capable de faire un cercle. Stade "pré-têtard".
A 4 ans : stade "têtard". Le "bonhomme" est représenté comme un têtard, avec une bouche (ou un nombril, c'est pareil) et deux yeux (ou deux seins).
A 5 ans : il est capable de faire le carré. Le corps est complet mais les proportions ne sont pas respectées (grosse tête, petit ventre...). On voit, à la taille respective et à leur position, l'investissement de chacun des membres de la famille quand il représente son entourage.
A 6 ans : proportions respectées, stade d'harmonisation.
De 6 à 7 ans : scolarisation. Il se situe dans le temps et l'espace. Grands questionnements métaphysiques.
A 7 ans : des détails apparaissent, comme les cheveux, les oreilles ou les habits.
Après la septième année, l'enfant ne fait que re-manifester ses conflits antérieurs. Il est très rare qu'un nouveau problème survienne qui n'ait eu déjà quelque antécédent.
C'est vers 11 ans que les enfants sont capables de faire des dessins de profil et en mouvement. Les dessins de maison et de bonhomme sont des représentations de leur Moi. Si la maison a des fenêtres, ou sont fleuries, c'est eux-même qui sont ouverts sur l'extérieur, ou gais. La façon d'aménager l'espace de la feuille indique aussi beaucoup sur l'aspect psychologique. Les éléments les plus significatifs d'un dessin sont les rapports spatiaux.
Significations des conduites psychomotrices (et implications)
La première personne à donner un sens aux manifestations motrices de l'enfant est la Mère: elle communique de façon motrice avec lui, selon sa compréhension et sa disponibilité. Elle sait s'il est tendu, détendu, apaisé ou crispé. L'enfant comprend son pouvoir de mobiliser la Mère. L'activité motrice est à la fois expression de ses besoins internes mais aussi l'origine de la toute puissance mégalomaniaque de l'enfant.
Mégalomanie: tout ramener à soi avec une immense impression d'invincibilité, et invention d'histoires dont on est le héros. Cela traduit un manque affectif.
Pour que l'enfant puisse éprouver cette toute puissance mégalomaniaque, il est nécessaire que la mère soit présente de façon régulière. Prendre, lâcher et maîtriser représentent chez l'enfant le prototype corporel de la situation du sujet vis à vis de l'Objet affectif. C'est le fondement du sentiment d'amour. A l'origine, il y a ce réflexe instinctif qu'on dénomme "Grasping reflex". Il y a toujours le fondement d'un éprouvé corporel avant l'établissement d'une construction psychique.
L'activité de la marche et la démarche affective :
Au début, l'enfant oscille entre deux états que sont le désir de marcher et la crainte de tomber. Il n'y a que l'attirance d'un horizon affectif qui parvienne à l'aider à surmonter sa peur. C'est ainsi que l'enfant n'est jamais attiré vers un objet mais bien plutôt vers les bras de sa mère. Un enfant qui ne marche pas est un enfant qui ne va pas vers sa mère. Il y a coordination entre d'une part la vue et le toucher, et d'autre part la motricité. La marche apporte la possibilité d'explorer ce qui entoure. L'enfant se rend compte que suivant la place où on se situe, un même objet a plusieurs aspects. Il se rend compte de la permanence de l'objet.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
Le schéma corporel
L'image du corps: c'est l'image que nous nous faisons de notre corps, à l'état statique ou dynamique, fondée sur des données sensorielles intéroceptives (viscérales), proprioceptives (muscles, articulations) et extéroceptives (surface). Cette image est constamment remaniée suivant les expériences, mais la globalité du corps n'est pleinement ressentie qu'après 6 ans.
Les composants du schéma corporel :
Il y a 3 schémas corporels;
Tridimensionnel (éveillé, conscient, adulte) où l'on perçoit le corps solide, entier et achevé, et dont le moyen d'organisation est la main. Elle permet d'évaluer les distances entre le corps et les frontières.
Viscéral: le moyen d'organisation est la langue, seule partie interne que l'on maîtrise à un tel niveau (fantasmes oraux).
Intermédiaire, zone frontière entre le schéma viscéral et le schéma tridimensionnel. Se retrouve dans les rêves, dans les phénomènes de dépersonnalisation (vécu psychotique par exemple).
Comment se constitue le schéma corporel ?
Dés la naissance et l'oralité: à travers les zones privilégiées d'investissement libidinal (les zones érogènes).
Phénomènes d'identification: l'image de notre corps se constitue par identification au corps de l'Autre.
· Entre 4 et 6 mois: si on place l'enfant devant un miroir, il ne se reconnaît pas. L'être en face de lui a sa réalité propre.
· Entre 6 et 8 mois: il découvre que l'Autre n'est qu'une image et non un être réel. C'est un leurre; L'enfant passe du réel à l'imaginaire.
· Vers 1 an: il comprend que l'image du miroir, c'est son propre corps. Il se perçoit comme un tout et aussi comme extériorité. C'est la première fois qu'il voit son corps en entier. Il s'identifie à l'image réfléchie. C'est la Mère qui, le regardant dans la glace en lui disant: "c'est toi, là !", lui ouvre la voie de l'identification à l'image. L'enfant perçoit bien l'admiration de l'image de la Mère pour son image à lui. Il y perçoit aussi du désir. Cette image, pour l'enfant, c'est son Moi (car c'est par le regard de l'Autre que nous nous formons. Nous nous identifions à l'image que l'Autre a de nous). L'enfant s'aliène dans cette image aimée par la mère. Il y devient Autre. S'il en restait là, il deviendrait psychotique. Ce qui va mettre un terme à cette relation aliénante, c'est le Père (ou le langage, ou la place que le Père a dans le discours de la Mère, en fait tout ce qui viendra faire tiers...). Le Père mettra une distance entre la mère et l'enfant.
=> Le Moi est une série d'identifications successives.
Le développement de la personnalité passe par l’acquisition du « JE ». Beaucoup de malades mentaux ne sont pas sujet de leur discours.
Chez l'adulte : on a besoin d'un certain équilibre corporel. Les amputés souffrent plus de la dissymétrie que du manque d'un membre. Cette symétrie, on peut en trouver l'origine dans le rapport de ressemblance du stade du miroir. On a aussi besoin d'une différenciation pour se sentir unique. Cela provient du moment où l'enfant, grâce à un tiers (le Père, ou le langage de la Mère) se distingue de l'image de son corps.
=> Besoin double: ressembler (à des normes) et se différencier (de l'autre).
L'éprouvé corporel dans la douleur
Douleur : atteinte destructrice dans l'organisme, éprouvé vital.
Souffrance : atteinte dans son unité vivante. Expérience psychique de la douleur.
La douleur est toujours une interrogation sur soi. Mais il y a plusieurs réactions possibles: dégradation intolérable, honte. Ou alors exaspération, responsabilité rejetée sur autrui. Ou bien encore régression, résignation en se croyant intentionnellement atteint, repli sur soi entraînant le désespoir, voire le suicide.
Il y a aussi utilisation de la douleur pour obtenir des bénéfices:
- Érotisation de la douleur (comportement hystérique);
- Revalorisation (on respecte ceux qui souffrent);
- Moyen de pression, chantage;
- Moyen pour se faire dorloter (chez les enfants par exemple).
Dans tous les cas, la douleur est un moyen de communiquer, de dire quelque chose qui ne peut être dit autrement. Elle peut être un intermédiaire entre le soignant et le soigné, l'objet transitionnel de cette relation. La douleur peut aider à retrouver une unité corporelle.
Signification des habitudes psychomotrices
Instabilité psychomotrice :
Portrait type de l'instable moteur: ne tient pas en place. Humeur changeante, coléreuse et souvent opposante. N'arrive pas à se fixer sur une tâche. Difficultés d'expression. Relations instables, changement continuel d'identifications.
1ère cause: due à un excès pulsionnel jetant la personne dans le désarroi. Elle n'arrive pas à canaliser cet excès.
2ème cause: due à un manque pulsionnel. Cette insuffisance empêche la personne de continuer longtemps dans la même voie.
Face à un tel déchaînement moteur, il faut proposer un milieu calme favorisant une relation affective continue. Ces personnes se sentent en général mal-comprises, mal-aimées.
Les tics : (≠ les habitudes)
Geste soudain, involontaire et absurde. Caricature répétitive sans finalité apparente. Le tic est l'aveu d'un conflit intérieur qui ne veut pas s'avouer. Il exprime l'ambivalence entre quelque chose qui veut s'exprimer et quelque chose qui inhibe cette expression. Le tic est l'équivalent symbolique et moteur d'un message sexuel ou agressif. De même que pour le rougissement, la personne entrevoit une explication d'ordre sexuel ou agressif dans le regard de l'Autre, et ressent la honte de cette pensée.
Onchophagie : (se ronger les ongles)
Deux aspects: le plaisir et la punition.
Plaisir oral. C'est une décharge et un déplacement d'angoisse. Manifestation auto-érotique.
Punition de ce plaisir (travail du Surmoi).
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES ÉLÉMENTS DE COMMUNICATION
Communiquer : entrer en communication avec l'extérieur.
Si le code n'est pas commun, on ne comprend pas. Etymologiquement, communiquer veut dire: mettre ensemble, en commun. Pour que l'information soit transmise, il faut que les deux termes de la communication aient un code commun. Donc qu'ils aient les mêmes éléments de connaissance. Il faut aussi qu'il y ait intention de communication.
Schéma de Shannon :
Dans la communication on part avec quelque chose de très large et à l'arrivée très peu de choses sont perçues. La réponse donnée par le récepteur est la garantie que l'émetteur a été compris ou non. Le feed-back est positif ou négatif.
La communication est une série de feed-back successifs.
L'information : c'est le contenu du message. Une information est riche quand son contenu est improbable, nous apprend quelque chose. L'information, c'est la grandeur mathématique de la communication. Pour qu'il y ait compréhension d'un message, il faut qu'il y ait redondance (répétition), ce qui permet de ne pas soutenir continuellement l'attention. Si une phrase n'est pas bien comprise, on pourra néanmoins comprendre par une autre. La redondance est un système pré-correcteur de l'erreur. Pour qu'une information soit comprise, il faut qu'il y ait un équilibre entre la richesse mesurable de l'information et la redondance.
Distance et relation : il y a des possibilités de communication à des distances et des époques différentes. Ainsi peut-on regarder un acteur à la télévision alors qu'il est mort déjà. Dans la relation de face à face il y a la notion de territoire. C'est un espace vital que l'on défend contre l'intrusion d'un membre de la même espèce. La distance relationnelle diminue dans le contact, affectif ou agressif.
Le message : il pourra être verbal ou écrit, et donc codé. Ce sont les mots de la langue. Il pourra aussi être non verbal (très souvent associé au message verbal). Ce message non verbal va compléter l'information. Il peut alors être codé ou non codé. Les signes non verbaux non codés sont les expressions des pulsions et des sentiments, sans qu'aucune convention ne préside à leur émission (par exemple les vibrations de la voix, la couleur du visage...).
Dans la relation soignant-soigné
Verbal codé : entretiens, conseils de l'infirmier spécialisé, diagnostics, prescriptions médicales...
Non verbal codé : donner et prendre un médicament, respect et port de la blouse blanche, lieu, positionnement...
Non verbal non codé : expressions affectives ou agressives, types de comportement (même si par exemple plusieurs patients ou plusieurs soignants usent d'un même type de comportement)...
Fonctions du message
Fonction expressive centrée sur le jeu du locuteur. Sa parole est alors la seule référence;
Fonction d'appel ou d'incitation centrée sur l'auditeur. Ce qui prime c'est la deuxième personne, celle qui écoute;
Fonction référentielle symbolique. Référence extérieure. L'objet dont on parle peut être présent ou absent;
Fonction phatique. A pour but de maintenir le contact (formules de politesse...);
Fonction métalinguistique. Analyse du code lui-même, paraphrasant un énoncé (répétition d'un même contenu sous une autre forme, traduction d'un texte étranger...);
Fonction poétique ou ludique. Plaisir de parler.
Ces 6 fonctions sont solidaires et se combinent entre elles.
Langage et communication
Le signe : élément de code qui a un sens (lettre, ponctuation, code de la route...). Tout peut être un signe pourvu que cela renvoie à un sens. On distingue 3 sortes de signes différents:
- l'indice. Il établit un rapport non finalisé. Ce n'est pas un rapport intentionnel. Par exemple "les nuages noirs" sont l'indice de l'orage. Il n'y a qu'un rapport de causalité. Il est interprétable.
- le signal. Rapport de finalité. Il y a un code qui permet de signifier. Par exemple "feu vert, drapeau, communication animale, réflexes conditionnés..."
- le symbole. Il y en a deux sortes. Le symbole abstrait, comme un chiffre, une lettre, un symbole mathématique, sans aucun lien naturel avec le représenté. Et le symbole analogique, comme la balance de la justice, le lion symbole de force... Le symbole analogique concerne le langage d'un clan.
La communication paradoxale : c'est une communication où les codes utilisés sont contradictoires. Le langage contraint 2 fois sans qu'il soit possible de donner de réponse. L'individu doit sans cesse choisir entre la réalité de ses désirs et la perte de quelque chose de primordial chez lui. C'est une communication qui ne peut avoir de réponses. Par exemple la Mère offre une chemise verte et une autre rouge à son enfant. Il met la rouge. La Mère lui dit: "Tu n'aimes donc pas la verte?". Le lendemain il met la verte. La Mère lui dit: "Tu n'aimes déjà plus la rouge?"... Ou bien par le langage on peut dire certaines choses, mais par le gestuel on contredit carrément la parole. La communication paradoxale peut être positive (certains cas d'ironie, réponses à une impasse...) ou négative (familles psychotiques).
Langue et langage : le langage est la fonction générale de communication. C'est le système de symboles verbaux et écrits sciemment créés. La langue est le code lui-même correspondant à une culture donnée, apprise par l'éducation, extérieure à l'individu. L'individu ne peut modifier la langue comme il veut. Plus les langues sont vieilles, plus elles sont complexes. C'est la parole qui est la partie subjective de la langue. C'est l'acte de sélection individuelle.
- L'énoncé, c'est la parole.
- L'énonciation, c'est le fait de dire.
Le langage
Les centres du langage : le langage répond à une commande motrice volontaire. Il est dû à la contraction des muscles de la voie respiratoire. Ceci provoque un phénomène vibratoire, le "son laryngé fondamental", modulé pour former les mots. Les muscles n'entrent en activité que sous l'effet de l'influx nerveux.
L'ontogenèse du langage : ne peut s'effectuer que par la maturation du système nerveux. Le langage ne peut s'apprendre avant 3 mois ni après 2 ans. L'enfant doit avoir été plongé dans un bain sonore.
L'émission :
· La première émission de l'enfant est le cri indifférencié. Au cours du premier mois, il va se différencier en 4 sortes:
- Le cri de faim.
- Le cri de colère.
- Le cri de douleur.
- Le cri de frustration.
· Dés la 3ème semaine, l'enfant est capable d'émettre des faux cris de détresse.
· A partir du 2ème mois, les cris se modulent (gazouillis). C'est un jeu anarchique qui se stabilisera petit à petit. Emploi de voyelles.
· A 5 mois, emploi des consonnes. L'enfant relie gestes et mots.
· A 6 mois, il comprend des formules simples. Émission de sons syllabiques.
· A 7 mois, parution des syllabes dentales (te, de...).
· A 9 mois, prononciation du premier mot en tant qu'évocation. Il entre dans la période linguistique. Stade du mot-phrase.
· A 15 mois, le "non!". Affirmation de son existence par l'opposition.
· A 20 mois, mots associés.
· A 24 mois, découverte du verbe permettant les premières phrases. Il apprend par analogie ("assir' au lieu de "asseoir").
A partir de cet âge, l'enfant emploie le "je". Début de la conjugaison. On considère que le langage est constitué à partir du "je", que l'enfant a acquis la structure grammaticale. Ceci recouvre le stade anal avec l'apprentissage de la propreté et l'accession au symbolique.
La linguistique
C'est l'étude scientifique du langage. Cette science a été créée au 19 ème siècle (Ferdinand de Saussure, linguiste Suisse). Elle place le langage comme outil de communication, comme code à étudier à travers les signes et les symboles. La linguistique fait partie de la sémiologie.
Le signe est composé de 2 éléments: le "signifiant" et le "signifié". C'est l'union d'une image acoustique et d'un concept.
· Sa, le signifiant, est un élément matériel sensible.
· Se, le signifié, est un élément non matériel non sensible.
L'étude du signifiant est la morphologie, étude des formes.
L'étude du signifié est la sémantique, étude du sens.
Saussure n'avait vu que ces deux éléments. Plus tard on en a ajouté un troisième, le "référent". Le référent est la chose dont on parle, la réalité concrète ou abstraite, l'objet du discours, ce à quoi on se réfère. Le référent est quelque chose de très important en psychologie.
