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 FORMATION DE BASE POUR SOIGNANT

PSYCHIATRIE: PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE (dossier 2)

 PSYCHIATRIE INFIRMIÈRE : PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE

accès premier dossier

 PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE  -  1er DOSSIER

Psychose puerpérale

Confusion mentale

PHC (psychose hallucinatoire chronique)

Bouffée délirante

Hypocondrie

Psychosomatique

État limite (et aménagements état-limite)

Perversion (et structures perverses)

Psychopathie (et organisations psychopathiques)

Paranoïa

Névrose phobique

Névrose obsessionnelle

Hystérie

PMD et Dépression

Mélancolie

Schizophrénie

Épilepsie

Délire

Toxicomanie / Alcoolisme

Arriération et Démence

 

 

Bibliographie

 

Avis important

 

 

Dictionnaire de psychologie .

Gardez-le dans un coin du bureau  !

 

 

Transcription d'intervention des orateurs suivants:

Mme et Mrs Deleage, Bon, Flamant, Lamothe, Réal et Zimmerman.

Écrit, enrichi, mis à jour par Mr Giffard pour "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/

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PSYCHOSE PUERPÉRALE

Généralités

 

Cette pathologie concerne la femme enceinte, pendant et après l'accouchement. Elle traversera alors des troubles psychiatriques plus ou moins graves. Pendant la grossesse, peu de troubles majeurs seront rencontrés: on pourra observer des angoisses, des troubles névrotiques hystériques ou obsessionnels... Notons que certaines patientes psychotiques se portent mieux durant leur grossesse, et on peut donc dire que la grossesse protège en quelque sorte de la psychose.

 

Tableau clinique

 

On note des signes avant-coureurs, comme par exemple des pleurs ou de la fatigue durant les trois premiers jours après l'accouchement. Puis tout à coup apparaîtront la confusion, l'obnubilation ainsi qu'une angoisse majeure. La femme aura des troubles de mémoire et de la perception, alternés avec des périodes plus calmes. Après la confusion surviendra le délire, qui s'installera avec des hallucinations auditives et visuelles. Les thèmes du délire sont centrés sur la relation mère/enfant, avec négation de la maternité, propos sinistres, voire lugubres. Les risques sont alors le suicide ou/et l'infanticide. L'évolution est assez bonne sur le long terme. La chronicisation est possible mais souvent l'épisode n'aura pas de suites.

 

Épisode thymique

 

Sera observé soit un tableau mélancolique pur, succédant ou non à une phase confusionnelle, avec risque suicidaire majeur, soit un épisode maniaque, soit encore des états mixtes d'excitation et de mélancolie. On pourra avoir aussi un état schizophréniforme (ayant l'apparence de la schizophrénie). Un délire paranoïde pourra s'installer par la suite.

 

Post-partum blues

 

Nommé aussi "syndrome du troisième jour", il associe pleurs, anxiétés, céphalées, agressivité, troubles mnésiques... On notera parfois une insomnie. Ce tableau se rencontrera au moment de la montée laiteuse chez la plupart des femmes qui viennent d'accoucher. Il faut évaluer le degré d'insomnie qui pourrait faire redouter l'entrée dans une phase confusionnelle, beaucoup plus rare.

 

Tableau dépressif

 

De type mélancolique, il se passe de la sixième semaine à un an, avec présence de nombreux éléments somatiques (asthénie, amaigrissement, troubles du sommeil...)

 

Aspects psychodynamiques

 

Pour la future mère, la grossesse est l'occasion d'une reviviscence rapide de tous les stades de la libido. Elle se confronte aux stades de développement qu'elle a déjà eu à affronter. Elle se confrontera donc entre autres à la période oedipienne et son complexe de castration. Avoir un enfant est une façon de revivre l'époque où, petite fille, elle espérait avoir un enfant du père. On a aussi une reviviscence du stade oral (envies, boulimie, vomissements..), avec acceptation d'être à la fois la bonne mère gratifiante et la mauvaise mère frustrante, menaçante. La femme aborde aussi le stade anal, avec traits obsessionnels, constipation, idée d'enfant-cadeau... La future mère revit à ce moment le fait qu'elle est aussi enfant de sa mère. L'état fusionnel, narcissique de la grossesse est brutalement rompu par la naissance. Cette rupture est néanmoins amoindrie par le maternage, et après un régime fusionnel on pourra parler d'une régime anaclitique, d'une relation d'étayage. On peut alors parler d'une naissance psychologique, plus lente que la naissance biologique.

 

Maternalité

 

C'est l'ensemble des processus psychoaffectifs de la maternité. C'est un épisode psychologique qui associe, comme à l'adolescence, les crises hormonales et les crises d'identité. C'est la nécessité pour la femme de s'approcher normalement et de façon réversible de la structure psychotique. Le Moi de la mère utilise à ce moment les relations d'Objet les plus archaïques. WINNICOTT parle de "nécessaire maladie" de la femme qui vient d'accoucher, ou encore de "préoccupation maternelle primaire", état de repli et de dissociation schizoïde. Normalement, cette régression pulsionnelle et libidinale est supportée et contrôlée par le Moi de la mère. Mais il arrive que la régression fusionnelle, les attitudes hyper protectrices viennent s'imposer dans la relation au bébé de manière exclusive et envahissante. Le Moi de la mère, trop faible, est alors entraîné dans une évolution vers la psychose.

 

Traitement des épisodes psychotiques aigus

 

La mère délire, est angoissée, a des idées de meurtre. Les soignants ont beaucoup de mal à se détacher de l'image de la mauvaise mère et leur première envie est de protéger l'enfant contre la mère. Il est pourtant nécessaire d'introduire l'enfant dans le champ thérapeutique avec la mère. Des médicaments peuvent être donnés à cette dernière pour l'aider à supporter son angoisse. Si on sépare l'enfant de la mère, on renforce la pathologie en confirmant que c'est une mauvaise mère. Par contre, en le lui laissant on accrédite le fait que c'est bien le sien, qu'elle est capable de s'en occuper même si pour l'instant des difficultés nécessitent des soins et un entourage.

 

Chez l'homme

 

On rencontre des thèmes de mise en doute de la paternité, d'idées de persécution centrées sur la mère et sur l'enfant. On aura aussi des états délirants aigus. Souvent, ces manifestations cessent rapidement.

Intervention orale de Mr Flamant, février 87. Texte écrit et mis à jour par Mr Giffard.

 

 

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Intervention orale de Mr Bon, février 87.

Texte écrit, enrichi et mis à jour par Mr D. Giffard

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CONFUSION MENTALE

 

Des maladies endocriniennes peuvent entraîner des symptômes psychiatriques. La confusion mentale est un syndrome d'origine toxique, infectieuse, traumatique ou émotionnelle. Un tableau de confusion mentale associe:

  1. Amoindrissement de la vigilance allant de l'obnubilation légère à la torpeur;

  2. Désorientation dans le temps et dans l'espace;

  3. Amnésie de fixation laissant ensuite une lacune mnésique;

  4. Onirisme avec hallucinations terrifiantes;

  5. Syndrome de déséquilibre biologique qui conditionne le pronostic vital.

Clinique

 

Phase de début : la pathologie s'installe le plus souvent de façon progressive. On remarquera d'abord les céphalées, l'insomnie avec réveil en pleine nuit, les troubles de l'humeur et des conduites alimentaires etc...

 

Phase d'état : le malade est dans un état d'hébétude, semble absent. Il reste figé, mutique, puis de temps en temps s'agite. Il y a dans le tableau qu'il présente une notion de perplexité, d'anxiété. La confusion est marquée par l'obnubilation de la conscience, traduite par un ralentissement des processus intellectuels. Le malade ne se reconnaît pas dans le miroir. Le signe fondamental est la désorientation temporo-spatiale. Présence aussi de troubles mnésiques, de fixation (les faits récents ne sont pas intégrés), d'évocation des faits anciens. L'onirisme est une expérience délirante et hallucinatoire, très fluctuante. L'adhésion du malade est complète. On aura souvent des thèmes professionnels, ou terrifiants, ou érotiques. Les signes organiques comprendront une hyperthermie (avec déshydratation, vomissements...), des signes neurologiques (réflexes vifs et répétés), des troubles du tonus (rigidité globale de l'ensemble des muscles), des tremblements (fins ou non), des signes biologiques traduisant la déshydratation (hématocrites, acidocétose, hypokaliémie).

 

Évolution : elle est fonction du terrain et de l'étiologie. En général, le syndrome confusionnel guérit quand la cause organique est guérie, et l'équilibre hydroélectrique refait. Il pourra subsister un élément onirique non critiqué. Notons un risque de mort possible.

 

Formes cliniques

 

Formes symptomatiques : ce sont les formes confusionnelles ayant un symptôme prévalent. On pourra avoir une forme dépressive (mélancolie), une forme agitée (manie, delirium tremens...), une forme neurologique (syndrome de Korsakoff).

 

Forme évolutive : le délire aigu (ou syndrome confusionnel malin) est une forme rare mais grave, touchant principalement les femmes entre 20 et 50 ans. Le syndrome confusionnel est typique mais une triade biologique gravissime vient s'y rajouter, comprenant déshydratation (oligurie), hyperthermie à 40° et hyperazotémie. Dans la phase d'état on note de l'agitation ainsi qu'un refus total de toute alimentation (sitiophobie). Le traitement est une réanimation avec seulement une chance sur dix d'en réchapper. Chez les patients psychotiques, la maladie survient sans cause connue.

 

Étiologie des états confusionnels : notons les toxiques (alcool, éther, opiacées, plomb, certains neuroleptiques incisifs...), les causes infectieuses (infection urinaire, pneumopathie...), les maladies endocriniennes, les perturbations du système nerveux central (traumas crânien, tumeurs du cerveau, épisodes post épileptiques...).

 

Traitement

 

Le traitement consistera en premier par l'hospitalisation du patient pour effectuer un bilan et une réhydratation. La lumière doit rester allumée, les soignants doivent autant que possible être les mêmes durant les 2 ou 3 jours de la confusion. Contre l'angoisse, on pourra être amené à prescrire des anxiolytiques. S'assurer du suivi de la réhydratation.