Les monèmes et les phonèmes : le phonème est le son élémentaire d'une langue, l'unité sonore la plus petite. Elle peut être pourvue ou dépourvue de sens. Dans la langue française il y a 36 phonèmes. Les différences de prononciation n'ont rien à voir. Qu'on soit Québécois ou Belge francophone, Marseillais ou Parisien, il y a toujours 36 phonèmes.
Le monème est l'unité sonore minimale qui garde une signification (plus petite unité de sens). Par exemple dans: chant/ons, il y a 2 monèmes qui signifient chacun un sens précis. On ne peut diviser un monème sans en détruire le sens. Un mot peut être un monème, par exemple: "cor". Un mot peut être constitué de plusieurs monèmes, comme: "chantons". Plusieurs mots peuvent former un monème, par exemple: "grand-mère".
Double articulation du langage : dans des cas particuliers, les monèmes s'assemblent selon une organisation, le "syntagme". Le langage est constitué d'une succession de phonèmes (36) et d'une succession de monèmes (ensemble ouvert). En articulant phonèmes et monèmes, on forme le syntagme.
Les axes du discours :
· L'axe syntagmatique est l'axe d'actualisation du discours. C'est le domaine du réel. L'ordre du message est fonctionnel. Jamais 2 unités ne peuvent coexister. Le message se construit de manière irréversible. En musique, on peut jouer 2 notes à la fois mais en parole, c'est impossible.
· L'axe paradigmatique. C'est tout ce qui aurait pu être et qui ne l'a pas été. Tout ce que j'ai laissé de côté dans mon choix de discours. C'est l'axe des substitutions, du rêve, de la poésie.
Tout langage est arbitraire. Il n'existe pas de lien naturel entre le signifiant et le signifié. Le signifiant n'imite pas le réel, le rapport est un rapport de signification. Le mot met à distance la chose signifiée.
Tout langage est linéaire : il se construit dans le temps de manière irréversible.
Les unités de la langue sont dites "discrètes". Elles sont isolables les unes des autres. C'est matérialisé par le blanc dans l'écriture, ou la pause dans la parole.
La rhétorique
C'est la mise en oeuvre des moyens d'expression par l'invention, la composition et le style.
· La dénotation : c'est la forme objective invariante du discours. C'est le "signifié" dans son objectivité. C'est ce que veulent dire les mots. Dans la réalité du discours, la dénotation n'existe pas car aucun mot n'est objectif.
· La connotation : c'est un surplus de sens qui n'est pas contenu explicitement dans le signifié. C'est un complément linguistique extra lexical. La connotation nous renseigne sur le locuteur, sur le langage lui-même, sur la situation, l'intention et l'état affectif, sur la provenance géographique, la couche sociale. C'est un rectificatif de l'erreur. Ainsi dans l'ironie, c'est le ton du locuteur qui nous renseigne sur le message exact. La connotation peut infirmer ou confirmer. On trouve la connotation dans le débit, l'intonation, la ponctuation, le timbre, l'accent, la construction syntaxique, le niveau de langue, le style... etc.
Exemples de connotations possibles pour une information à transmettre: "Bientôt mourrait-il, sans soins." ou "Il en arrivera à vite crever si l'on n'y prend garde." ou encore "Il mourra bientôt s'il ne se soigne".
· Les transferts de sens (les "tropes"): ce sont des figures qui permettent d'opérer un changement dans le sens des mots (effets de surprise, mystère...).
La métaphore : elle consiste à substituer un signifiant à un autre, reliés par une propriété commune. C'est la réunion de deux signifiants, dans un rapport de similarité, ou d'association.
La métonymie : elle permet d'attribuer à un mot un autre sens que celui qui lui est généralement attaché. Il y a déplacement d'un signifiant sur un autre, dans un rapport de concomitance.
Métaphore et métonymie sont les deux processus dont se sert l'inconscient. On nomme alors "condensation" la métaphore, et "déplacement" la métonymie.
La litote : c'est dire peu pour exprimer beaucoup. Exemple:"Je ne vous hais point, je vous aime!".
L'hyperbole : c'est dire beaucoup pour exprimer peu. Exemple:"Je t'ai attendu 3000 ans".
· Les jeux de mots :
La contrepêtrie; Exemple: "Sonnez trompettes" et "Trompez sonnettes". Ou "Femmes folles de la messe" et "Femmes molles de la fesse".
Le mot-valise; Exemple: "alcool + accolade" donnent: "alcoolade".
L'anagramme; Exemple: "écart" et "tracé".
Le palindrome; Se lit dans un sens ou dans l'autre. Exemple: "été" et "été". Ou: "Esope reste ici et se repose". Ou encore: "L'âme des uns n'use de mal".
Langage et inconscient
"L'inconscient est structuré comme un langage" (Jacques Lacan).
Comme dans le langage, on aura affaire à un système de signifiants et de signifiés. Nous allons cependant faire quelques distinctions: le signifiant linguistique est un son, une graphie. Le signifiant psychanalytique est une trace dans l'inconscient. Cela peut être une odeur, une image, une cicatrice qui va renvoyer à un signifié. Ce signifié est le fait décrit dans le souvenir.
Le conscient est formé de représentations de mots. L'inconscient est formé de représentations de phonèmes et de choses. Ce sont des choses qui concernent notre corps, et qui souvent furent vécues avant la parole.
Conscience N'arrivent au conscient que des signifiants (Sa) isolés, et de façon incontrôlée. |
![]() |
Inconscience Chaque Signifié (Se) est lui même le Signifiant (Sa) d'un autre Signifié (Se). Le souvenir qui émerge : Sa. Il renvoie à un second souvenir, le Se, qui lui même, puisqu'il renvoie à un autre souvenir, devient Sa. Ro : Représentant Originaire (noyau) |
De même que le langage, l'inconscient utilise les rapports métonymiques et métaphoriques.
Métonymie : c'est le rapport qui relie une représentation à l'autre, au sens de plus en plus éloigné de la représentation originaire. Dans l'exemple du bûcheron qui coupe son bois, le rapport métonymique est celui qui relie "couper" à "scier", ou à "trancher" par exemple.
Métaphore : c'est l'association de 2 ou 3 images qui recèlent quand même une caractéristique commune pouvant être par exemple: même niveau de plaisir, même traumatisme ou même époque. Les métaphores sont liées entre elles par un rapport de similarité. Le rapport métaphorique se retrouve aussi dans la "condensation" du rêve.
Le signe
Sa, le Signifiant, est du domaine du symbolique. C'est la trace porteuse de sens.
Se, le Signifié, est du domaine de l'imaginaire. C'est ce à quoi la trace renvoie (agressivité envers..., amour pour...).
Le Référent est du domaine du réel. C'est ce qui s'est passé en fait.
Par exemple, après une chute de vélo, il y a formation d'une cicatrice. La cicatrice (Signifiant) est une trace, au sens propre du terme, porteuse de sens au niveau symbolique. Le Signifié sera ce qui reste dans l'imaginaire, par exemple l'agressivité envers un camarade trop brutal et responsable de la chute. Le Référent est ce qui s'est passé en réalité, c'est à dire la chute de vélo.
Autre exemple, la phobie des chiens : au niveau réel, il y a le chien (le Référent). Au niveau imaginaire, il y a la pensée d'être mordu (le Signifié). Et au niveau symbolique, il y a l'angoisse d'être agressé par son Père (le Signifiant). Plutôt que d'avoir peur du Père, sentiment refoulé, la personne craindra les chiens. Elle aura fait un déplacement métonymique entre "chien" et "Père".
Le désir et le "je" de l'énonciation
|
Discours latent paradigmatique. |
Discours prononcé. |
|
Nouveau discours (1 seul mot modifié suffit pour changer tout le syntagme). |
L'important est la façon dont on parle car la structure est plus importante que le contenu même du lapsus.
Le développement de la personnalité passe par l’acquisition du "Je". Beaucoup de malades mentaux ne sont pas sujet de leur discours.
Quand on parle, on affirme un "Je", c'est à dire que l'on se distingue de l'Autre. Parler, c'est affirmer son individualité, c'est se poser comme sujet de son discours. Le discours véhicule à la fois le désir et la position du sujet face à son désir. C'est le point de croisement entre désir, énoncé et l'Autre. Le désir se matérialise dans le discours. Par le discours, le sujet s'identifie à lui même. L'existence de la personne se joue dans son discours car ici se joue sa vie. Ainsi pour la personne obsessionnelle par exemple: C'est quelqu'un de très méticuleux, qui ritualise, a peur de l'imprévu. Son discours sera caractérisé par des phrases très longues, infinies, où tous les mots cherchent à préciser un peu plus le sens, mais en fait ne font que mélanger de plus en plus la signification. Son discours est très neutre, désaffectivé.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES CONDUITES ALIMENTAIRES
Ce sont des conduites ancrées dans le biologique. Il faut distinguer la notion de faim de celle d'appétit.
Faim : état somatique provoqué par le manque de nourriture et supprimé par l'ingestion d'aliments;
Appétit : état conscient de désir de nourriture provoqué par l'intérêt éprouvé pour tel ou tel aliment. L'appétit varie selon l'individu, l'âge, les coutumes, les sexes, les climats...
Alimentation aux différents âges
L'Enfant : les codifications de l'alimentation datent de l'après guerre. Le premier aliment est le lait, puis ensuite les bouillies semi liquides. Vient juste après l'aliment mixé puis enfin solide. Cette transition se nomme le sevrage. Il survient de plus en plus tôt dans les sociétés occidentales, et se conclut actuellement avant 2 ans. Le sevrage est la fin d'un système relationnel très économique entre la Mère et l'Enfant. Les frustrations que le sevrage engendre peuvent représenter un véritable traumatisme. L'Enfant attribue à l'aliment solide toute l'angoisse que lui inspirait l'étranger. Le sevrage marque aussi le passage de l'alimentation nature (naturel au corps humain), à l'alimentation culture. L'Enfant peut désormais marquer son refus ou son acceptation de la culture. Toutes les manières de la table ont pour but la mise à distance de la nourriture, pour se différencier en tant qu'êtres culturels.
L'Adolescent : on note chez lui l'opposition et la transgression face aux coutumes alimentaires. Il arrive en retard au repas familial, se bourre de sucreries, ne respecte pas les règles admises par la famille. Grand besoin de se remplir. Problèmes d'anorexie, et aussi de régimes.
L'Adulte : il y a à son niveau un retour aux manières de table. On note la stabilisation des pulsions Orales avec recherche de substituts comme le travail, les cigarettes, la télévision... Dans le monde adulte, la nourriture est un moyen de dire quelque chose sur la condition sociale, les affects. Il y a ainsi plusieurs repas qui prennent un sens particulier, et sont chargés différemment au niveau symbolique: le repas familial, de communion, d'enterrement, le dîner à deux, le pique nique... Le repas est un moyen d'échange, une forme de protestation (grève de la faim), un rituel, ou le départ de révoltes (Potemkine).
La nature des aliments :
Il y a deux sortes d'aliments: le cuit et le cru. Le cuit est une transformation culturelle du cru, comme de laver, sécher, cuire, faisander...
Le cuit est soit rôti (air), soit bouilli (eau) :
- Le bouilli, médiatisé par l'eau, a un aspect conservateur, économique, populaire. C'est la nourriture des sédentaires.
- Le rôti, directement en contact avec le feu, est plutôt réservé aux fêtes, avec aspect de prodigalité.
A partir de tout cela, on choisit notre alimentation. Le végétalisme est issu de l'ancienne peur du cannibalisme. C'est ainsi qu'il y a plusieurs degrés dans le végétalisme, allant jusqu'à refuser tout ce qui rappelle l'homme au niveau de l'animal.
D'une manière générale, tout ce qui évoque les viscères, les humeurs, provoque le dégoût dans la culture occidentale.
Alimentation et affectivité
Il y a une oralité primitive qui reste chez l'Homme. Elle est encore support de l'affectivité. Ainsi peut-on noter 3 comportements oraux présents chez l'Homme de façon habituelle: avidité, envie et jalousie.
· L'avidité : c'est une consommation à outrance, un grand désir d'incorporation que peut motiver un manque affectif, un sentiment d'abandon. C'est un désir de possession sans limite, car il y a erreur de registre.
· L'envie : c'est un désir mêlé à un sentiment de colère éprouvé par une personne quand elle sait qu'une autre possède quelque chose d'important. Envie et avidité vont souvent ensemble.
· La jalousie : c'est une envie qui s'adresse à une personne. On ressent alors de l'agressivité vis à vis d'une tierce personne, vis à vis de soi-même (sentiment d'infériorité), et vis à vis de l'Autre (sentiment d'abandon).
Pathologies alimentaires
L'anorexie :
c'est un refus de nourriture. Cela peut se trouver chez le nourrisson et à l'adolescence (chez l'adolescente, l'anorexie est l'équivalent de la féminité refusée).
- Chez le nourrisson ce sont des formes d'anorexie réactionnelles (par exemple à un changement de régime, de nourrice, ou lors d'une nouvelle naissance), généralement peu graves. L'Enfant ne mange pas mais ne maigrit pas non plus. C'est une anorexie sélective, concernant une ou deux personnes. Elle s'estompera au fur et à mesure de la maturation. L'anorexie peut aussi revêtir une forme plus grave entraînant l'amaigrissement et la déshydratation. Dans ce cas c'est la cellule Mère / Enfant qui est malade. L'Enfant prend plus plaisir à agresser la Mère qu'à manger. Il passe son temps à la dominer. Ce comportement révèle une perturbation générale. On observera souvent en même temps un ralentissement du développement moteur et du langage, un trouble du sommeil, une absence de jeu, l'apparition de crises d'asthme... Ce sont des Enfants pré psychotiques.
- Chez l'Adolescent : cette perturbation est essentiellement féminine. La jeune fille se fait une idée fausse de son corps, se force à un régime, perd l'appétit. L'anorexie ne devient néanmoins pathologique que si les 3 symptômes suivants apparaissent: refus de nourriture, perte de poids et aménorrhée (absence de règles). Souvent la famille insiste, mais le peu que la jeune fille finit par avaler est recraché ou vomi quelque temps après. Les examens somatiques sont négatifs. Chez la fille on note une intense activité intellectuelle avec investissement massif dans le culturel, d'autant plus que le milieu est modeste. Ceci est un symptôme d'une relation perturbée dans la famille, avec très forte agressivité envers la Mère, refus d'identification à la Mère, chantage continuel et désir inconscient de rester une petite fille. Le Père est inexistant, mou, rustre, peu viril: c'est une image qui insécurise énormément la fille. Dans la famille, toute la communication se fait autour de l'anorexie de la jeune fille. Les thérapies sont longues et difficiles. Il faut éloigner la fille de la famille et lui faire suivre une psychothérapie énergique pour instaurer le concept de Loi qui lui faisait défaut jusqu'à présent. On peut aussi utiliser la thérapie familiale.
Chez le garçon, on rencontre l'anorexie avant l'éclosion d'une schizophrénie à la fin de l'adolescence, mais c'est très rare.
La boulimie :
il convient de distinguer boulimie et obésité;
Le boulimique grossit par tout ce qu'il mange, bien qu'il aimerait manger sans grossir. C'est un maniaque du miroir. Il est actif par rapport à la nourriture.
L'obèse est gros même en mangeant peu. Il se plait ainsi. C'est un passif par rapport à la nourriture car l'important pour lui est avant tout d'être gros.
- Dans la boulimie il y a compulsion de la nourriture, c'est à dire qu'il y a répétition de ce comportement sans pouvoir s'en empêcher. Très souvent le boulimique mange quand il se sait seul, et ce qu'il a dérobé de préférence, n'importe quoi, assis dans un fauteuil ou couché. Il répond à toutes les situations difficiles par une seule réponse inadaptée: le manger. C'est un grand anxieux qui tente de combler par la nourriture un manque affectif. Il a eu une relation maternelle défaillante, par privation ou bien au contraire centrée exclusivement sur la nourriture. Il ne pouvait avoir de relation affective avec la Mère que lors des tétées, puis des repas. Le boulimique est à la fois l'Enfant et la Mère, s'apportant sa propre gratification. C'est un comportement auto érotique avec culpabilité, forçant la personne à manger seule. Le boulimique est quelqu'un qui élabore peu mentalement les conflits puisqu'il trouve dans la réalité une pseudo solution. Les périodes de boulimie s'entrecoupent de périodes d'anorexie. 70% des boulimiques parviennent à éviter la surcharge pondérale en se faisant vomir ou en utilisant des laxatifs à haute dose. En 2007, environ 1% de la population française est boulimique, et 9 sur 10 sont des femmes, souvent très jeunes. Groupes à risque: les étudiantes, les danseuses et les mannequins. La Mère boulimique est une Mère "sèche".