 

 

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Intervention orale de Mr Bon, février 87.

Texte écrit, enrichi et mis à jour par Mr D. Giffard

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PHC ou PSYCHOSE HALLUCINATOIRE CHRONIQUE

 

Généralités

 

Il s'agit d'un délire chronique se développant sur une personnalité de base dite "normale", sans passé psychiatrique. Cette psychose se caractérise par des hallucinations et un automatisme mental. Le début est toujours brusque avec par exemple transmissions de pensées, sensations corporelles parasites... etc.

 

Clinique et diagnostic

 

A la période d'état on voit apparaître le triple automatisme :

  1. automatisme idéo-verbal, annonçant les actes du sujet;

  2. automatisme sensoriel et sensitif. Le corps ressent seul ces effets, et le sujet lui-même n'est qu'observateur;

  3. automatisme psychomoteur, avec sursauts et gestes "obligés" par l'extérieur.

A tout cela s'ajoute un vécu persécutoire. Pour poser le diagnostic, il faut trois critères :

  1. présence permanente d'idées délirantes,

  2. absence de désorganisation profonde de la personnalité,

  3. persistance de la relation à la réalité.

Les hallucinations sont riches, constantes et chroniques, surtout auditives. On aura des voix moqueuses, extérieures, influençant le sujet. Les hallucinations corporelles sont d'ordre maléfique, dues à la télévision, aux radars... il y est question d'une malveillance toujours possible. Certaines hallucinations seront critiquées par le sujet, qui aura alors conscience de leur état anormal.

Le vécu délirant est fait de thèmes d'influence et de persécution. La vie psychique n'appartient plus à la personne. Le délire est vécu dans une ambiance dépressive, de manière passive.

L'évolution est bonne, bien que lente. La Psychose Hallucinatoire Chronique (ou P.H.C.) est peu aliénante et débute vers 35 ans. Au début, le sujet doute de ses perceptions anormales, puis finit par les garder secrètes. L'entourage s'en rendra compte quand la personne ne communique plus, alors que sa vie psychique est envahie par le délire. Le malade conserve son activité intellectuelle, ses activités ménagères. De temps en temps on observera des phases aiguës, des moments féconds.

 

Diagnostic différentiel

 

- La schizophrénie fera apparaître beaucoup de discordance;

- La paranoïa ne présente pas d'automatisme mental;

- Dans la P.H.C. l'hallucination l'emporte sur le délire.

 

Traitement

 

L'hospitalisation n'est pas indispensable. Ponctuellement, durant la mise en place de neuroleptiques, on pourra hospitaliser le malade. Pour lutter contre l'hallucination, on donnera par exemple de l'Haldol en surveillant les effets secondaires. Les doses seront augmentées progressivement. On pourra également choisir de prescrire du Risperdal ou du Clopixol... Tous ces traitements "per os" (c'est à dire en comprimés ou en gouttes) proposent une forme injectable "à effet retard" qui est adaptée au suivi à domicile: les injections se font alors toutes les 2, 3 ou 4 semaines.

On associera un tranquillisant (comme par exemple du Tercian aux effets anxiolytique et sédatif). La difficulté résidera néanmoins après la sortie de l'hôpital car la P.H.C. ne se soigne pas bien.

 

 

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Intervention orale de Mme Deleage, mars 87.

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BOUFFÉE DÉLIRANTE

 

Généralités

 

C'est une psychose délirante aiguë, un état oniroïde (proche du rêve). L'éclosion du délire est soudaine, de manière polymorphe et transitoire. C'est donc une expérience délirante, vécue avec une conviction absolue. Les anglo-saxons la nomment "schizophrénie aiguë".

 

Épidémiologie : le sujet est jeune, ayant parfois un terrain psychopathique ou caractériel.

 

Étude clinique

 

Le délire : il apparaît de façon soudaine, d'emblée constitué. Les hallucinations et les troubles du comportement seront là dès le début. De plus, c'est un délire polymorphe ayant pour thèmes la persécution, la grandeur, la toute puissance psychotique, la filiation mégalo-maniaque, la dépersonnalisation, une transformation somatique... etc. Le délirant pourra se donner une mission, souvent ésotérique. Le mécanisme est à base d'hallucination auditive, ou psychosensorielle... avec automatisme mental. Le sujet aura tendance à interpréter. C'est un délire variable en intensité d'un jour à l'autre. Les thèmes délirants sont enchevêtrés sans systématisation (contrairement au délire paranoïaque). Le sujet passe d'un thème à l'autre.

 

Le vécu : la conscience vivra ce délire comme une expérience irrécusable, concrète et immédiate. Il y aura ainsi une adhésion absolue du sujet à son délire, avec réactions affectives, motrices, voire même médico-légales.

L'altération de la conscience : le délirant n'est pas confus, et conserve ses repères dans le monde extérieur. Néanmoins il sera hypnotisé par son délire et aura tendance à se couper de la réalité, avec quelques troubles de l'attention.

 

Les troubles thymiques : ce sont les troubles de l'humeur et du comportement. La bouffée délirante, intensément vécue, entraîne des réactions affectives, avec par exemple une agitation maniaque, de la dépression... On observe une alternance d'agitation et d'inhibition. Il pourra ainsi y avoir un refus alimentaire, des fugues, des voyages pathologiques, des agressions, des comportements clastiques. Généralement le sujet est opposant, avec un comportement inattendu.

 

Les troubles somatiques : peu marqués au début, ils pourront néanmoins sans traitement devenir plus conséquents (risque de déshydratation par exemple, ou de blessures...). On observe aussi des aménorrhées, des insomnies... etc.

 

Évolution

 

1/3 des sujets ne fera plus de bouffée délirante. 1/3 en refera une ou plusieurs autres. 1/3 évoluera vers la schizophrénie (cette aggravation tend à prouver à posteriori que le diagnostic n'était pas approprié, et qu'il pouvait alors s'agir de schizophrénie à son début).

Sous traitement neuroleptique, la bouffée délirante évoluera généralement très rapidement, bien que parfois plusieurs mois seront nécessaires pour en sortir complètement. L'évolution pourra se faire sous la forme de bouffées délirantes aiguës par la suite. Elle pourra aussi aller vers une chronicité, vers la schizophrénie. En cas de systématisation du thème, ou de grande durée de la crise on pourra craindre cette entrée dans la schizophrénie.

 

Formes cliniques

 

Prédominance maniaque : on notera une exaltation, une euphorie proche de l'accès maniaque. La difficulté sera dans l'établissement d'un diagnostic différentiel. On peut néanmoins dire que la bouffée délirante présente un aspect assez désorganisé, à l'inverse de la phase maniaque véritable.

 

Prédominance dépressive : le sujet se sentira coupable, indigne, et son délire sera de forme mélancolique.

 

Prédominance confusionnelle : la désorientation temporo-spatiale apparaîtra ici plus marquée, avec troubles de la mémoire, non-reconnaissance de l'entourage, baisse de l'attention. On remarque aussi la perplexité anxieuse. Notons qu'une confusion est parfois d'origine toxique ou somatique.

 

Prédominance catatonique : c'est une forme avec prostration, hébétude et mutisme. Le patient ne réagit pas, ne mange pas. Le risque est alors la dégradation somatique. Cette forme peut se traiter par électrochocs.

 

Note importante : la bouffée délirante peut être due à une cause somatique et résulter de tumeurs cérébrales, d'encéphalites, ou de l'ingestion de produits toxiques comme le L.S.D. la cocaïne ou le haschich. Il conviendra de dépister les traces de piqûres pour prévenir tout état de manque.

 

Traitement

 

L'hospitalisation s'impose pour contenir tous les troubles comportementaux, pour contrôler l'alimentation et établir un diagnostic. On mettra en route une chimiothérapie à visée anxiolytique et pour faire stopper le délire. En urgence on privilégiera par exemple un neuroleptique sédatif majeur à grande rapidité d'action. Le traitement au long cours sera généralement à visée anxiolytique et sédative (par exemple en associant Haldol et Nozinan).

On mettra en place des entretiens, assez délicats les premiers temps. Le rôle de l'infirmier sera dans une présence personnelle auprès du patient, avec une attitude cohérente, claire et ferme. Il faudra lui parler, lui expliquer les décisions prises et les projets de soin même s'il ne semble pas entendre. Envers la famille la même attitude de cohérence sera mise en place, avec déculpabilisation et bienveillance. Le patient, persécuté, amènera la famille à être très réticente quant à l'hospitalisation. Au niveau du service, il faut redonner des repères, aider la personne à retrouver un rythme de vie adapté à la communauté. Ce sera le début d'une restructuration du patient. Le rôle infirmier sera aussi dans la surveillance médicamenteuse, en évaluant l'anxiété, les syndromes extra-pyramidaux... etc.

 

 

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Intervention orale de Mr Bon, février 87.

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HYPOCONDRIE

 

Généralités

 

C'est l'estimation péjorative de l'état de santé du corps. Des sensations cénesthésiques (perceptions internes du corps) sont interprétées de façon douloureuse et déclenchent de l'anxiété morbide. Il n'y a ni lésion organique ni lésion biologique. L'hypocondrie n'est pas une maladie, c'est un symptôme. Ce symptôme vient se surajouter à des pathologies névrotiques ou psychotiques. Ce sera alors une défense face à un vécu pathologique. Le patient recherchera de manière obsessionnelle l'origine de ses douleurs.

 

Clinique

 

Le sujet hypocondriaque se plaint, recherche des réponses médicales, puis abandonne tour à tour les médecins. Il oscille en permanence entre la dépression et la paranoïa. Il place ses plaintes au centre du système relationnel. Au niveau de la paranoïa, on observera sa quérulence (revendications contre un préjudice imaginaire), sa combativité. Cela pourra aller de la simple préoccupation au grand délire paranoïaque (avec négation d'organes, sinistrose...).