L'obésité :
En 2007, un peu moins de 10% des adultes sont obèses en France, et 12% des enfants (au début des années 1980, ils représentaient au total moins de 3% de la population). Il est important pour l'obèse de maintenir son poids. C'est souvent quelqu'un de passif, d'apathique. Les obèses ont peu de confiance en eux mêmes, et ont d'eux une image négative. Leur imaginaire est pauvre. Ils croient échapper aux lois de la diététique ("ce qui m'a fait grossir, c'est l'angoisse de ces derniers temps"). L'obésité sert à s'affirmer. Elle sert aussi de défense en tant que carapace, non seulement physique mais aussi psychique. Les femmes obèses sont revalorisées par des Enfants gros mangeurs. Que l'Enfant soit fille ou garçon, il donne un sens maternel à son obésité, c'est la bonne Mère. Il existe un fantasme de bisexualité fréquent chez les hommes obèses. Quand l'obèse décide de maigrir, c'est pour faire plaisir à quelqu'un de proche mais la résolution ne tient pas longtemps. L'obésité provient d'une relation à la Mère défaillante soit par une identification à une Mère obèse, soit réactionnelle. La Mère obèse est une bonne Maman qui donne énormément et entre autres à travers l'acte de manger.
Le mérycisme :
ce comportement pathologique se traduit par l'action de faire remonter son bol alimentaire pour le ruminer. La personne le fait quand elle se sait seule. C'est un comportement auto érotique, traduisant une carence au plan maternel entre le quatrième et le huitième mois. Le développement mental est très faible. Cela s'associe à des conduites anales. L'Enfant présentant ce symptôme peut guérir lorsqu'il trouve un substitut maternel chaleureux. On retrouve cette pathologie chez les vieillards séniles. Il faut toujours considérer la bouche par rapport à son homologue déprécié: l'anus.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES CONDUITES EXCRÉMENTIELLES
Ce sont tous les comportements qui ont trait à la fonction d'élimination, à la maîtrise corporelle et toute maîtrise affective, intellectuelle et émotionnelle.
Stade anal et conséquences
L'échange se fera sur un mode d'opposition ou d'acceptation. Il y a eu un conditionnement des comportements "Donner" et "Perdre", "Être passif" ou "Être actif", traduisant une ambivalence des sentiments. Survient l'autonomie affective et sociale: l'Enfant sort du stade anal grâce aux substituts que sont les jouets et le langage. La fonction du boudin fécal se déplacera sur d'autres Objets. Chez l'Adulte, l'argent sera le principal substitut du boudin fécal. L'Enfant a fait l'équation suivante:
boudin fécal = pénis = argent (ou enfant).
C'est une fonction de revalorisation.
Caractère anal
L'argent : comme le boudin fécal, il sert à l'échange. C'est aussi le fruit du travail. Plus on s'est détaché du stade anal, plus on parvient à accéder au symbolique de l'argent. Une bonne résolution du stade anal est dans l'acquisition du Don et de la Dette.
L'ordre et la maîtrise : il y a eu déplacement du plaisir de contrôle sphinctérien dans le rapport hiérarchique, ou d'autorité, ou encore dans l'anarchie, le désordre. Quelqu'un de scrupuleux, consciencieux, est quelqu'un qui maîtrise. De là viennent aussi l'entêtement, la bouderie, l'obstination, le caprice...
L'agressivité : les deux comportements extrêmes de l'agressivité sont le sadisme et le masochisme, secondairement liés à la sexualité. Quand il n'y a pas érotisation, on peut parler de pulsion d'emprise vis à vis de l'Autre ou de soi-même, sublimation de la pulsion agressive.
Pathologies
L'énurésie : c'est la miction involontaire, inconsciente, sans liaisons directes avec le fonctionnement de l'appareil urinaire, et qui persiste ou réapparaît à l'âge de 4 ans. C'est un symptôme toutefois banal: 75 % des enfants sont des énurétiques primaires (sans avoir jamais été propres), dont 65% la nuit, 32% diurnes et nocturnes et seulement 3% diurnes. A quatre ans, il y a 60% d'énurétiques, à dix ans il y en a 20% tandis qu'à quatorze ans n'en restent que 10%. Cette pathologie est plus fréquente chez les garçons.
On note dans les facteurs aggravants la potomanie (boire beaucoup), le sommeil profond et lourd, la vessie de petite taille...
- Origines psychologiques : l'énurésie n'est jamais un symptôme isolé. Très souvent il est accompagné d'instabilité, de tics, de bégaiement. C'est révélateur d'un conflit, comme peuvent entraîner une carence affective, la naissance d'un frère, l'angoisse de castration, un abandon familial... Tous ces facteurs provoquent une anxiété, une régression et/ou une agressivité chez l'Enfant qui s'oppose en devenant énurétique, amenant ainsi le rapprochement avec la Mère, et des bénéfices masochistes pour se déculpabiliser. Le caractère sera timide, émotif, ou au contraire têtu et grincheux.
- Traitements : rendre l'Enfant actif par rapport à son symptôme (lui faire par exemple changer les draps mouillés) pour qu'il parvienne à l'accepter. On va proposer aussi d'autres satisfactions sur le plan affectif que celle de faire pipi au lit, puis le faire évoluer vers le stade affectif où il devrait être. On peut ajouter à ceci des séances de relaxation, d'acupuncture.
L'encoprésie : c'est l'élimination involontaire des selles, dans le même conteste psychologique que pour l'énurésie. Ce sera néanmoins un symptôme plus grave, plus régressif et plus agressif. On distingue 3 personnalités:
Le "délinquant" : il s'agit de l'Enfant qui fait des selles bien moulées et dures, avec un plaisir indéniable. Ces Enfants s'expriment par l'agir. Il y a un double plaisir dans la rétention et dans l'agression. Ils expriment un comportement à caractère social: les Parents sont soit trop laxistes, soit trop rigides.
Le "clochard" : enfant passif, anxieux, qui n'a aucune possibilité d'organisation par lui-même, indifférent à la menace ou à la solitude. Les selles sont molles, en bouses. Ce sont des Enfants sans règles ni lois.
Le "pervers" : enfant qui tire son plaisir à déféquer en public. Ces Enfants ont un gros problème Oedipien.
- Traitements : les mêmes que ceux de l'énurésie.
La constipation : fréquente chez les obsessionnels, les autistes. Peut s'associer au fantasme de grossesse. Les hypocondriaques sont souvent malades des intestins. Chez les personnes âgées, la perte ou l'altération du contrôle sphinctérien s'appelle le "gâtisme".
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES CONDUITES SEXUELLES
Définitions
- Biologique : ensemble des phénomènes et comportements mécaniques, hormonaux et métaboliques liés à la reproduction de l'espèce.
- Psychologique : manière d'être du sujet vis à vis de son propre sexe et du sexe opposé.
On appelle sexuelle toute recherche de plaisir, liée ou non aux besoins fondamentaux.
On appelle génitale la recherche du plaisir liée aux seuls besoins fondamentaux.
La génitalité, c'est ce qui concerne le plaisir de l'appareil génital, c'est à dire la sexualité Adulte. Pour l'atteindre, il faut que l'Enfant ait acquis une relation d'Objet (donc non fusionnelle), et qu'il ait dépassé l'Oedipe et l'angoisse de castration. Durant l'Enfance, les pulsions pré-génitales (ou partielles), à savoir orales, anales et phalliques, seront successivement la source de plaisir. Elles seront ensuite intégrées sous forme de plaisir préliminaire à la génitalité.
Excitation et inhibition
L'excitation part du désir : elle est transmise par une sensation corporelle correspondant à l'éveil de la zone érogène. Chez l'Enfant, c'est l'inverse qui se passe puisqu'il y a d'abord éveil de la zone érogène, entraînant le désir. Il y a toujours une tension entre l'éveil de la zone érogène et la satisfaction: c'est au moment de cette tension qu'a lieu l'inhibition, censure intérieure. La force de l'inhibition est proportionnelle à la force du désir. L'être humain connaît sa plus forte inhibition durant le désir d'inceste. Quand l'Enfant aura intégré le tabou de l'inceste, le Surmoi fera fonction de système inhibiteur.
Séduction / Défense du Moi : c'est la seule conduite où les individus outrepassent les frontières d'un territoire: la phase préparatoire, ou processus de cour. Durant ce processus, il va y avoir tentative de vaincre les résistances du partenaire désiré, en même temps que de lever ses propres défenses. Chaque fois qu'il y a tentative de séduction, l'équilibre du Moi est menacé. Une fois le couple constitué, cette menace d'intrusion continue à exister. Les formes d'inhibition peuvent être culturelles.
Signaux sexuels de renforcement : spécificité du regard, sourire, bijoux, vêtements, démarche, parfums, langage, humour (levant les barrières), cadeaux (en tant que dettes)... Est important tout ce qui peut maintenir le contact.
Signaux sexuels inhibiteurs : ignorance, moquerie, "Non", agressivité, évitement, excuses... En fait tout ce qui rompt le contact.
Mésententes sexuelles
MASTERS et JOHNSON : ce sont deux sexologues américains qui travaillent en couple thérapeutique, sur des théories comportementalistes. Ils repèrent d'abord le symptôme car pour eux c'est un signal d'inadaptation. La thérapie est dans l'apprentissage d'un comportement plus satisfaisant. Les raisons ou causes du symptôme ne sont pas intéressantes en soi. Pour MASTERS et JOHNSON, il n'existe pas de problème sexuel dans un couple qui ne concerne pas chacun des partenaires. Ils placent le couple dans une situation d'échange. Forts de cette pensée, ils fonctionnent eux-mêmes en couple. La thérapie se fait donc avec 4 personnes. Le premier entretien, préliminaire, est très important: ils replacent la sexualité dans son contexte physiologique. Ils évitent de représenter l'acte sexuel comme un but à atteindre, car cela ne remettrait le patient que dans un contexte d'angoisse. Puis ils restituent à la sexualité le ressenti sensoriel. L'anamnèse (histoire de la maladie) est demandée dès ce premier entretien. Ils se renseignent aussi sur le niveau d'éducation du patient, ses convictions religieuses et morales, ses premiers jeux et expériences sexuelles. Ils demandent alors: "est-ce ainsi que vous imaginiez les choses?". Ils se sont aperçus que parmi toutes les fonctions vitales, la fonction sexuelle est la plus inhibée et la plus transgressée (notons qu'une personne dépressive peut reporter entre autres sur la sexualité ses divers problèmes: le soin portera alors sur la dépression).
Motifs de consultation chez l'homme :
L'éjaculation précoce. Définition : "est éjaculateur précoce tout homme qui, dans 50% de ses rapports, se retire avant d'avoir satisfait sa compagne". C'est souvent un mécanisme d'évitement. Dans de tels couples la femme a elle même généralement des problèmes. Ce sont des femmes dites "castratrices", ou bien des femmes qui considèrent la sexualité comme un devoir conjugal (leur narcissisme d'intérieur est plus important que leur épanouissement sexuel). Le traitement abordera 2 aspects: un aspect technique comportemental qui apprend à l'homme à retarder son éjaculation, avec concentration sur les sensations, relaxation globale etc... et un aspect relationnel qui incitera l'homme à être non plus spectateur de son échec mais spectateur de la jouissance de sa femme. Ils restaurent la communication dans le couple, car bien souvent ce sont les conséquences plus que l'éjaculation précoce qui perturbent la partenaire.
L'absence d'éjaculation. Il y a érection sans éjaculation (ne pas confondre avec l'impuissance). Anamnèse: influence d'une Mère abusive, importance de la religion, manque d'intérêt pour la partenaire, phobie d'avoir un Enfant...
L'impuissance. C'est l'absence totale d'érection. On parle d'impuissance primaire quand il n'y a jamais eu de rapports satisfaisants. C'est alors un phénomène typique de blocage dû à la religion, à la morale, à une Mère trop abusive, ou encore à des phénomènes d'homosexualité non assumée. On parlera d'impuissance secondaire s'il y a eu des rapports satisfaisants. On considère comme impuissant secondaire l'homme qui échoue dans 25% de ses tentatives. Avant que ne commence la thérapie a lieu une recherche physique et hormonale. Ensuite, on tente d'éviter que l'homme ne se cristallise sur ce problème. Il y aura alors restauration de la communication, redécouverte des stimuli érotiques. Très souvent, c'est dû à une infériorité par rapport à la femme. Les progrès sont très lents mais la réussite est définitive.
Motifs de consultation chez la femme :
La frigidité (ou dysorgasmie) : il faut distinguer les troubles du désir, ceux du plaisir et enfin ceux de l'orgasme. Il y a frigidité quand il y a trouble dans ces trois domaines. L'absence de désir peut être vis à vis de la sexualité, vis à vis des hommes ou vis à vis de cet homme-là. Dans la frigidité, il y a 10% des cas où l'orgasme, même auto érotique, est absent: il s'agira alors très souvent de patientes hystériques. Il faut aussi déterminer la nature de la demande: est-ce pour guérir une souffrance psychique, pour se conformer à une norme sociale, ou encore la peur d'un divorce? Il faut connaître aussi le rôle du partenaire dans cette frigidité, car il se peut qu'il provoque des phénomènes de sabotage de la thérapie. Le travail se fera par une information sur la vie sexuelle et le corps féminin. Verbalisation des sensations. Au niveau du couple il y a souvent un conflit de pouvoir. Il convient alors de définir pourquoi ce conflit se révèle dans la sexualité. Il y a tout un travail de déculpabilisation à effectuer, avec une reconstruction de l'image du corps.
L'apareunie (ou vaginisme) : c'est une contracture réflexe involontaire et douloureuse des muscles constricteurs de la vulve, rendant impossible toute intromission. C'est l'exemple parfait d'un trouble psychosomatique, et en l'occurrence la traduction d'un fantasme de viol sado masochiste. Il y a une phobie de la pénétration avec l'impression d'être déformée par le sexe masculin. La sexualité est vécue très agressivement. Néanmoins, la libido est intacte; c'est donc un trouble de l'agressivité. Il y a souvent rationalisation de la douleur en croyant le vagin trop étroit. Anamnèse: conformisme religieux, éducation très spécifique et maternelle, avec des discours sur les mauvais hommes. Dans 50% des cas les maris sont eux aussi perturbés (éjaculateur précoce, problèmes sexuels divers). Les maris peuvent aussi être énergiques et virils, vivant la sexualité comme un champ de bataille. Il y a aussi des couples qui ont établi une relation d'ordre fraternel.
La dyspareunie : ce sont des douleurs sans contractures vaginales, pouvant apparaître jusqu'à deux jours après le rapport. C'est un trouble de la sensation. La douleur est telle qu'elle peut empêcher tout rapport sexuel. Ce sont en général des femmes mal traitées, mal aimées. C'est leur façon de dire leur hostilité. C'est aussi un moyen de pression sur le mari. Se rencontre chez des couples obsessionnels, chez les femmes ménopausées... Le traitement nécessite une psychanalyse plus une éducation sensorielle.
Perversions sexuelles
Définition : la perversion sexuelle fut d'abord un pêché religieux. Puis la loi l'a punie et la sanctionne encore. Actuellement, la psychanalyse en a fait une maladie. "L'Enfant est un pervers polymorphe" S. Freud. C'est à dire que l'Enfant explore ces formes de sexualité partielles auxquelles se fixera l'adulte pervers. La perversion est une conduite qui dévie la pulsion sexuelle soit de son Objet naturel, soit de son but naturel. Il y a perversion quand il y a orientation permanente et exclusive.
Différence entre perversion et perversité :
- Perversion: se dit d'une aberration sexuelle permanente.
- Perversité: conduite occasionnelle et épisodique chez des sujets dits "normaux" (dans la norme).
On parle aussi de perversion sociale dans les cas de délinquance, d'agression de groupe, de proxénétisme, de boulimie... N'est pathologique que la conduite devenue inévitable pour l'individu.
Mécanismes psychiques : tout commence au moment de la découverte des sexes. Chez des personnes, cette découverte est interprétée comme une castration de la Mère qui renvoie à une angoisse fixée, insurmontable. Face à cette angoisse, le pervers élabore un déni de la différence des sexes, et ne renonce à aucun prix à la puissance imaginaire du Phallus. Mais ce déni n'est pas total: une partie de son Moi nie la différence des sexes tandis que l'autre la reconnaît et élabore des conduites appropriées pour lutter contre la castration. C'est ce qu'on appelle le clivage du Moi (savoir et croyance cohabitent). Pour lui, il y a ceux qui ont quelque chose et ceux qui ne l'ont pas. S'exhiber par exemple, est un triomphe sur la castration. Structurellement, il y a autant de pervers hommes que de pervers femmes, mais dans les faits, on retrouvera moins de femmes car celles-ci ont une défense naturelle, l'Enfant.
Résumé : il y a 3 mécanismes importants, l'angoisse de castration, le déni de la différence des sexes et le clivage du Moi.
L'angoisse de castration va entraîner une régression vers des fixations antérieures, et une libération des pulsions partielles. Là où d'autres surmontent l'Oedipe, le futur pervers ne peut le passer et recule à un stade antérieur plus revalorisant. Cela peut être dû à un Père trop castrateur. Il y a investissement des Objets partiels (boudin fécal, pénis...) et affectivité relative à cette époque (auto-érotisme, ambivalence, agressivité...).