 

Aspects psychodynamiques

 

Le corps est le lieu de la maladie. Toute maladie est accompagnée d'une régression (le sujet sollicite un maternage) et d'une dépression (avec baisse de moral). L'hypocondrie est une réelle perturbation dans la relation du sujet à son corps. L'angoisse pourra s'exprimer au niveau neuro- végétatif, ou se déplacer sur le corps, en dehors de la symbolique hystérique.

 

L'hypocondrie n'est pas une entité clinique, mais un symptôme. La plainte hypocondriaque se voit chez tout le monde lors d'un accès d'angoisse (argent, profession...). L'épreuve de réalité est telle que l'on ne peut plus fuir, ni sublimer. L'hypocondrie est alors une réponse à un événement conjoncturel. Cela évite de se poser le problème de la symbolique au niveau inconscient.

Des états hypocondriaques peuvent survenir à la sénescence ou à l'adolescence. C'est alors une manifestation d'angoisse traduisant le retrait des investissements. A la ménopause, le femme aura des céphalées, des troubles digestifs aux origines non-organiques. Notons que chez les hommes, l'andropause (60 à 70 ans) installera plus lentement sa pathologie. L'hypocondrie prend valeur d'élément structurant pour lutter contre l'angoisse narcissique, permettant au sujet d'accepter son nouveau statut. Chaque pathologie psychiatrique rajoutera sa note de particularité.

 

Conduite hypocondriaque

 

C'est une forme d'existence qui a pour but de tenir le sujet à mi-chemin d'une guérison redoutée et désirée. Le corps de l'hypocondriaque est à la fois Objet et sujet (partie de lui et totalité de lui-même). Il vit son corps comme un fardeau. Le vécu corporel menacé par la mort, est sauvé par le sacrifice d'une partie de soi, d'une partie désignée comme malade. Cette maladie devient la façon "d'être quelqu'un", alors qu'il s'est toujours perçu comme un Objet.

 

 

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Intervention orale de Mr Bon, février 87.

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PSYCHOSOMATIQUE

 

Introduction

 

L'approche psychosomatique est une manière de considérer la maladie somatique. On ne peut parler de psychosomatique qu'en présence de symptôme(s) somatique(s). Il faut remarquer que les patients reconnaissent volontiers l'origine psychologique de leurs troubles, et un stress par exemple est facilement désigné comme étant à l'origine d'une poussée de psoriasis. On parle de terrain à la maladie. Lors des épidémies de peste, ne s'en sont sortis que ceux qui résistaient naturellement, les autres sont morts.

 

On confond sous le terme de psychosomatique, une approche dynamique de la maladie somatique, une approche plus humaine du patient. Or, il s'agit d'une science à la définition stricte, où la relation entre le psychologique et les manifestations somatiques est théorisée.

"Le sentiment du médecin devient le symptôme du malade" - BALINT -

Le groupe "BALINT" tente de faire prendre conscience aux médecins que la relation entre le soignant et le soigné participe aux soins et aux symptômes. Ce grand mouvement d'humanisation au sein des hôpitaux a transformé l'approche somatique. Pourtant peu de médecins ont participé aux groupes BALINT. "Il s'agit de repérer des altérations psychologiques particulières au niveau du caractère ou dans la structure chez des malades somatiques, en vue de gagner en efficacité thérapeutique par des corrections ou des explications". L'approche psychosomatique est ambitieuse parce qu'elle prétend résoudre le problème étiologique de la maladie et relègue les médecins traditionnels à des rôles empiriques de "charcutiers".

 

Il y a 2 grandes tendances:

Le symptôme sensé

 

GRODDECK, qui a créé le terme de "ça", a voulu désigner quelque chose de plus pulsionnel, de plus violent que l'inconscient Freudien. "Nous sommes agis par le ça. Il s'agit d'une force qui est en nous et qui dirige le somatique ainsi que tous les processus inconscients".

REICH a abordé le problème du cancer dans une approche psychosomatique. Sa théorie est que le refoulement sexuel est à l'origine des troubles. Il a cherché toute sa vie la présence d'une hormone, "l'orgone", qui provoque le cancer, hormone elle-même provoquée par le refoulement sexuel.

VALABREGA pense quant à lui que le symptôme psychosomatique est lié à l'hystérie. Mais dans l'hystérie il n'y a pas de lésions organiques tandis que la maladie somatique se révèle par ses lésions.

 

Le symptôme insensé

 

Le sujet psychosomatique souffre d'une atrophie de l'imaginaire (grande difficulté ou incapacité à symboliser les conflits). On note chez eux une singularité dans la relation d'Objet, une pauvreté du dialogue avec pensée opératoire sans objet vivant, sans aucune attache apparente personnelle et indifférence, une carence des symptômes névrotiques d'aménagement, des manifestations mimiques en remplacement du symptôme, des formes d'inertie menaçant la poursuite des entretiens, des fantasmes refoulés... etc. Le problème de fond de la pensée opératoire est une absence de vie imaginaire. A ce niveau, le patient psychotique est totalement à l'opposé de ce fonctionnement puisqu'il produit, mais de façon infernale, du délire.

 

Pathologie psychosomatique

 

On regroupe sous ce terme tous les troubles somatiques qui comportent dans leur déterminisme un facteur psychologique intervenant de façon essentielle dans la genèse de la maladie. On doit observer des altérations anatomo cliniques, ou biologiques (ce qui veut dire qu'il doit y avoir présence d'une lésion dans le corps).

Il semble que l'élément fondamental, à l'origine de toutes les maladies (qu'elles soient somatiques, psychosomatiques ou psychiatriques), soit l'angoisse. Lors des crises existentielles comme la retraite ou un deuil, le corps tombe plus souvent malade. Mais est-ce la personnalité de base qui place l'individu dans une condition de stress, ou bien est-ce la pression sociale qui touche la personnalité de base? La maladie psychosomatique est peut être un symptôme hystérique réactualisé, une nouvelle forme d'expression hystérique...

 

Hypertension:

la personne est d'un côté dépendante et passive, et de l'autre côté, elle a le désir de dominer et de contrôler. Cela masque toute tension agressive;

 Infarctus:

on note une lutte permanente pour la réussite et le succès. Rivalité symbolique avec le père. On observera alors l'ambition sociale, la peur de l'inactivité, la vulnérabilité lors de l'échec;

Ulcères:

personnalité "grognon", avec grand besoin de protection et de dépendance. Le sujet ira vers l'Autre pour se faire materner. Tendances orales frustrées. Apparaît hyperactif et ambitieux, avec besoin de relations familiales;

Asthme:

besoin permanent d'être rassuré par un personnage maternel. La frustration entraîne un repli dépressif et des attitudes caractérielles.

Personnalité

 

Les malades psychosomatiques ont des qualités relationnelles particulières où seule la description de leurs symptômes entre en jeu, de manière exclusive. Les données du discours sont impersonnelles, sans connotation affective. C'est un discours rationnel, méthodique, qui prend fin dès que les plaintes ont été exposées. Pour le soignant, il y a impossibilité de provoquer chez ce patient des associations subjectives. On nomme ce genre de relation, vide de toute affectivité, la "relation blanche".

 

Le patient ignore l'Autre, et l'interlocuteur est uniquement un tiers témoin, comme le serait un magnétophone ou un appareil photo. Si en face du malade on reste silencieux, les plaintes vont augmenter. Le patient psychosomatique n'arrive pas à exprimer ses affects. Il a une pensée opératoire, son discours adhère aux faits matériels.

 

Notons que les plaintes seront ordonnées de façon chronologique, le malade précisant le jour et l'heure. Il agit ainsi efficacement sur les choses. Son mode de pensée est tourné sur la rentabilité, évoquant la pensée obsessionnelle. Mais chez l'obsessionnel il y a une érotisation de la pensée, ce qui revient à dire que l'Objet érotique de l'obsessionnel est sa pensée, avec présence chez ce dernier de la notion de "pensée magique".

Le malade psychosomatique est sensible aux stéréotypies culturelles ("ça se fait!" ou "ça ne se fait pas!"). On dira de lui qu'il possède un Idéal du Moi collectif. Il est aussi très sensible aux pertes Objectales, dévoilant ici sa faille narcissique. On note enfin l'impossibilité du passage à l'acte.

 

Étude clinique

 

Chez le malade psychosomatique ce sont les muscles lisses, les viscères qui sont atteints, et d'une manière générale tout ce qui est involontaire (système nerveux parasympathique). Il ne faut pas confondre avec l'hystérie de conversion où se sont les muscles striés, la musculature volontaire qui est touchée.

Le choix de l'organe ou de la pathologie n'a aucune signification. Le corps est la victime d'un dérèglement psychique. Notons que le symptôme psychosomatique y est insensé, il ne signifie rien, et traduit tout au plus la limitation des capacités fantasmatiques.

Actuellement, la maladie psychosomatique se développe aux dépends de l'hystérie de conversion, peut-être parce que le contrôle des émotions est beaucoup plus efficace car culturellement prescrit.

 

 

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ÉTAT LIMITE et AMÉNAGEMENTS ÉTAT LIMITE

 

Il y a beaucoup de synonymes et apparentés, comme par exemple "cas limite", "border-line", "schizonévrose", "pré-psychose", "troubles caractériels narcissiques", ou encore "faux self"...

 

Clinique

 

KERNBERG et BERGERET ont fait apparaître un type de personnalité particulier: cela se voit chez des gens hyper adaptés socialement, avec besoin constant d'être admiré, et adoption d'un comportement mimétique reflétant la personnalité d'un supérieur hiérarchique. Ils vivent comme s'ils avaient une maturité suffisante, en contrôlant bien leurs émotions. La difficulté apparaît quand la relation affective devient étroite, quand ils ne peuvent plus se cacher derrière un personnage. Leurs relations inter personnelles, instables, traduisent un comportement anaclitique vis à vis de l'Objet. Ce dernier est à la fois un Objet dont ils dépendent et sur lequel ils s'appuient. Il y a une attente de satisfaction passive et une manipulation agressive de l'autre.