Facteurs de cette fixation : ils peuvent d'abord être constitutionnels. Il peut aussi y avoir une expérience infantile de séduction active correspondant aux fantasmes de séduction, scène primitive... Il peut enfin s'être passé une identification floue, peu définie et non Oedipienne. Le pervers aura souvent une identification à la Mère Phallique.
Économie : dans les perversions, les pulsions partielles se satisfont directement dans la réalité, alors qu'à contrario, la névrose mettra en place des mécanismes de défense contre ces mêmes pulsions partielles.
Le Surmoi du pervers est resté au stade pré-Oedipien, c'est à dire qu'il retient le sujet au niveau des interdits du stade anal ou oral mais n'a pas de loi de type social. Car les lois sociales naissent de la confrontation Oedipienne.
Le Surmoi du névrosé est par contre plus tyrannique, plus culpabilisant. Le névrosé fantasme là où le pervers agit.
Classification : on distingue deux catégories;
Quant au choix du partenaire (pédophilie, autoérotisme, zoophilie, nécrophilie, gérontophilie...).
Quant au but (exhibitionnisme, sadisme, voyeurisme, masochisme, fétichisme, viol, froturisme...).
En exemple, le cas du fétichisme : dans toute relation amoureuse, il y a une part de fétichisme. La perversion se caractérise par le fait que le fétiche est la condition absolue du plaisir et souvent lui suffit. Il n'y a pas d'intérêt pour la relation amoureuse. Ce peut être une partie du corps (cheveux, pied, poils...) ou un objet inanimé qui touche le corps (sous vêtement, ceinture, gant, traces de rouge à lèvre), objets qui peuvent cacher le pénis ou son substitut, ou encore un caractère spécifique exigé chez la personne.
Le fétiche a la valeur de substitut imaginaire du pénis de la Mère. Il a pour fonction de cacher et d'annuler le Manque de la femme. Il a aussi pour fonction de se protéger contre la mesure de castration. En effet, ce fétiche n'est pas reconnu par les autres, et ne pourra donc lui être volé. Le fétiche est souvent conquis agressivement, car la notion de danger est en soi importante. Le fait de voler revient à faire subir la castration aux autres. L'odeur est importante dans la mesure où elle servait à maintenir la relation Mère/Enfant. Les objets fétiches représentent autant de parties de la Mère. Le fétichisme résulte d'une identification à la Mère Phallique. Aussi la séparation d'avec la Mère est plus redoutée que la castration du Père.
Chez la femme, il y a peu de conduites fétichistes. Elles peuvent néanmoins quelquefois se traduire dans le port de bijoux, de vêtements: c'est une conduite qui se rapproche du fétichisme ("Quand je sors sans mes bijoux, je me sens toute nue"). Le cas se trouve aussi chez les Mères de psychotiques pour qui l'Enfant est un fétiche manipulable.
Le fétiche peut n'être qu'un support de la génitalité, il peut supplanter le partenaire ou même le remplacer totalement. Le fétichisme est une conduite défensive contre une homosexualité non assumée.
Lorsque le Moi s'efforce d'échapper à la réalité (Sigmund Freud)
-" Gardons-nous de penser que le fétichisme constitue un cas exceptionnel de clivage du Moi, non, mais il nous offre une excellente occasion d'étudier ce phénomène. Revenons au fait que le Moi infantile, sous l'emprise du monde réel, se débarrasse par le procédé du refoulement des exigences pulsionnelles réprouvées. Ajoutons maintenant que le Moi, durant la même période de vie, se voit souvent obligé de lutter contre certaines prétentions du monde extérieur ressenties comme pénibles et se sert, en pareille occasion, du procédé du déni pour supprimer les perceptions qui lui révèlent ces exigences. De semblables dénis se produisent fréquemment, et pas uniquement chez les fétichistes. Partout où nous sommes en mesure de les étudier, ils apparaissent comme des demi mesures, comme des tentatives imparfaites pour détacher le Moi de la réalité. Le rejet est toujours doublé d'une acceptation; deux attitudes opposées, indépendantes l'une de l'autre, s'instaurent, ce qui aboutit à un clivage du Moi. Ici encore l'issue doit dépendre de celle des deux qui disposera de la plus grande intensité.
Le clivage du Moi, tel que nous venons de le décrire, n'est ni aussi nouveau, ni aussi étrange qu'il pourrait d'abord paraître. Le fait qu'une personne puisse adopter, par rapport à un comportement donné, deux attitudes psychiques différentes, opposées, et indépendantes l'une de l'autre, est justement un caractère général des névroses, mais il convient de dire qu'en pareil cas l'une des attitudes est le fait du Moi tandis que l'attitude opposée, celle qui est refoulée, émane du ça. La différence entre les deux cas est essentiellement d'ordre topique ou structural et il n'est pas toujours facile de décider à laquelle des deux éventualités on a affaire dans chaque cas particulier. Toutefois, elles ont un caractère commun important: en effet, que le Moi, pour se défendre d'un danger, dénie une partie du monde extérieur ou qu'il veuille repousser une exigence pulsionnelle de l'intérieur, sa réussite, en dépit de tous ses efforts défensifs, n'est jamais totale, absolue. Deux attitudes contradictoires se manifestent toujours, et toutes deux, aussi bien la plus faible, celle qui a subi l'échec, que l'autre aboutissent à des conséquences psychiques. Ajoutons encore que nos perceptions conscientes ne nous permettent de connaître qu'une bien faible partie de tous ces processus."-
Ce qu'il faut retenir :
Notion de clivage du Moi. Une partie est acceptée, une autre est déniée (rejetée). La plus grande intensité s'imposera: en cas de refoulement, l'intensité du Surmoi agit, en cas de perversion, c'est le ça qui l'emporte sur le Surmoi.
Notion de refoulement. Mécanisme de défense du Moi, avec attrait + censure.
Exigences pulsionnelles. Ce sont les pulsions infantiles (affect et représentation).
Déni. Permet de ne pas reconnaître les exigences de la réalité. C'est une défense psychotique. Mais si dans la psychose le déni est parfait, dans le fétichisme, il n'est pas parfait. On peut donc parler ici d'une demi-mesure, ou de tentative imparfaite.
Relation Objectale. Dans le cas du fétichisme, l'Objet n'est pas pris dans son tout. Une partie est privilégiée.
Monde extérieur et réalité. Le monde extérieur influence le Surmoi, et agit sur le Moi. Son action se combine alors avec celle du Surmoi.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Retranscription de l'intervention de Mr Jean Luc Graber, mars 1983, dans "Recherches et Promotions". Reproduit sur "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LA FORCLUSION DU NOM DU PÈRE
Introduction
Le concept de la "forclusion du Nom du Père" a été élaboré par Jacques Lacan dans les années 1955 - 1956 - 1957. Ce concept est resté, avec celui du "stade du miroir", un passage obligatoire à la compréhension de l'œuvre de Lacan.
Lacan a parlé de la forclusion dans un texte qui s'appelle : "d'une question préliminaire à toute réponse possible au traitement de la psychose".
De ce fait, il introduit donc cette question comme préalable d'une autre question : est-ce que l'on peut soigner la psychose?
Et cette deuxième question, elle, reste en suspens, car y a-t-il une cure possible, pour le psychotique? Nous laisserons donc pour l'instant cette question avec des points de suspension.
En aucune manière nous ne prétendrons avoir fait le tour de la question de la psychose, si on comprend ce que c'est que la forclusion du Nom du Père. Car quand le concept est connu et appréhendé, la grosse difficulté est de voir comment ça fonctionne dans la clinique, et en particulier dans la psychose de l'enfant.
Lacan a élaboré la notion de forclusion à partir de cas d'adultes, notamment à partir du "cas Schreber" ("Cinq psychanalyses", S. Freud). Il s'est appuyé sur les consultations qu'il faisait à l'époque à l'hôpital Ste Anne de Paris, où on lui présentait surtout des cas psychotiques d'adultes. Il est vrai que cette forclusion s'applique assez bien, de façon cohérente dans les psychoses paranoïaques et paranoïdes.
Mais est-ce que cela peut nous aider dans les psychoses de l'enfant et en particulier dans l'autisme? C'est la critique qu'il y aurait à faire sur ce que l'on sait de la forclusion. En tout cas, il ne faut surtout pas penser que la forclusion explique tout.
Pour introduire la question de la forclusion on peut donc dire que le concept essaie de rendre compte de la faille spécifique que l'on trouve chez les psychotiques: la faille dans le système symbolique. Comment peut-on la repérer? Bien entendu par la difficulté que le sujet a de s'exprimer. A-t-il oui ou non une parole? On sait que l'enfant psychotique a toujours une altération de la parole. Et même s'il est dans le langage, il n'a pas forcément la parole. Il peut très bien être écholalique, c'est-à-dire parler en écho. Il est alors dans le langage parce qu'il utilise des mots, mais ces mots en question ne sont pas les siens. Il reprend les mots de l'autre. L'autre, avec un grand ou un petit "a". Et c'est l'autre double, l'autre spéculaire, qu'il imite et dont il reprend les mots. Ou alors, le psychotique invente des mots qui sont hors langage. Bref, il y a donc toujours une faille, d'une manière ou d'une autre, qui se traduit par un défaut de langage. Mutisme, écholalie, mais également déraillement schizophrénique de la symbolisation: lorsque le sujet schizophrénique se met à parler dans une sorte de "décalage", de séparation entre ce qui est du signifiant et du signifié, il se met alors à aligner les mots les uns à la suite des autres, sans que l'interlocuteur puisse comprendre, sans que cela renvoie à un signifié, ou à une signification pour l'autre. Il y a coupure entre signifiant et signifié, et les deux fonctionnent pour leur propre compte.
D'autres symptômes, proprement psychotiques, introduisent également cette faille dans le système symbolique chez l'enfant et l'adulte: les hallucinations, le fait d'entendre des voix, le fait d'avoir des idées qui s'imposent à soi et qui traduisent en fait que, ce que le sujet ne peut garder en lui, revient du dehors, sous la forme d'une hallucination.
Explication du concept
On va procéder par étapes pour essayer de mieux comprendre. Ces étapes correspondent d'ailleurs plus ou moins aux étapes par lesquelles Lacan a amené le concept.
Qu'est-ce que c'est que la forclusion ?
Etape 1 : quelle est la distinction entre forclusion et refoulement ? La forclusion est un mécanisme de défense dans un processus psychotique, et le refoulement un mécanisme de défense dans un processus névrotique.
Etape 2 : qu'est-ce qui est forclos ? Il apparaîtra que c'est un signifiant.
Etape 3 : quel est le signifiant qui est forclos ? C'est le signifiant du Nom du Père.
Etape 4 : quel est ce signifiant du Nom du Père ? C'est le fait que Lacan introduise la métaphore du Nom du Père, ce qui est une autre formulation dans la logique de ce qu'il avait dit précédemment sur la forclusion.
Etape 5 : quelles sont les conséquences de la forclusion ? Ici on retombera de nouveau dans quelque chose de bien connu: la relation de la Mère à l'Enfant psychotique. Lorsque le Nom du Père est forclos, qu'est-ce que cela a comme conséquence dans la relation de la Mère à l'Enfant? On parlera de la jouissance de la Mère - ou du Père, par rapport à l'Enfant psychotique.
Cette graduation est une progression logique, qui correspond à peu près à celle que Lacan a élaborée dans les années 1956 - 57 - 58. On y voit en quoi la forclusion se distingue du refoulement.
Le refoulement
Le refoulement est une chose qui parle à chacun. On pourrait dire que c'est le fait qu'il y ait un retour du refoulé, qui vienne trahir quelque chose du sujet parlant. Par exemple, lorsque je fais un lapsus, quelque chose vient se mettre en travers de ce que j'énonce. Le lapsus que je fais vient dire autre chose que ce que je dis. Donc même dans le lapsus, je saurai que c'est moi qui parle, que c'est moi qui énonce, que c'est moi le sujet de l'énonciation du lapsus que je fais. C'est à dire que, dans le cas du retour du refoulé, et donc du refoulement, quelque chose du dedans revient du dedans. ça parle en moi. Et ça parle aux autres, dans la mesure où si je dis un lapsus, les autres s'en rendent compte, parce que ça leur parlera également, à eux. Le refoulement, c'est en quelque sorte quelque chose de l'histoire qui est intégré par le sujet et sur lequel a été porté un jugement d'existence, à un moment donné de l'histoire, et qui est inscrit dans le sujet comme signifiant. Ce signifiant, qui est donc refoulé, est susceptible de faire retour à tout bout de champ. Que ce soit par le lapsus, par les rêves, ou par quelque chose se trouvant dans le symptôme névrotique.
Donc le refoulement implique qu'il y ait déjà une élaboration minimum, même si elle a été oubliée, et qui est toujours susceptible de revenir: elle revient du dedans.
La forclusion
Pour la forclusion, justement, c'est différent.
Et c'est différent, puisque dans la psychose, si le sujet a une hallucination, par exemple s'il entend des voix (ou s'il voit quelque chose), il sera persuadé que ça vient du dehors, et non pas d'en lui, de quelque part en lui où ça parle. Ce ne sera donc pas, pour le psychotique, lui qui se parle, mais l'Autre qui lui parle. De ce fait, dans le cas de la forclusion, ce qui vient en fait du dedans pourra provenir du dehors et non pas du dedans, c'est à dire que c'est le patient qui a l'impression que ça vient du dehors.
Lacan dit : "ce qui n'est pas symbolisé, donc ce qui n'a pas d'inscription au niveau du système psychique, fait retour au sujet par l'extérieur, par le dehors et dans le réel".
Réel qui n'est pas la réalité quotidienne ou banale que nous pouvons partager mais celui qui, d'une part, a un rapport avec le corps et d'autre part, ce qui est, pour le sujet délirant, sa réalité, sa réalité psychique.
Donc si le refoulement est quelque chose qui est inscrit et oublié, et qui, à certains moments, fait retour, la forclusion par contre, n'est pas inscrite et se signale, parce qu'elle n'est pas inscrite, par un vide, un trou, dans le système symbolique.
D'après une image empruntée à Serge Leclaire, on peut comparer l'expérience constituée à un tissu. Ce tissu est composé d'une trame qui permet au tissu de tenir. Dans le cas du refoulement, il y aurait une déchirure, une sorte d'accroc dans cette trame, qui est toujours susceptible d'être reprisée. Par contre dans le cas de la forclusion, il y aurait un défaut dans la trame même, comme si les fils, au moment de la confection, ne se seraient pas mis en place. Le trou qui en résulte ne peut pas, cette fois, être reprisé, puisqu'il n'y a pas de prise à la reprise. Alors pour combler ce trou il faudrait mettre une autre pièce d'étoffe, ce qui n'empêche pas le trou en lui-même d'exister.
La forclusion est donc un trou, un vide. Il va aspirer toute une série de signifiants, à la place du signifiant qui manque.
Pour déterminer la forclusion par rapport au refoulement, il serait intéressant d'expliquer comment la recherche de Lacan a trouvé son point d'appui sur les observations de Freud.
Freud a été préoccupé d'abord par la névrose. Il s'est néanmoins occupé de la psychose et de la question de savoir s'il y avait un mécanisme spécifique de la psychose. On pourrait dire qu'il n'y a pas réussi. Pourtant il n'a pas été loin de réussir, car si on prend certains textes, on pourrait penser qu'il y a des phrases de Freud qui pourraient également être de Lacan. Notamment ce que Freud disait à propos de "l'homme aux loups" ("5 psychanalyses"), où il disait à peu près dans les mêmes mots que ce qui est du dedans, revient du dehors. Le terme qu'il utilisait était "verwerfen" = verwerfung, que Lacan, après une longue hésitation, a traduit par "forclusion". Il lui a fallu toute une année de séminaire pour être en mesure de traduire ce terme. Lacan a d'abord traduit le terme par "rejet". Le mot "verwerfen" voulant dire "avorter", pour l'animal. Le terme "forclusion" de Lacan est un vieux terme français, qui signifie "clore dehors", ou "fermer dehors". De For = Foris = ce qui est mis à part, de côté; et de Clore = fermer.
On retrouve donc là la notion de quelque chose qui n'existe pas dedans, qui est à l'extérieur et qui fait retour.
Mais revenons à l'homme aux loups, qui fait partie des "5 psychanalyses" de Freud. Elle a été faite pendant un certain nombre d'années et est devenue un monument de la psychanalyse. Pour remercier l'homme aux loups des services qu'il a rendus à la cause psychanalytique, l'association psychanalytique internationale lui a versé une certaine somme d'argent jusqu'à la fin de ses jours.