 

La dépression (ou la perte de l'Objet) est leur danger majeur. C'est une dépression de type abandonnique. Il n'y a pas chez eux de culpabilité, d'auto accusation ni de remords. Ces gens sont souvent violents, et emploient la violence codifiée par la société. De temps en temps ils échappent à la règle culturelle et deviennent coléreux, vindicatifs. Il est ici question d'angoisse: leur vécu narcissique risque d'être perturbé et l'angoisse se traduit en grande crise clastique, en tentative de suicide... Ils deviennent impulsifs pour obtenir la gratification instinctuelle, immédiate, du registre du processus primaire. Dans ce besoin de ne pas vivre la frustration, on voit apparaître des symptômes tels que la boulimie, on observe des tendances sexuelles perverses (ce ne sont pas des pervers car leur choix d'Objet est chaotique, alors que pour le pervers le choix d'Objet est codifié). Ils sont extrêmement résistants à la dissociation schizophrénique, bien que vivant des petits épisodes de dissociation.

 

Hypothèses psychogéniques

 

Selon BERGERET : l'état limite n'est pas une structure, ce n'est donc ni une névrose ni une psychose (il n'y a pas de communication d'une structure à l'autre; On est soit névrosé, soit psychotique). Il y a donc un espace vide entre ces deux structures, et c'est le domaine des états limites. Les malades "états limites" ont dépassé le stade des frustrations et de la psychose et ils n'ont pas régressé vers ces fixations. Ils ne sont ni névrosés, ni psychotiques.

Un traumatisme affectif s'est produit très précocement, comme une tentative de séduction érotique faite par l'adulte. Le jeune enfant est soumis à une émotion qu'il intègre comme étant de nature génitale, sans avoir l'appareil psychique suffisant puisqu'il n'a pas atteint le stade Oedipien. Ce sera pour lui une frustration, une atteinte du narcissisme. Ce traumatisme survenant avant l'Oedipe, l'enfant n'a pas la protection adéquate. Il ne peut se réfugier tantôt vers son père, tantôt vers sa mère. Il en viendra à faire l'économie de la période Oedipienne, et entrera directement dans une pseudo latence. Le traumatisme a arrêté l'évolution libidinale. Cette pseudo latence va se prolonger jusqu'à l'âge adulte, traversant l'adolescence sans problèmes apparents. C'est là le tronc commun aménagé des états limites.

 

Aménagements état limite

 

L'aménagement état limite est un effort que le psychisme fait en permanence pour se maintenir en dehors de la névrose et en dehors de la psychose.

L'état limite est avant tout une maladie du narcissisme. Le malade a dépassé le risque de morcellement mais n'a pas accédé à la relation génitalisée. La relation qu'il met en place avec les autres n'est pas duelle: c'est la dépendance et l'étayage. Son champ relationnel n'est ni névrotique ni psychotique.

Les aménagements limites conservent deux territoires : un qui est adapté à la réalité, pseudo névrotique, et un autre plus utilitaire, servant de faire-valoir. En règle générale les états limites n'ont pas accès au refoulement et ce clivage en deux territoires est le moyen d'éviter l'éclatement du Moi. C'est un aménagement toujours instable et on verra apparaître une évolution au cours de l'existence, soit de manière brusque (évolution aiguë), soit de manière plus silencieuse (évolution stable).

 

Évolution aiguë : il y aura une décompensation lors d'une mise à la retraite par exemple, ou lors d'un accouchement (post partum), ou encore à l'occasion d'un mariage. La confrontation à une mort symbolique (arrêt de la vie professionnelle, fin de la grossesse, enterrement de la vie de garçon) fera surgir une grande crise d'angoisse. Il pourra alors y avoir une tentative de suicide. Il s'agit toujours d'un deuxième traumatisme désorganisateur réactivant la problématique narcissique du premier traumatisme. Cette crise d'angoisse est un état transitoire pré-psychotique, pré-névrotique ou pré-psychosomatique. Le deuxième traumatisme a ouvert les portes d'un choix de pathologie, vers la névrose, vers la psychose ou vers la psychosomatisation.

 

Évolution stable : l'aménagement état limite débouche sur d'autres aménagements.

- Le premier possible est l'aménagement caractériel, avec soit une névrose de caractère, soit une psychose de caractère, soit enfin une perversion de caractère.

- Le deuxième aménagement possible est l'aménagement pervers...

 

 

- cours de psychiatrie: psychopathologie adulte - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -   


Intervention orale de Mr Lamothe, fév. 87.

Texte écrit, enrichi puis mis à jour par Mr D. Giffard

pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/

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PERVERSION et STRUCTURES PERVERSES

 

Histoire

 

Historiquement étaient désignés "pervers" les gens qui n'éprouvaient pas les symptômes de la pathologie mentale. Il y avait une notion d'économie psychique, les pervers ne semblant pas souffrir, par manque de moralité, dans leurs relations à la loi.

Le pervers, de manière répétitive et systématique, se distingue de la perversité en ce qu'il a une conduite sexuelle autre, déviée dans son but pulsionnel. Le besoin, pour aboutir à la jouissance, s'étaye sur des Objets supports de fantasme. Les gestes naturels de la reproduction ne sont pas suffisants, et d'autres prendront leur place de manière systématique. Pour faire naître le désir, le fantasme sera la condition nécessaire et suffisante, sans lequel la jouissance ne pourra être obtenue. On a alors un glissement de la totalité pulsionnelle vers un morceau, une partie qui devient essentielle à l'accomplissement.