Cet homme, dont l'histoire est d'ailleurs bien triste, puisque tout tournait autour des grandes difficultés qu'il avait avec les autres et notamment avec les femmes, avait une inhibition sexuelle, une tendance à un certain type de rapports sexuels prévalent, de type anal. Cela le gênait un peu, mais à la suite d'une blennorragie son cas s'est aggravé. Freud, qui a été amené à l'analyser, s'est aperçu assez rapidement que ce patient avait, au sein de son histoire infantile, une organisation de névrose obsessionnelle grave, à travers un rêve que l'homme aux loups avait fait quand il avait 4 ou 5 ans, qui était un rêve représentant des loups, assis, immobiles sur un arbre et qui le regardaient fixement, lui-même se trouvant dans sa chambre et regardant à travers la fenêtre.
Freud, par toute une série de déductions à partir de ce que le patient lui apportait, en est arrivé à penser qu'en fait ce patient avait assisté à une scène sexuelle entre son Père et sa Mère, quand il avait un an et demi et qu'il avait eu un jugement de négation par rapport à ce qu'il avait vu. C'est-à-dire qu'il avait refusé l'existence de cet évènement et qu'en suite, l'évènement en question est réapparu dans le rêve, de manière déformée, condensée, déplacée -selon le travail habituel des rêves- sous cette forme-là.
Freud dit à un moment que la difficulté du patient par rapport à la différence des sexes trouvait son origine dans cette scène "primitive" (dont le terme est impropre car il s'agit d'une scène sexuelle) dont il avait été témoin et qui l'avait marqué dans son organisation libidinale. Il dit aussi que face au problème de la castration, le patient rejeta la castration. Il la rejeta au sens d'un refoulement, au sens où il ne voulait rien en savoir. Les choses se passaient comme si la castration n'existait pas. Puis plus tard il reconnaît la castration comme fait réel. "Deux courants existaient en lui, côte à côte, l'un abominait la castration, l'autre étant tout prêt à l'accepter. Mais sans doute, un courant plus ancien, plus profond, ayant tout simplement rejeté la castration, demeurait incapable d'être réactivé".
Ce troisième courant, qui ne correspond ni à une dénégation, ni à un déni, ni à un refoulement, est justement ce qui est rejeté, et c'est cela la forclusion.
De plus, ce patient avait eu à l'âge de 4 ou 5 ans, une hallucination (qu'il ne rapporta que beaucoup plus tard à Freud): il se trouvait dans un jardin public où il était en train de tailler un morceau de bois avec son canif et d'un seul coup il s'est rendu compte qu'il s'était coupé le doigt. Son doigt ne tenait plus que par un mince lambeau de peau. Il était horrifié, a fermé les yeux, a eu un malaise. Et quand il est revenu à lui il s'est rendu compte que son doigt était tout à fait normal, qu'il n'avait rien. C'était une hallucination. Quelque chose était revenu dans le réel. Pour lui, ça avait été réel que son doigt était coupé, et ce réel correspondait à ce qui avait été forclos.
La réalité de la castration, c'est à dire ce troisième courant, plus ancien, n'avait donc pas été acceptée, avait été forclose et revenait dans le réel. Le fait avait été réel pour lui.
Mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Il a fait une analyse avec Freud, un certain nombre de choses se sont éclairées pour lui, mais 16 ans après sa cure il a de nouveau un épisode psychotique: un beau jour ce patient a eu la certitude que son nez était mutilé, qu'il n'avait plus de nez, que son nez était troué. Le nez devient alors l'unique objet de ses préoccupations. Il passe son temps à sortir un miroir de sa poche, à se regarder le nez dans la glace. Il a la conviction d'avoir été transformé au niveau physique et pense qu'il est en train de se transformer en femme.
Comment ce fantasme s'est-il produit ? On constate qu'il avait au départ, un bouton d'acné sur le nez, et qu'il avait consulté un médecin, qui lui, était très inquiet. Alors il est allé voir un deuxième médecin, qui lui a dit que c'était une glande qui s'était infectée, que c'était grave et qu'il ne pourrait jamais s'en débarrasser totalement. Il va donc voir un troisième médecin, dermatologue. Celui-ci presse le bouton en question et le patient éprouve à ce moment là une jouissance -dit-il-, à la vue du pus et du sang qui coulent. C'est à ce moment là qu'il a l'impression d'être transformé en femme et il va avoir, à partir de ce moment, l'impression délirante que son nez est amputé, c'est à dire qu'il n'a plus de nez, qu'il a le nez troué.
Ce qui veut dire que quelque chose de la castration chez ce patient n'a encore pu être symbolisé et revient dans le réel sous forme délirante.
On sait maintenant que la forclusion a un rapport avec le processus de symbolisation et que ça passe par la castration. Et si la forclusion se distingue ainsi du refoulement, si elle est donc spécifique de la psychose, qu'est-ce qui est forclos?
En première approximation, on peut dire que ce qui est forclos, rejeté, expulsé au dehors, c'est un fragment de l'histoire du patient. Fragment de l'histoire qui n'a donc pas été symbolisé à l'époque où l'évènement s'est produit. Et c'est ce fragment de l'histoire du patient qui devient traumatique parce qu'il n'a pas été symbolisé.
Une observation de S. Leclaire
A titre d'exemple, on peut se référer à une observation que rapporte Serge Leclaire. C'est l'histoire d'un homme forçant un peu sur la bouteille et qui, un soir, rentre chez lui en faisant beaucoup de bruit, du tapage nocturne. Et bien entendu, des agents de police sont arrivés. Autrefois on appelait ceux-ci des "hirondelles". Les agents en question amènent donc énergiquement le monsieur au poste de police, où il passe la nuit. Le lendemain matin, quand il a cuvé son vin, il n'aura gardé aucun souvenir de cet épisode, tellement il avait été perdu dans les brumes de l'alcool.
Les choses en sont restées là et il continua ses occupations. Mais là où ça devient curieux, c'est que huit mois plus tard, à l'occasion d'un meeting aérien, apparaît chez lui un délire. Et ce délire est centré sur des oiseaux.
Il se prend pour un aigle. Il construit une maison dans un arbre qui est, dit il, une maison volière, où il y avait des espèces d'oiseaux très rares. Il écoute la musique de Messian (dont on sait qu'il a beaucoup écrit de musique sur des oiseaux). Il part dans de longues migrations... Bref, il se prend pour un oiseau. Mais le point important est que dans ce délire -et là il bascule dans l'horreur- il se sent attaqué par des ...hirondelles.
Alors, que s'est-il passé ? On peut dire que cet homme, lorsqu'il était en état d'ébriété où il a été pris par des agents de police qu'on appelle des "hirondelles", a complètement forclos cet épisode de sa vie. Il n'a donc porté aucun jugement d'existence sur cet évènement-là. Ca ne veut pas dire qu'il l'a oublié, mais que cet épisode ne s'est pas inscrit en lui. Et c'est précisément parce que cet évènement avait été forclos et non pas oublié, qu'un jour revient dans le réel sous la forme hallucinatoire quelque chose de ce qui, justement, s'est passé cette nuit là et qui a effectivement existé, même si ça ne s'est pas inscrit en lui. Et ce qui revient dans son réel, c'est l'hirondelle, mais sous forme de l'oiseau hirondelle.
Donc ce qui revient ce n'est non pas la réalité oubliée, mais la réalité remaniée par lui-même et par son système symbolique. Parce que du coup, dans ce délire, ce n'est pas par les flics qu'il est persécuté, si non il ne serait pas psychotique, mais par des hirondelles en tant qu'oiseaux.
On peut dire qu'à partir du signifiant "hirondelle", il y a 2 signifiés :
l'agent de police,
l'oiseau.
Et c'est ce jeu des deux signifiés dans le symbolique, qui fait retour chez le patient sous forme hallucinatoire (et certainement extrêmement pénible).
Le signifiant "hirondelle" a été rejeté de l'ordre symbolique.
Le trou dans la trame ne permet donc pas l'élaboration d'un signifié (flic et oiseau).
Et le rejet de l'ordre symbolique donne lieu au délire dans le réel, dans une combinaison "flic-oiseau", qui est: "hirondelles qui l'attaquent".
L'observation de Leclaire nous donne quelques enseignements : ce qui est forclos, ce n'est pas uniquement l'évènement traumatique (par exemple le fait d'avoir été amené au poste de police par des agents). Ce qui est forclos est ce qui est du symbolique et ce qui a été rejeté du symbolique. Ce qui fait défaut dans la trame pour n'y être pas: le signifiant "hirondelle".
C'est donc le signifiant "hirondelle" en tant que mot (puisque c'est par le mot que le délire s'est construit autour des oiseaux) ainsi que la chose (et donc le mot mis sur la chose, puisque lien il y a) qui sont rejetés du symbolique.
Et c'est donc aussi le mot "hirondelle" qui a construit le délire autour de l'oiseau, précisément. Avec pour déclencheur le meeting aérien.
Voici maintenant une clef pour comprendre la forclusion : quand on parle, on fait constamment un travail de négation. Ainsi, par le signifiant "hirondelle", on commence par faire le lien entre les agents cyclistes aux grandes capes noires qui sillonnent les quartiers par deux avec leurs vélos, et ces petits oiseaux qui volent par paires. Mais ensuite, on fait un travail de négation, on exclut donc l'un ou l'autre des signifiés suivant le contexte dans lequel le mot est employé. Et à l'inverse, on ne peut pas dire qu'une hirondelle, c'est seulement un agent en vélo, car c'est aussi un oiseau. C'est précisément ce que le psychotique a beaucoup de mal à faire. Pour le patient de Leclaire, l'hirondelle n'était qu'oiseau et rien d'autre. Et ce "rien d'autre", est revenu dans le réel, sous forme persécutoire.
Le signifiant qui appartient à l'ordre symbolique est donc forclos et retrouvé dans le réel.
Bien sur il y a différents types de signifiants plus ou moins importants. Il existe probablement une armature "signifiant minimum" qui fait tenir un sujet debout, un signifiant de base qui lui permet de dire 'Je", d'exister comme autonome, comme séparé, comme existant avec un désir propre, ainsi qu'un tabouret avec 3, 4 ou 5 pieds. Mais un tabouret avec deux pieds seulement fait par-contre écrouler la personne, et c'est la psychose.
Le signifiant de base
Quel est donc ce signifiant qui fait tenir le sujet ?
Ce signifiant de base, qui permet de dire "Je", c'est le Nom du Père, que Lacan a trouvé dans l'Oedipe universel, où il y a une Mère et un Père. Mais un signifiant, ce n'est pas la signification, pas uniquement la signification. Un signifiant en tant que tel, ne signifie rien. Si on dit "hirondelle" à un Japonais, il ne comprendra rien. Un signifiant ne dit quelque chose que dans la mesure où il est accolé à un signifié. Mais il se trouve que le lien entre signifiant et signifié n'est jamais stable et qu'il y a souvent une dérive sur un signifiant donné, d'un signifié différent.
Si on cherche un mot dans le dictionnaire, on va être renvoyé à un autre mot, et on peut faire tout le tour du dictionnaire sans trouver le sens. Ce qui veut dire que chaque mot renvoie à un autre mot, que chaque mot donne lieu à un autre mot. Un signifiant, ça fonctionne de la même manière. Il renvoie à un signifié, mais celui-ci peut renvoyer à un autre signifié. Si donc le signifiant ne veut rien dire en soi, on peut quand même dire qu'il va créer un champ de significations. Et ce d'autant plus que ce signifiant est un "signifiant-clé", fondamental, ou, comme dit Lacan: "un point de capiton". C'est à dire un signifiant qui condense ou qui crée, qui polarise ou oriente tout un champ de significations.
Et c'est le cas du Nom du Père et son signifiant. Mais signifiant quoi ?
Signifiant du champ de significations représenté par ce signifiant-là : tout ce qui touche à la loi, au langage, au nom. Tout ce qui touche à la différence des sexes. Bref, tout ce qui fait différence et qui permet à l'enfant, à l'infans, de se sortir de la relation duelle avec la mère.
Donc Lacan, sous ce terme de "Nom du Père", trouve là une articulation signifiante tout à fait nécessaire à promouvoir le sujet, mais qui condense en elle, toute une série de significations: la loi, le nom, la généalogie, la filiation.
Psychogenèse du manque
On va abandonner la psychose pendant un temps, pour essayer de parler du petit sujet, de l'infans, de l'enfant qui ne parle pas encore, et on va voir comment il arrive à parler. Les choses vont se mettre en place notamment par la fonction maternelle, dans la relation de l'enfant et de la mère.
Pour cela, il faut faire une petite histoire naturelle du "Manque" chez l'enfant. Le manque, ça commence très tôt, dès la naissance, en raison de l'état d'immaturation dans lequel naît l'enfant. Il naît infiniment plus immature que dans n'importe quelle autre espèce d'animal, dans la mesure où il se trouve dans une étroite dépendance à l'égard de l'autre, du premier autre, qui est la mère. Et ceci pendant longtemps.
C'est une dépendance qui est vitale. Et l'enfant va essayer de vaincre la prématurité dans une relation de grande proximité avec la mère, une relation duelle, d'étreinte mutuelle.
Puis arrive le sevrage, qui est toujours à recommencer dans des alternances de vide et de pleins, dans des moments de faim et de satiété.
Ensuite l'enfant a l'impression corporelle d'être morcelé, et de ce morcellement, il va en sortir grâce à ce que Lacan a décrit comme étant le Stade du Miroir, qui n'est pas un stade génétique, un "moment" que l'on pourrait repérer à un moment donné de sa maturation dans le temps, mais un moment dans la structure. A partir de ce moment dans la structure, l'enfant arrive à trouver dans l'image du miroir une image qui vient lui donner la notion de son unité et à laquelle il s'identifie. Il éprouve alors un intense sentiment narcissique, sorte de jubilation, parce qu'alors les différentes parties de lui-même sont rassemblées, réunies. Mais alors, le "Manque" est là aussi: s'il trouve une forme qui vient soutenir son unité, il découvre que cet autre, qui le porte, et qu'auparavant il connaissait dans la mère qui le portait dans ses bras, est une image, de laquelle il est séparé. Et il se découvre donc séparé de l'autre.
Il va ressentir en ce moment-là que ce qui le représente n'est qu'une image. Que ce qu'il voit est une image sur laquelle il a intérêt à mettre un nom, s'il ne veut pas se perdre en elle. Ce nom vient fonctionner comme médiation entre lui et son image, mais ce nom est également une obligation de se reconnaître différencié de la mère, et c'est là une épreuve de castration.
Tout ce qu'il pouvait ressentir de lui n'est que représenté par cette image et ce nom. Il n'est que cela, et il s'agit d'une réduction fantastique. Réduction que l'on pourrait comparer, car c'est la même, à lorsque l'on veut parler d'une chose qui nous touche profondément et que l'on ne trouve que de pauvres mots pour dire..."Je".
Lorsque "je" veux parler de moi, "je" trouve: "J-E". C'est ridicule. Alors que, ce que je ressens de moi, ne peut pas être résumé à ce pronom, ce "Je" qui pourtant me représente. Dès que je parle, il y a une chute, il y a un manque à être représenté. Cela ouvre à ce que Lacan décrit sous le terme de "refente", qui est l'entrée du sujet dans le langage, ce qui entraîne chez lui une réduction énorme entre ce qu'il dit et ce qu'il est. Une réduction entre l'énoncé et l'énonciation.
Par le stade du miroir, l'enfant découvre ce qui le représente comme image, et non pas ce qu'il représente. Il n'est que cela. Il n'est que cette image qui lui est renvoyée sur cette surface plane, froide, et de plus inversée. C'est dur pour lui.
Si on continue l'histoire naturelle du manque, on arrive à l'Oedipe. L'Oedipe implique aussi une renonciation, du fait de l'imposition de la loi qui porte l'interdit du corps de la mère. Cette renonciation est difficile. Pour l'enfant, elle va être génératrice d'une organisation, dans la mesure où il accepte son propre corps, son identité, comme sexuée. Et c'est cela qui lui permettra à son tour, plus tard, d'être père ou d'être mère.
Alors comment l'enfant va t'il arriver à combler les vides provenant de l'histoire naturelle du manque? Comment va t'il pouvoir combler les béances qui le traversent successivement?
Il le fait (dans l'ordre d'une construction qui a à voir avec une structure) en s'identifiant à une image, qui est l'image qui vient combler le manque de la mère. L'enfant va se poser, dans son imaginaire, comme étant lui-même ce qui comble tout manque, et donc il se préserve du manque. Il se protège de ce fait d'être anéanti dans le manque qu'il rencontre, du fait même de son existence. Être ce qui comble le manque et particulièrement ce qui manque à la mère, est ce qui le protège et qui l'aide à traverser.
Ce qui manque à la mère, c'est ce qui est appelé par Lacan "le Phallus". Le Phallus en tant que point de structure et non pas comme le pénis, l'organe sexuel, même si ça en prend la forme imaginaire (d'où le terme).
C'est donc par ses identifications à l'image phallique que l'enfant peut traverser cette première période.
Apparition du désir
Si on reprend l'image du miroir, il y a:
l'image,
et le moi.
C'est à dire que le stade du miroir est le moment où le Moi et le Je se séparent. Si le Moi arrive à se distinguer de l'image du miroir, c'est que précisément il existe un troisième pôle, sinon il y serait toujours confondu. Et ce troisième pôle, c'est le Phallus. Phallus qui est aussi la position du sujet, à distinguer du Moi, et à distinguer de l'image spéculaire du miroir.
Le phallus est ce à quoi l'enfant s'accroche pour traverser ce manque qui le marque dès le début de son existence. Il peut être également le désir du père ou de la mère vis à vis de l'enfant. Le phallus est l'objet du désir et donc, l'objet qui comble le manque.
Donc l'enfant se raccroche à l'identification au phallus, c'est à dire au désir de la mère. Il comble de ce fait le manque de la mère. Mais quand il est identifié à l'objet du désir de la mère, de la combler et de se combler en la comblant, il arrive dans un rapport où il n'y a plus de manque et donc, une satisfaction.
Pour que le désir apparaisse, il faut maintenant qu'il se rende compte que l'autre (le premier autre, la mère) ne puisse être comblé intégralement par lui. Sinon il va rester dans cette identification au phallus imaginaire. Il va falloir donc, qu'il découvre que quelque chose manque à l'autre, et donc à lui aussi, puisqu'il ne peut pas combler intégralement l'autre, et c'est une nouvelle épreuve qui se prépare.
L'important ici est non pas qu'il découvre qu'il a, ou n'a pas, un pénis, mais bien au contraire que la mère ne l'a pas. Car si elle n'a pas de pénis, elle est manquante.
Ce qui veut dire que s'il comble entièrement le désir de sa mère, il n'y a aucune raison pour qu'elle soit absente, puisqu'il est là pour la combler, et donc jamais absent non plus.
Mais l'expérience fondatrice du désir n'obéit non pas à un ordre de fait, mais à un ordre de loi. La mère est manquante, dans la mesure où elle est soumise à la loi. Et c'est cela qui est en jeu dans l'émergence de l'enfant au niveau du désir. Le fait que la mère dans son désir, ne soit pas complètement occupée par l'enfant (l'enfant phallus), ne peut se concevoir que dans la mesure où pour elle, il en existe un autre. C'est à dire que son désir est ouvert à l'autre. Et l'autre, c'est habituellement le père, sans être une nécessité absolue. L'autre, c'est l'autre de la mère.
Alors cet autre, qui occupe une partie du désir de la mère, détient pour l'enfant une place que lui pensait pouvoir tenir. A cette position imaginaire du phallus qu'il pensait tenir, il découvre qu'il y en a un autre, que le phallus est dans l'autre et donc, qu'il ne peut effectivement pas être identifié à ce phallus.
L'identification à l'image phallique est ce que Winnicott appelle "l'illusion fondatrice de l'enfant", l'illusion du couple mère-enfant, où l'enfant est dans une toute puissance par rapport à la mère. C'est une chose sûrement nécessaire pour asseoir le narcissisme.
La métaphore du Nom du Père
A la fin de son séminaire sur la psychose, Lacan en était à ce point du concept: il n'avait encore pas parlé de la métaphore paternelle. Ceci est venu deux ans après, après une rencontre avec Jakobson et un travail sur la métaphore et la métonymie. Ceci lui a permis d'asseoir par la linguistique le "Nom du Père" comme signifiant du désir de la mère, en opposition avec le phallus imaginaire.
Alors, pour introduire la castration de manière plus manifeste, il a parlé de "métaphore paternelle".
La métaphore est une formule de rhétorique, utilisée souvent en poésie, et qui consiste à remplacer un mot par un autre mot. Cet autre mot faisant tomber sous silence le premier mot, celui qui a été remplacé.
Un exemple classique de métaphore est celui tiré du poème de Victor Hugo intitulé "Booz endormi" et parlant d'un brave homme endormi, il dit: "sa gerbe n'était point avare, ni haineuse".
Le mot "gerbe" vient remplacer quelque chose qui signifie la fécondité ou la générosité. On ne sait pas ce qu'il y a dessous, mais ça ne demande qu'à sortir...
La métaphore est donc une substitution d'un terme par un autre. Lacan utilise la métaphore à propos du Nom du Père. La mère va mettre un mot sur le désir qu'elle a pour le père. Et ce mot c'est le Nom du Père.
Le Nom désigne donc cette partie que l'enfant n'a pas, qui est orientée vers un autre, qui est nommable par le désir de la mère: le Nom du Père.
Mais pour être complet, quelque chose va passer dans les oubliettes par le travail de la métaphore. Et ce qui passe dans les oubliettes, dans le refoulé, est précisément le signifiant phallique, le phallus imaginaire. Le phallus imaginaire qui, en passant dans le refoulé, prend le statut de signifiant.
La métaphore signifie donc qu'un nom vient à la place d'un désir, et la nomination ne peut se produire que s'il y a un "autre" nommable. La conséquence de la métaphore paternelle est que l'enfant va être délogé de la position qu'il occupait en s'identifiant imaginairement au phallus de la mère. Il va être soumis à la loi et renoncer à être le phallus de la mère au profit d'une autre chose: s'accepter avec son corps sexué, avec son pénis tout simple ou sans pénis mais pouvant le recevoir.
Il va passer de "être" (le phallus de la mère) à "avoir" (ou recevoir le pénis).
La castration symbolique :
il y a donc ce passage de "l'être" à "l'avoir" qui se fait progressivement, pendant les 3, 4 ou 5 premières années, mais pour lequel il existe des éléments de structure dès la naissance. Cette structure ne peut pas être superposable avec un moment du développement génétique, car elle existe dès le début.
C'est précisément ce passage d'être (le phallus) à avoir (ou recevoir le pénis) que Lacan appelle la "castration symbolique".
Autre conséquence, c'est le fait que la mère dénomme le père comme étant ce qui soutient son désir à elle, et fait apparaître le père comme porteur du phallus. Le phallus est donc dans l'autre. Le père apparaît donc en position tierce entre l'enfant et la mère, c'est à dire en position symbolique.
Plus tard, au moment où l'Oedipe classique se met en place, le père apparaît comme rival, menaçant, dangereux avec les fantasmes de castration qui y sont liés. Mais le père, en tant qu'instance interdictrice, existe dès la naissance dans la structure. Car il interdit à l'enfant l'accès à la mère et interdit à la mère de réintégrer son enfant. Il fonctionne comme instance tierce de l'un comme de l'autre. Il n'est interdicteur que dans la structure, du fait même qu'il intervient en position tierce. Et si on le dote imaginairement du phallus, c'est parce qu'il détient la loi.
Il faut ajouter que pour que l'enfant à son tour puisse s'accepter comme sexué, il est nécessaire que cet autre, qui est le père, n'apparaisse pas pour lui comme une totalité. Cela donnerait lieu à une névrose. Il faudra pour cela que le père, à son tour, puisse aussi apparaître comme étant barré, châtré, soumis à la loi, soumis à la castration.
L'enfant ne pourra trouver son identité sexuelle que si son père se reconnaît lui-même comme marqué par la castration, c'est à dire comme mortel.
Retour à la psychose
Lacan note dans l'article des "Écrits" : "c'est dans un accident dans le registre du signifiant, à savoir la forclusion du Nom du Père à la place de l'autre étant l'échec de la métaphore paternelle, que nous désignons le défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle avec la structure qui la sépare de la névrose".
Donc, le signifiant du Nom du Père n'est pas pris dans l'histoire du sujet comme signifiant. Il est "hors" (en dehors) du sujet, hors de l'armature signifiante minimum du sujet et rend l'échec d'une métaphore paternelle possible.
Pour appuyer sa thèse et lui donner son poids et sa consistance, Lacan a effectivement remarqué que la psychose apparaît justement dans certaines circonstances. Il parle certainement là des psychoses de l'adolescent ou de l'adulte. Il est moins certain qu'il parle des psychoses de l'enfant. Et Lacan dit que, pour que la psychose apparaisse, il faut précisément qu'il y ait un appel au nom du père, là où le nom du père est forclos. C'est lorsqu'un père apparaît pour le sujet qui est lui-même coincé dans une relation duelle avec quelqu'un, que la psychose apparaît. Ceci parce que l'intervention du tiers répond à ce moment-là pour le sujet à un trou, à un vide, puisqu'il n'y a pas de signifiant du Nom du Père. Lorsqu'un père intervient en position symbolique, la psychose se déclenche.
LACAN donne des exemples :
Une femme vient d'accoucher. Elle est donc dans une relation duelle avec l'enfant, une relation imaginaire. L'époux, le père, intervient et vient donc en position tierce par rapport à cette relation. Mais comme chez cette femme cela est forclos -elle est psychotique mais on ne le savait pas- c'est précisément à ce moment-là que le délire va apparaître. Elle va halluciner quelque chose qui est forclos et ça revient dans la réalité.
Autre exemple : une pénitente avoue sa faute. Et au moment où elle avoue, le confesseur devient persécuteur. Ici c'est le confesseur, l'autre, qui prend la place tierce entre la femme et son objet (la faute). Comme il est en position symbolique -ou tente de l'être- et comme chez elle ce signifiant-là n'existe pas, il est forclos, la psychose se déclenche.
Et dans l'histoire de l'homme aux loups au moment de sa rechute : le délire (le nez troué) est apparu au moment où un médecin, qui était en position de tiers entre Freud et l'homme aux loups et qui se trouvait probablement en ce moment-là dans une relation de type imaginaire, a pris une position symbolique, cela n'a pu être supportable pour le patient.
Donc, s'il y a forclusion du Nom du Père, ou échec de la métaphore paternelle, cela veut dire que le patient reste coincé dans une position d'être le phallus imaginaire de la mère. Et il y est tellement identifié que cette position devient du réel pour lui.
Dans la métaphore paternelle, le phallus passe dans le refoulé. Mais chez le psychotique, du fait de l'échec de la métaphore paternelle, le phallus comme signifiant n'est pas refoulé. Il est forclos. Mais il peut faire retour de l'extérieur, comme tout ce qui est forclos. Chez l'homme aux loups, quand il était enfant, ce qui faisait retour de l'extérieur, dans le réel, était la mutilation, l'hallucination du doigt coupé.
Forclusion du Nom du Père : conditions de survenue et conséquences.
Ce qui s'est passé du côté de la mère
La métaphore du Nom du Père, ça veut dire que pour que l'enfant renonce à être le phallus de la mère, il faut qu'elle parle, qu'elle désigne l'objet de son désir, qui est autre que l'enfant. La parole de la mère est essentielle pour permettre à l'enfant de savoir "qu'il y a de l'Autre". C'est en quelque sorte la manière dont la mère va parler du père, l'usage qu'elle va faire de la parole du père, ce en quoi elle va reconnaître le père dans sa parole vis à vis de l'enfant, qui va être déterminant. Et il ne s'agit pas là tellement de l'absence ou de la présence du père dans la réalité. Les fils de veuves ne sont pas forcément psychotiques, pourtant il n'y a pas de père, mais il est là dans la parole de la mère, surtout si elle est veuve de guerre. C'est à dire que le père mort est présent, par la place qu'il occupe dans la parole de la mère. Et c'est par ce biais-là que la métaphore peut fonctionner: c'est la substitution d'un nom à un désir.
Pour la mère, le fait qu'elle accorde une consistance et du poids à la parole du père, qu'elle le reconnaisse donc comme père, n'est pas si évident que ça. On s'est aperçu qu'il y a quelque chose de la forclusion qui fonctionne chez la mère avant la naissance de l'enfant. Ce sont souvent des mères qui donnent l'impression que quelque part dans leur fantasme, elles ont fait l'enfant toutes seules. Il y a eu un géniteur, on pourrait dire un père biologique, mais l'enfant, elles l'ont fait toutes seules. Elles ont souvent du mal à s'inscrire elles mêmes dans une généalogie, dans une filiation, et elles ont quelques difficultés par rapport à la loi. Non pas qu'elles soient hors la loi, elles sont la loi. Comme le père de Schreber décrétait ce qui était bon pour l'enfant, très souvent la mère du psychotique est la loi. Elle est identifiée à la loi, elle agit selon son caprice. Quand elle est enceinte de l'enfant qui sera plus tard psychotique, elle a du mal à imaginer cet enfant, à imaginer le corps de l'enfant. Il y a une sorte de défaut au niveau du corps imaginé par la mère, de l'enfant. Certaines disent que l'enfant qu'elles portaient, c'était comme un bout de viande. Ces femmes ont souvent de la difficulté à se sentir manquantes, c'est à dire comme ayant besoin de l'autre en ce qui concerne l'enfant. Le fantasme qu'elles ont fait l'enfant toutes seules en est déjà une indication. Mais après la naissance de l'enfant, elles attendent de l'enfant qu'il leur renvoie l'image de leur perfection, c'est à dire qu'elles sont sans défaut. Ce sont des mères parfaites. Mais ce qui pourrait venir en rupture par rapport à cela, et ce qui ne va pas être accepté par la mère, ou ce qu'elle n'acceptera qu'au prix d'un déni (c'est à dire qu'elle n'accepte alors pas l'enfant tel qu'il est, mais qu'elle continue à fusionner avec l'enfant de ses rêves, l'enfant qu'elle imagine), traduit le fait qu'il y a une difficulté pour elle à s'accepter comme manquante. Et si elle s'accepte difficilement comme manquante, il n'y a pas besoin du père, et le père lui-même aura du mal à s'inscrire entre l'enfant et la mère.
Ce qui s'est passé du côté du père
Quand Lacan parle du père, il ne s'agit pas du père réel, du père empirique, celui de l'expérience. Sinon, chaque enfant sans père serait psychotique. Ce n'est pas le père qui est manquant, c'est le père en tant que signifiant paternel. Autrement dit, c'est la manière qu'a le père d'être lui-même soumis à la loi, la manière dont il fonctionne dans sa propre paternité. Ce n'est pas du tout le père absent.
Pour reprendre l'histoire du président Schreber, une des cinq psychanalyses de FREUD, il a fait une psychose paranoïde très importante. Le père de celui-ci était un homme absolument incroyable dans la mesure où il a retiré ses enfants à la mère quand ils étaient tout petits. Ils étaient élevés par leur père, lui-même persuadé de détenir la vérité sur l'éducation des enfants. Il a d'ailleurs écrit un traité qui s'appelait "gymnastique en chambre" et qui indique comment on élève un enfant: pour bien élever un enfant il faut que celui-ci fasse telle gymnastique, à tel moment, pour qu'il y ait telle attitude corporelle...
Et ce père, dans l'ombre duquel son fils a construit son délire (c'est à dire d'être de filiation divine, par laquelle il rentrait en contact avec Dieu, impression de se transformer en femme), ce père en question n'était pas du tout manquant, ni absent. Il était trop là. Il se prenait pour le Nom du Père. Il était persuadé que lui était la loi (et Lacan a dit d'ailleurs que le père des psychotiques était celui qui fait la loi). Donc le Nom du Père, qui est forclos, survient dans une situation familiale où le père n'est pas absent, mais où le père lui-même a quelques difficultés à se situer par rapport à la loi.
Le père d'un enfant psychotique n'aura pas su ou pas pu faire entendre sa parole. Il n'aura pas eu de place entre la mère et l'enfant, et n'aura donc pas pu venir en tierce personne. Il n'existera pas dans le rapport que l'enfant établit avec l'Autre, la mère, ni dans le rapport qu'elle même établit avec l'enfant, de manière exclusive. Il est exclus au niveau symbolique, et ne vient pas remplir un manque, car il n'y a pas de manque dans cette relation fusionnelle que la mère et l'enfant entretiennent.
Conséquences :
Bref, il y a un système de circularité qui s'établit entre le père et la mère. Qui a commencé? C'est difficile à savoir bien sûr. C'est dans la structure que l'on peut repérer, longtemps après, ce qui a pu fonctionner ou ne pas fonctionner. Tout d'abord, la conséquence de la forclusion du Nom du Père, c'est que l'enfant reste lié d'une certaine manière à la mère. La mère et l'enfant vont s'enfermer l'un et l'autre dans une relation qui est faite à la fois de jouissance et d'horreur, l'un étant le double, le négatif de l'autre. C'est à dire que l'enfant, étant figé comme objet du désir de la mère, lui procure une jouissance. C'est l'enfant bouche-trou. La mère ne manque plus, puisque l'enfant bouche son propre manque. C'est l'enfant phallus, qui n'est pas reconnu comme autonome, comme séparé, comme sexué. L'enfant bouche-trou est sans sexe. La relation de l'enfant et de sa mère est une relation qui, selon le degré où en est l'enfant, peut être une relation d'objet partiel, ou de gémellarité, de double, mais même dans la relation gémellaire, où l'enfant est perçu comme double de la mère, l'enfant a du mal à exister comme séparé. Il est une sorte de re-duplication de la mère. L'enfant n'est pas vécu par la mère comme autre, alors comment pourrait-il par lui-même faire fonctionner cet autre en lui, ce point nécessaire de la structure pour exister comme sujet?
Et bien sûr, comme l'enfant est coincé comme objet de jouissance de la mère, comment pourra t'il parler? On ne parle pas à un objet. On ne parle pas à sa main, on ne parle pas à son pied. Et de même un objet ne parle pas. Car pour qu'un enfant commence à parler, il faut que le père et la mère parlent ensemble. Il faut que l'enfant découvre que la partie du désir qui est occupée par le père, c'est aussi quelqu'un qui est nommé, on l'a dit, mais c'est aussi quelqu'un qui parle. Et finalement, l'enfant non-psychotique va essayer, pour parler, pour rejoindre cette partie de la mère qui ne le concerne pas, qui est occupée par un autre, de parler comme son papa. Il va s'identifier au père parlant, pour rejoindre cette partie du désir de la mère qui est représentée, désignée par un nom. C'est comme ça que l'enfant apprend le langage. C'est la mère qui habituellement s'occupe de lui, mais le premier mot que dit l'enfant, c'est papa. C'est quand même un rude coup pour la mère. Ou alors il dit papa et maman en même temps. C'est à dire que l'enfant, le premier mot qu'il prononce, c'est précisément le nom du père, le signifiant qui vient désigner le père. Dans la mesure même où c'est cet autre de la mère qu'il essaye d'atteindre en passant par l'identification au père qui est une identification première -ce sont les termes de Freud- identification sur un mode primaire, cannibalique. Cette identification première au père, Lacan la reprend, en disant que c'est une identification au père qui permet à l'enfant de parler, de trouver la parole, le langage du père, pour atteindre la mère. C'est la mère qui est visée.
Chez l'enfant psychotique, l'absence de langage, c'est aussi une absence de demande. Un psychotique a beaucoup de mal à demander et ça se comprend. Il ne peut pas demander parce que demander c'est se reconnaître manquant, ça veut dire que quand on demande quelque chose à quelqu'un c'est qu'on n'a pas cette chose, et que l'on reconnaît que l'autre peut l'avoir.
L'enfant psychotique a un statut d'objet de jouissance de la mère. Il a du mal à percevoir son corps comme contenant. Son corps est un contenu. Pour qu'il y ait un contenant il faut qu'il y ait accès à l'identité spéculaire, qu'il y ait une image qui vienne le faire buter. Il faut que l'enfant ait la représentation d'une enveloppe corporelle. L'enfant psychotique, l'enfant autiste, est dans la répétition de cette question-là. Il pourra jouer inlassablement avec de l'eau, à vider, à remplir des contenus, année après année.
Alors si un enfant est psychotique, est-ce que ça veut dire que la mère est psychotique?
C'est possible, mais ce n'est pas obligatoire. Ce n'est pas la condition nécessaire. La mère aura de toute façon des difficultés avec l'autre, et ce n'est pas par hasard si elle s'enferme avec l'enfant dans une relation de type fusionnel. Ce n'est pas par hasard non plus s'il n'y a pas reconnaissance de la parole du père. Mais peut-on dire pour autant qu'elle est psychotique? Peut-être au niveau de la structure, mais pas forcément au niveau des symptômes. Il y a des analystes qui ont dit que, partant du fait que l'enfant psychotique est objet de jouissance de la mère (ou du père), la psychose est la fille de la perversion. C'est à dire qu'il y a plus que de la psychose, il y a de la perversion chez les parents...
Nous abordons ici une notion délicate, puisqu'il s'agit d'éviter de distribuer de mauvais points, de culpabiliser les parents. C'est en effet très commode d'avoir en soi des images de parents psychotiques, mais dans la réalité ce n'est pas tout à fait pareil, c'est même à chaque fois différent. C'est différent parce que, quand on rencontre les parents de ces enfants, ce sont des parents qui ont vécu 5 ans, 8 ans, 10 ans ou 12 ans avec des enfants extrêmement difficiles, des enfants tout à fait déstructurants. Si on constate effectivement que la relation est pervertie entre les parents et l'enfant psychotique, on ne sait pas si c'est ça qui est à l'origine de la psychose, ou si c'est la conséquence d'une relation extrêmement difficile au psychotique, qui est un enfant qui refuse, dans la mesure où il n'a pas d'Autre en lui, il refuse l'altérité de l'autre. C'est un enfant insupportable au niveau narcissique pour les parents, qui se défendent comme ils peuvent, avec les mécanismes de déni, de clivage, et des sources de satisfaction qu'on appelle perverses. Mais pervers ça a quand même une connotation morale désagréable, qui ne doit pas faire oublier que ce sont des parents qui souffrent et qui ont sûrement à être aidés au sens de les aider à comprendre ce qu'il se passe dans leur propre structure psychique.
Y a t'il une réversibilité de la psychose ?
Chez le psychotique, s'il n'y a pas d'Autre, il n'y a pas de sujet, il n'y a pas de structure, est-ce que ça veut dire que c'est irréversible? C'est une question qui est bien difficile. C'est vrai que Lacan, dans ses séminaires sur la psychose, ne tranche pas. Il maintient un peu le suspens jusqu'à la fin et puis il ne tranche pas. Mais il dit quand même des choses, par exemple que le signifiant c'est un système de tout ou rien. Il y a, ou il n'y a pas de signifiant. Si il n'y a pas de signifiant du Nom du Père, il ne peut pas y en avoir un petit peu, et c'est donc irréversible. Cela, il le dit au nom d'une logique de la structure. Dans la clinique, ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a des réversibilités de la psychose. Il y a des enfants qui sont en psychothérapie et qui sortent de la psychose. Il y a des bouffées psychotiques chez l'adolescent qui guérissent. Au niveau de la structure doit persister quelque chose de la forclusion du Nom du Père qui risque de faire appel comme un vide aspirant. C'est à l'occasion d'une rencontre avec un tiers, avec quelqu'un qui viendrait en position tierce, qu'à nouveau une métaphore délirante peut se mettre en place. Mais il y a quand même des guérisons. Par exemple des enfants psychotiques qui se mettent à parler, qui se mettent à dire "Je", et "Je veux", qui commencent à avoir du désir. Il y a la négation, il y a le désir, il y a la reconnaissance de l'autre comme différent, il restera peut être avec des traits de mégalomanie, des idées et des fantasmes de filiation particulières mais il y a quand même du sujet qui va apparaître.
Alors Lacan s'en sort en disant qu'il peut y avoir des compensations néo-paternelles, c'est à dire des ersatz de père. Mais il y a quand même des disfonctionnements, qui sont effectivement des néo-formations, c'est à dire que ça ne fonctionne pas tout à fait comme signifiant du Nom du Père dans le rapport à la mère. Car c'est toujours en rapport à la mère que le nom du père fonctionne comme signifiant.
Retranscription de l'intervention de Mr Jean Luc Graber
en mars 1983, dans "Recherches et Promotions".
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
LES MÉCANISMES DE DÉFENSE
Définition
Ce sont des processus de défense élaborés par le Moi sous la pression du Surmoi et de la réalité extérieure. Ces mécanismes psychiques permettent de lutter contre l'angoisse. Ils préservent le Moi et le protègent aussi des exigences pulsionnelles du ça. Mais ce dont le Moi se protège en priorité, c'est de l'angoisse.
Par exemple, une représentation inconsciente va être incompatible avec les exigences du Surmoi. Cette représentation inconsciente du ça apporte du plaisir mais provoque aussi du déplaisir. Le Moi, pour se défendre contre cette représentation, va utiliser divers procédés que l'on réunit sous le terme de "mécanismes de défense du Moi".
Rappels
- La psychose : c'est une affection mentale résultant de frustrations précoces, c'est à dire avant la fin de la première année de la vie, et pré-formant le Moi de manière psychotique. Ce ne sera qu'à la puberté, quand le sujet aura vécu des expériences autres, que l'on pourra parler de psychose établie ou non, suivant que ces expériences auront été réparatrices ou non. C'est ainsi que la schizophrénie ne se déclare que vers 16 à 20 ans.
- La névrose : concerne les conflits d'ordre Oedipien, réactualisés à la puberté (hystérie et névrose obsessionnelle principalement).
Mécanismes de défense psychotiques
Forcément très archaïques, ils concernent une relation objectale non génitalisée. Ils ont souvent valeur de symptôme. Précisons que l'autisme, état le plus morbide et le plus archaïque, n'utilise aucun de ces mécanismes: c'est un état de plaisir / déplaisir de l'enfant, cristallisé de manière pathologique.
Le clivage : c'est le premier mécanisme de défense psychotique, ou primaire. Le clivage concerne soit l'Objet, soit le Moi. Dans le clivage, l'Objet est séparé en 2 parties, bonnes ou mauvaises, ayant des destins indépendants (bon et mauvais Objet). Exemple: vivre selon la réalité et la nier complètement, une partie du Moi reconnaissant la réalité et une autre partie du Moi la niant, sans qu'il y ait d'influence d'une partie sur l'autre. Dans le clivage, on préserve le bon Objet du mauvais Objet, pour éviter la contamination. Le clivage du Moi préserve la bonne partie de soi liée à la libido, de la mauvaise partie de soi, liée à la pulsion de mort (l'ambivalence est le mécanisme qui remplace le clivage dans la névrose, car le clivage est psychotique uniquement).
La projection : c'est une opération psychique qui permet au sujet de localiser à l'extérieur ce qui se situe en fait à l'intérieur de lui. Il attribue donc à une autre personne les affects dont il ne peut se protéger et qu'il refuse de reconnaître en lui-même. La projection existe aussi comme mécanisme névrotique, mais avec une localisation à l'extérieur moins vitale, moins expulsive, avec un début de reconnaissance préconsciente, tandis que la projection psychotique est plus massive, systématique, comme dans la paranoïa (la paranoïa est une psychose) dont elle constitue le principal mécanisme, de façon délirante. Le sujet nie pour lui un désir intolérable et projette ce désir sur un autre.
L'introjection : opération psychique qui permet au sujet de localiser à l'intérieur ce qui se situe en fait à l'extérieur. La tendance naturelle est d'introjecter les bons Objets à l'intérieur de soi pour fortifier son Moi. La dépression mélancolique est un contre exemple puisque l'Objet perdu, détérioré par l'agressivité du sujet est introjecté: le sujet ressent vis à vis de lui-même les sentiments qu'il avait adressés à l'Objet, et c'est l'introjection cette fois du mauvais Objet. L'introjection est l'équivalent psychique de l'incorporation, le sujet faisant passer fantasmatiquement du dehors au dedans les Objets extérieurs et les qualités inhérentes à ces Objets. C'est un mécanisme psychotique utilisé quelquefois par la névrose.
L'idéalisation : le bon Objet devient parfait, idéal, afin d'être préservé du mauvais Objet. C'est un mécanisme très psychotique employé aussi bien dans la schizophrénie que dans la paranoïa (pour le paranoïaque hospitalisé, c'est souvent le médecin-chef qui est idéalisé). L'idéalisation permet de protéger le bon Objet des pulsions destructrices en amplifiant ses qualités exagérément.
Le mépris de l'Objet : l'Objet est déprécié, anéanti pour se préserver de l'angoisse résultant de la perte éventuelle de cet Objet. C'est une défense maniaque (exemple: quitter la personne qu'on aime pour éviter d'être quitté).
Le triomphe : l'Objet n'a aucune valeur en lui-même. C'est l'attitude toute puissante du sujet sur l'Objet. Contrôle omnipotent de l'Objet. S'assimile au mépris de l'Objet.
L'identification projective : une partie de la personnalité du sujet s'introduit fantasmatiquement dans le Moi de l'Objet pour le contrôler, lui nuire ou chercher des satisfactions qu'il suppose y être. Cette partie appartient toujours au sujet (exemple: l'identification à l'agresseur).
L'identification introjective : une partie de la personnalité d'un autre s'introduit dans le sujet pour le contrôler, lui nuire ou chercher des satisfactions. Cette partie de la personnalité de l'autre reste une partie vivante de l'autre.
La régression : perte des acquisitions antérieures pour retrouver un système de relation au monde extérieur plus archaïque.
Le déni de la réalité : le sujet nie une partie de la réalité qui lui apporterait de l'angoisse.
Mécanismes de défense élaborés, ou névrotiques
Le refoulement : c'est un mécanisme majeur lié à la culpabilité et qui contribue à tous les autres mécanismes de défense. C'est aussi le plus complexe. Il est constitutif de l'inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme. C'est par le refoulement que certains contenus inconscients ne parviennent jamais à la conscience, et que d'autres y retournent. Le refoulement est donc à la fois une pression/censure et un maintien. Le refoulement fait revenir à l'inconscient des représentations liées à des pulsions, et risquant de provoquer du déplaisir à l'égard du Surmoi et de la réalité extérieure. Une représentation est refoulée quand elle subit l'attraction du noyau inconscient pathogène et l'action de la censure (refoulement originaire + censure). Ce n'est jamais la pulsion qui est refoulée, mais sa représentation (la pulsion a deux aspects: l'affect et la représentation). L'émotion (l'affect) n'est jamais refoulé. La représentation refoulée de la pulsion séjourne dans l'inconscient et va s'y organiser. Elle va ainsi effectuer un travail de déformation et d'éloignement. Elle va former des rejetons qui subiront chacun un destin particulier. La charge affective, ou affect, va se lier à l'un de ces rejetons et va tenter à nouveau d'émerger, et ce sera le retour du refoulé qui s'exprimera dans les rêves, les actes manqués, les lapsus... Rien ne subsistera de la représentation première si ce n'est l'affect qui va provoquer l'angoisse. Il faut considérer le refoulement comme une étape première. Le produit refoulé (nos représentations mentales inavouables) se déverse dans le ça.
La formation réactionnelle : c'est une attitude qui s'oppose à un désir refoulé et qui se constitue en réaction contre celui-ci. C'est donc d'abord un refoulement, puis un contre investissement dans un élément conscient de force égale. Par exemple un adolescent est conscient de son agressivité, mais pas de sa tendresse. Il est aussi conscient de sa pudeur, mais pas de son exhibitionnisme. Il transforme ainsi quelque chose d'inacceptable en quelque chose d'acceptable (tendresse vis à vis d'un petit frère en réaction à la jalousie agressive refoulée). Autre exemple, la personne qui fait toujours le ménage, ne peut tolérer la saleté, et réagit en réaction à son désir anal, ce qui lui permet de toucher la saleté tout en respectant son Surmoi et les exigences extérieures. La formation réactionnelle concerne essentiellement la pulsion anale et ses dérivés (conformisme, propreté, honnêteté...) pour justement lutter contre (contre la saleté, contre l'avarice, contre le désordre...). Quelquefois, il y a émergence du refoulé. Dans la névrose obsessionnelle, ce mécanisme est typique, caricatural, inapproprié, pathologique. La formation réactionnelle peut être utilisée par tout le monde mais de façon adaptée, ponctuelle: c'est alors un "mécanisme de dégagement". Notons que la formation réactionnelle concerne l'attitude tandis que le renversement de la pulsion en son contraire concerne la pulsion.
L'isolation : ce mécanisme consiste à isoler une pensée ou un comportement de son affect, de son contexte affectif. La représentation est reconnue mais ne touche pas le sujet. On retrouve ce mécanisme dans les névroses obsessionnelles, chez les hystériques qui semblent indifférents, en réaction à une trop grande fragilité. Très souvent l'affect est dévié sur une autre représentation anodine qui deviendra obsédante (ne pas supporter par exemple le massacre des bébés phoques, et y penser sans arrêt, de façon obsédante). L'affect, qu'on ne peut pas refouler, est dévié. "Il n'a pas encore réalisé ce qui lui est arrivé" dit-on parfois de quelqu'un, sans pour autant que ce soit pathologique, mais c'est ce mécanisme de défense qui se met en place pour protéger le Moi.
Le déplacement : l'affect associé à une représentation mentale dangereuse se détache de celle-ci pour s'investir sur une autre représentation moins dangereuse afin de se défouler.
L'annulation rétro-active : faire en sorte que des pensées, des gestes ou des paroles ne soient pas advenues et pour cela il y a utilisation d'une nouvelle pensée ou d'un nouveau comportement ayant une signification autre ou supposée autre.
Le retournement sur soi : processus par lequel la pulsion remplace un Objet extérieur indépendant par le sujet lui-même. La charge affective reste inchangée mais se retourne sur le sujet. L'affect est reconnu puis retourné sur la personne. Par exemple le sadisme se retourne vers soi et est appelé masochisme. Cela concerne principalement la pulsion agressive. Notons que dans l'introjection, c'est une qualité extérieure que l'on place en soi, tandis que dans ce mécanisme de retournement sur soi, l'énergie pulsionnelle appartient déjà au sujet mais au lieu de s'extérioriser, elle est retournée vers lui (exemples: le suicide, ou l'auto-agressivité).
Le renversement de la pulsion en son contraire : le but (et non l'objet) de la pulsion se transforme en son contraire, principalement dans le passage de l'activité à la passivité. Par exemple l'agressivité vis à vis de quelqu'un qu'on a aimé, ce qui est une façon de se détacher de la personne. Autre exemple, le voyeurisme qui se transforme en exhibitionnisme. Notons que dans le mécanisme du retournement sur soi, le voyeurisme devient du narcissisme, voyeurisme sur soi.
La rationalisation : procédé par lequel le sujet cherche à donner une explication cohérente, logique, acceptable, morale à une attitude, un sentiment dont il ne perçoit pas les véritables motifs. Cela permet d'expliquer un fonctionnement ou un comportement autrement qu'en recourant à l'affectif, autorisant ainsi une satisfaction pulsionnelle culpabilisante. Le Surmoi cherche des appuis moraux, politiques ou religieux pour renforcer les défenses du Moi. On parle aussi d'intellectualisation, dont le but est de maîtriser en mettant à distance les affects. C'est jouer avec les mots et les idées pour mettre de côté les pulsions.
La dénégation : procédé par lequel le sujet exprime un désir, une pensée, un sentiment jusqu'ici refoulé tout en se défendant, en niant qu'il lui appartienne. C'est une négation de précaution qui met en fait l'accent sur ce qui est important: "je vais vous dire ce que je ne suis pas" (c'est en fait ce que je suis). On présente son être sur le mode de n'être pas. Il y a une certaine acceptation du refoulé qui subsiste cependant sous la forme de négation. La dénégation est un moyen de prendre connaissance du refoulé, une sorte d'admission intellectuelle avec une inadmission affective. Le Moi est en méconnaissance dans la connaissance. Répugnance à s'identifier à ce qu'on vient de dire.
La sublimation : mécanisme concernant des activités intellectuelles, artistiques ou religieuses. La sublimation porte sur les pulsions partielles libidinales qui ne parviennent pas à s'intégrer dans la forme définitive de la génitalité. Il n'y a pas de refoulement (ce n'est donc pas à proprement parler un mécanisme de défense) mais une conversion de ces pulsions dans un but non sexuel qui revalorise le sujet. La sublimation ne se fait pas sous la pression du Surmoi mais est de l'ordre de l'idéal du Moi. Il n'y a pas de culpabilité mais plutôt du narcissisme. Trois caractéristiques: déplacement d'Objet, changement de nature de la pulsion, l'Objet visé est socialement valorisé. La sublimation dévie les pulsions sexuelles vers un Objet socialement valorisé.
L'inhibition : évitement d'une situation qui révèle en nous des pulsions pénibles.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
PSYCHOSE / ÉTAT LIMITE / NÉVROSE
· Psychose : on peut parler d'un départ dans la vie où il y a une unité somatique et psychique. La constitution du Moi se fait par unification de noyaux. Dans certains cas il y a des limitations très précoces du Moi, qui vont préformer la personnalité de manière psychotique. Cela se passe avant, pendant et juste après la naissance (stades oral et anal). Le reste du développement peut se passer sans problème. A la puberté, au lieu d'expériences réparatrices, le sujet vit une éclosion de la psychose (entre 16 et 25 ans). Ainsi apparaissent la schizophrénie, la paranoïa (d'apparition plus tardive), la manie (état d'exaltation) et la mélancolie (délire de culpabilité). On classe dans la psychose les bouffées délirantes (éclosion brusque d'un délire, sans suites pour l'avenir). La psychose est une perturbation primaire de le réalité affective. Elle se traduit par un désinvestissement de la réalité extérieure (mécanisme de déni), et un sur-investissement de soi-même. Le délire est une tentative de reconstruction de la réalité perdue. Il y a toujours un aspect négatif qui sont le déni et la dissociation, et un aspect positif qui est le délire.
Facteurs favorisants : attitude fusionnelle de la mère (avec son "enfant-objet") se traduisant par des comportements excessivement ambivalents (Mère très culpabilisante et très protectrice). A cela s'ajoute un déni de la fonction paternelle, que la mère ne reconnaît pas. Elle assume le rôle maternel et le rôle paternel, mais mal. Au niveau évènementiel, il y a eu dans la famille une mort, un accident traumatisant. Ce sont des facteurs contribuant à former le sujet qui a été inconsciemment choisi. Traits essentiels de la psychose: narcissisme et déni de la réalité. Le psychotique (individu qui s'est construit un système de relations à l'Autre de type psychotique) ne connaît pas l'œdipe.
· État limite : la première année de la vie se passe sans histoire. Le sujet vit un traumatisme psychique précoce (2ème ou 3ème année), provocant un effondrement psychique (par exemple un deuil au moment où le sujet a reconnu l'être proche dont il a le plus besoin, l'Objet anaclitique). Cela plonge la personne dans une latence précoce, qui se prolonge au delà de l'adolescence (latence tardive). C'est un deuxième traumatisme qui va réveiller le premier. Le deuxième traumatisme correspond toujours à une perte (deuil, déménagement...), provocant l'éclosion de la maladie.
L'état limite est une notion qui est venue pour caractériser toutes ces pathologies que l'on ne savait pas où placer. Le terme renferme tous les comportements (perversion, caractériels...) qui permettent d'éviter d'assumer une dépression. Le sujet état limite n'accepte pas l'idée d'être atteint dans son intégrité ni dans son narcissisme. La principale affection est donc la dépression. La pathologie "état limite" comprend: les psychopathies, les perversions. Chez l'état limite (individu qui s'est construit un système de relations à l'Autre de type "état limite") se retrouve toujours la notion de perte. Il existe les aménagements des états limites que sont les maladies psychosomatiques. Les toxicomanies sont des états limites.
· Névrose : les trois premières années se passent relativement bien. Au moment de l'œdipe, il y a un conflit entre désir et défense (ou refoulement) qui n'est pas résolu, pré-structurant le Moi de manière névrotique. La latence se passe sans difficultés apparentes. Les expériences pubertaires vont permettre l'éclosion du Moi névrotique, ou le réparer si besoin est. On compte dans les névroses: l'hystérie, la névrose obsessionnelle, la phobie, la névrose d'angoisse, la névrose traumatique, et la névrose de caractère. Le névrosé (individu qui s'est construit un système de relations à l'Autre de type névrotique) a connu l'œdipe mais cela n'a pas été résolu. Le but de la névrose est d'éviter l'angoisse soit par reconversion somatique, soit par adoption de rites obsessionnels.
- cours de psychologie: théorie et concepts fondamentaux - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -
Écrit et mis à jour par Mr Dominique Giffard, pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/
RÊVE et SOMMEIL
On a longtemps cru que le sommeil était principalement une fonction passive, un état d'abandon reposant pour l'organisme et le cerveau, une sorte de mort provisoire. En 1918 un neurologue a pour la première fois utilisé un électroencéphalogramme et a découvert des structures propres au sommeil. Dès alors, le sommeil devient un système actif différent de la veille. On s'aperçoit aussi que l'activité onirique se distingue à la fois de la veille et du sommeil de manière radicale.
Pour atteindre le sommeil, il faut une position de repli physique, une condition de chaleur, une mise à l'écart des excitations sensorielles et psychiques (avec un désinvestissement total du monde environnant).
Dans la veille active, l'influx nerveux est facilité, transmis au maximum. Les ondes du cerveau sont alors des ondes "bêta", aux tracés plats et rapides (30 à 50 par seconde). Puis un stade intermédiaire, avant le sommeil ou quand on somnole, ou encore pendant la relaxation, est caractérisé par des ondes "alpha". Durant cet état on peut ressentir des sensations visuelles ou auditives hallucinatoires.
Stades du sommeil
Endormissement : le sommeil est confirmé mais encore léger. Les ondes "alpha" ont complètement disparu, remplacées par des ondes "thêta" aux pulsations ralenties. Cette phase dure environ 10 minutes.
Sommeil léger : ce stade dure 20 minutes environ. Le rythme de l'électroencéphalogramme est plus lent, avec présence d'ondes "sigma". Durant ce phénomène, on observe le "complexe k" qui se caractérise par des ondes plus aiguës, plus fortes. C'est une activité cérébrale provoquée par des stimuli internes dus aux changements de l'activité des organes et des sens. Cela peut être suivi d'un réveil, rationalisé par une "mauvaise position du corps".
Sommeil profond : dure environ 10 minutes. Les ondes sont encore plus ralenties (1 à 3 par seconde). Ce sont des ondes "delta", de grande amplitude.
Sommeil très profond : il dure environ 60 minutes. Les ondes sont très régulières et ce sont toujours des ondes "delta". Les fonctions vitales sont au plus bas. C'est le sommeil de la petite enfance (il faut que l'enfant ait dormi régulièrement pour que l'adulte puisse ensuite parvenir à atteindre ce stade, qu'autrement il ne parviendra plus à atteindre après 30 ans).
Sommeil paradoxal : phase des mouvements oculaires, avec atonie complète. C'est le moment du rêve. Le rêveur est quasiment effondré. On retrouve alors les ondes "alpha" de la relaxation. Les seules activités sont des mouvements oculaires très rapides, le sujet n'étant que peu sensible aux activités extérieures. On observe une paralysie du corps, une modification du rythme cardiaque. Cette phase dure de 5 à 15 minutes.
Tous ces stades constituent un cycle. Il y en aura plusieurs au cours d'une période de sommeil, avec une moyenne de 4 à 6 par nuit. Le premier cycle dure de 90 à 120 minutes. Les cycles suivants sont de plus en plus courts. Le sommeil paradoxal représente 20 % du temps d'un cycle.
La fonction du rêve est de pouvoir tout faire, mais de façon mentalisée.
Le passage à l'acte du somnambule est une preuve d'angoisse, en mentalisant. Le somnambule ne supporte pas de rêver.
Le fœtus est presque continuellement dans une phase aux ondes "alpha".
Le rêve
Si avant 1950 le rêve restait pour les scientifiques un incident du sommeil, épisodique, ils en perçoivent mieux désormais la fonction bénéfique, et essentielle. C'est en 1953 qu'ont eu lieu les premiers enregistrements polygraphiques. Ils permirent de découvrir son caractère épisodique.
Le rêve s'effectue pendant le sommeil paradoxal (tonus arrêté, activité neurologique intense). C'est à travers les rêves que l'on se décharge de ses désirs coupables et irréalisables. Il y a un scénario figurant un drame, une action. Le rêveur croit à la réalité du rêve, et ne peut le soumettre à la critique. Le rêve échappe à la volonté et à la responsabilité du rêveur. Il s'y traduit l'excitation sensorielle et la préoccupation du rêveur. Les images sensorielles sont assez pauvres en couleur, en définition ou en précision. Ce qui donne l'impression de richesse est son vécu, fort en densité. Le rêve est une régression temporaire car le rêveur est centré complètement sur lui-même, de façon narcissique. Cela est facilité par le repli corporel. C'est aussi une projection. Le lit est un substitut du corps maternel, que l'enfant avait halluciné dans son sommeil après l'expérience de satisfaction suivant la tétée. Le rêve est comme projeté sur un écran blanc, qui satisfait le désir de dormir. Le corps maternel est l'écran du rêve, le support du rêve. C'est quelque chose qui enveloppe complètement le rêveur. Le mode de satisfaction est le même que celui du petit enfant qui se sait contenu par le corps maternel. Le petit enfant projette sur la surface de projection qu'est la mère. Il y a projection aussi par le fait qu'il y a extériorisation des processus internes psychiques inconscients: c'est le contenu latent, composé de désirs, de souvenirs refoulés par la censure. Le rêve effectue un travail pour que ce contenu latent se transforme en contenu manifeste, acceptable par le Moi du rêveur et la censure. Au réveil, la censure qui se réveille aussi fait repartir dans l'oubli les points forts du rêve.
La condensation : son travail est d'unifier, de synthétiser, d'agréger en un seul tableau plusieurs désirs, plusieurs souvenirs. En un contenu manifeste se rassemblent plusieurs contenus latents. C'est un travail métaphorique, où chaque signifiant renvoie à plusieurs signifiés.
Le déplacement : l'affect, portant la marque du désir, se détache de son but initial et se reporte sur un but de substitution. L'Objet visé n'est plus le même, grâce au travail métonymique.
Les phénomènes de condensation et de déplacement sont des "ruses" du Moi pour déjouer le contrôle du Surmoi. Ces deux processus se combinent. On appelle cela le "processus primaire". Le rêve utilise, bien que de façon moins systématique, d'autres procédés:
La dramatisation : transposition d'idées abstraites en scénario visuel.
La symbolisation : figuration d'une tendance par un symbole qui le représente.
L'élaboration secondaire : au réveil, un sens intelligible est donné au rêve, les "absurdités" sont enlevées, les "trous" sont bouchés. C'est un travail de résistance et de maquillage, une reconstruction "après-coup".
Durant le rêve, c'est le Moi qui fournit le plus gros travail en conciliant à la fois le ça et le Surmoi.
Fonctions du rêve
"Le rêve est la voie royale qui mène à l'inconscient".
Freud a découvert que cela permettait d'accéder à l'inconscient. La fonction principale du rêve est d'être une réalisation fantasmatique du désir. C'est une sorte de soupape de sécurité, une activité compensatoire.
Le rêve est aussi le gardien du sommeil : les conflits internes sont transposés de telle manière que le rêveur peut continuer à dormir. Il n'y a pas de passage à l'acte. Le rêve protège le sommeil en permettant la satisfaction des pulsions (leur écoulement), d'une manière déguisée pour éviter les trop grandes excitations et l'intervention culpabilisante du Surmoi.
Le rêve a de même une fonction de liaison : il y a liaison entre les énergies psychiques que sont les pulsions et le refoulement. C'est un compromis entre le conscient et l'inconscient. Le rêve réalise deux désirs dans la mesure où ils s'accordent (désir de dormir et désir affectif).
Quelquefois la fonction de compromis est ratée : c'est le cas dans le cauchemar, ou "rêve d'angoisse", dont on s'éveille (le cauchemar est une autopunition, preuve de l'existence, durant le sommeil, de la censure du Surmoi. Cette censure continue donc à s'exercer pendant le déroulement des décharges psychiques). Le rêve n'est alors plus le gardien du sommeil. C'est là l'équivalent d'un épisode psychotique, et la charge affective de plaisir s'est retournée en charge de déplaisir (dans le délire, le Moi est submergé, ne peut plus apparaître. Le délire s'impose comme étant la réalité, dont le sujet ne peut s'extraire. Le rêveur par contre revient toujours de sa réalité onirique).
Le rêve a une fonction physiologique : stimulation corticale et décharge du système nerveux.
Le rêve permet enfin d'intégrer les expériences de la journée dans la vie psychique du sujet.
Notons que le rêve de l'enfant présente moins de contenu latent que celui de l'adulte.
Troubles du sommeil
Chez l'enfant : le sommeil répond à un besoin rythmique fondamental, dont le but est un accomplissement narcissique. La Mère étaye la fonction de gardien du sommeil, surtout durant les 6 premiers mois. Tout trouble du sommeil a comme signification un déséquilibre dans la dualité Mère/Enfant. Si le sommeil manque, la Mère n'étaye pas, n'est plus existante en tant que pare-excitation. Le Moi de la Mère ne soutient plus le Moi de l'Enfant. Très souvent ce n'est pas un symptôme isolé chez l'Enfant. Le rythme du sommeil correspond à un couple Satisfaction/Insatisfaction (Endormissement/Réveil).
Chez l'adolescent : leurs rêves sont très transparents. Ils ont un impact pulsionnel très fort, très souvent dirigé vers la sexualité, et avec un fort contenu oedipien. Le passage à l'âge adulte, très difficile, est révélé par le contenu du rêve de manière très claire.
Chez l'adulte : en moyenne, sa nuit doit durer 8 heures.
Caractéristiques d'un "bon" dormeur : endormissement rapide (8 mn), peu de réveils nocturnes et non mémorisés, 20 % de sommeil paradoxal (moins de 18 % est un signe d'insomnie).
Peuvent favoriser l'insomnie : les excitants, le bruit, l'angoisse, le surmenage, le stress, les rythmes de travail. Les tranquillisants sont très nocifs pour le rêve.
A partir des années 2000, le nombre d'insomniaques sévères en France est estimé à 10% de la population, consommant 68 millions de boîtes de somnifères par an. Sont particulièrement concernés les jeunes, les adolescents et les personnes âgées.
Les cliniques du sommeil
Elles existent en France depuis le début des années 1980. La première chose que l'on y fait est un sevrage des barbituriques. Le but de la cure est de synchroniser les périodes de veille et celles de sommeil. On apprend aux gens à investir leur sommeil, et à y trouver du plaisir. Il s'agit de rétablir le sommeil comme un besoin et comme un plaisir. On emploie aussi la relaxation pour libérer les défenses qui empêchent l'endormissement. Il y a aussi la thérapie comportementale, où la vie du dormeur est organisée autour du sommeil (pas de stress, ni de stimulations trop fortes, sans frustrations).