Tout ce qui, de manière partielle participe à l'acte sexuel, fera partie des conduites perverses lorsqu'elles deviendront condition exclusive de la jouissance.

 

Moralité et normalité : dans la perversité, il y a une notion de moralité. La perversité c'est ne pas être pur, de manière secondaire. Ce sera l'utilisation d'actes immoraux, accompagnée de satisfaction.

Être "normal", c'est avoir la capacité de tenir droit sur un terrain en pente. Le pervers n'exprime aucune souffrance. Le pervers normal est celui qui peut se débrouiller sans dépendre des autres, sans faire trop souffrir. Le pervers pathologique sera celui qui fera souffrir les autres.

 

Approche psychanalytique

 

L'enfant est un pervers polymorphe en ce qu'il est branché directement sur ses pulsions, sans connaissance de la réalité. Il sort définitivement de ce fonctionnement en même temps qu'il sort de l'Oedipe. Il a alors acquis une censure de sa confrontation à la Loi. L'origine pulsionnelle est liée au développement neuropsychique qui donnera à l'enfant le pouvoir de commander à sa bouche, puis à son anus et enfin à son urètre. Le manque, la frustration sont nécessaires pour que se réalise le besoin, sortant l'enfant de la position schizoparanoïde ("je commande"). Vient alors la position dépressive, la satisfaction n'est plus immédiate, le bébé reçoit quand l'autre lui donne.

 

Le pervers n'a pas un désir, mais un besoin demandant une satisfaction immédiate. L'autre n'existe pas.

 

Avant le stade du miroir, il n'y a pas d'identité. Au stade anal il y a un jeu avec le manque. L'enfant commence à dire non à la mère, et acquiert une maîtrise. Ayant acquis cette maîtrise, il peut donner activement. Il n'en est plus à subir passivement l'extérieur, il est devenu actif. L'enfant a une identité. A partir de là, de cette maîtrise limitée, il va vouloir tout conquérir. Il y a un sur-investissement narcissique, et l'enfant ne reçoit que des gratifications. Il pensera alors pouvoir apporter toutes les satisfactions à sa mère. L'enfant se mesure désormais à son père, et se trouve confronté à la loi. De par sa parole de tiers, le père y énonce sa présence. Si le manque a permit la représentation mentale, la loi permet de faire des associations d'idées dans un processus secondaire. Cette loi sera une loi de protection qui évitera à l'enfant de déprimer après sa toute puissance. Il substituera un fantasme à cette dépression. En effet, s'il ne peut plus apporter les satisfactions libidinales, ce n'est pas qu'il n'est pas capable, mais parce que c'est interdit. On aura alors l'entrée en latence. Les pulsions libidinales pourront être retirées de cette voie sans issue, pour les reporter vers l'apprentissage cognitif. La loi de castration permet à l'enfant de se retirer d'une expérience affective insatisfaisante. C'est donc une loi de protection qui le dirige vers la connaissance et la socialisation. L'interdit est la possibilité de tomber d'accord, c'est un consensus avec l'autre, la mère.

Si la mère lui laisse croire qu'elle n'a pas besoin d'un homme, que son enfant lui suffit, il s'imaginera qu'il n'aura pas besoin de grandir. Il faut que la mère montre sa confiance en la vie suffisante pour que l'enfant ne reste pas bloqué à un stade qui correspond à une organisation perverse. Il faut qu'elle ose laisser son enfant seul, qu'elle l'écarte quand elle rencontre le père.

 

Il y a deux structures stables, la structure psychotique et la structure névrotique. L'organisation psychosomatique n'est pas une structure et se joue à un âge très précoce. C'est un mode de fonctionnement qui n'inclut pas le fantasme, et la vie mentale reste très pauvre (comme dans l'alcoolisme par exemple). L'organisation perverse se caractérise quant à elle par une apparence de génitalité, de fonctionnement social adapté et mentalisé. En réalité on a affaire à un déni de la réalité, qui découle directement du déni de la castration ("je suis le maître du monde").

 

Il ne s'agit pas ici de psychose. Le pervers n'a pas compris la nécessité du respect de l'autre, il dénie la nécessité de recevoir la loi du père. Il dénie qu'il soit différent, que ce soit au niveau des générations (enfant/adulte), au niveau du sexe (garçon/fille)... etc. Le fonctionnement psychique, très riche, est celui d'un enfant qui a partagé trop tôt des soucis d'adulte. Le père a fait vivre à l'enfant des émois pulsionnels, des excitations non maîtrisables. Il n'y a pas eu protection de l'enfant. Les parents n'ont pas eu de censure devant l'enfant, lui ont parlé en adulte, l'ont fait participer, lui ont mis sous les yeux. L'enfant a vu. L'adulte pervers était un enfant qu'on n'a pas protégé. Il en a conclu qu'il n'y avait pas de différence entre lui et l'adulte, qu'il n'y a pas de loi, le père étant dévalorisé, ridicule (insuffisance narcissique). L'enfant n'a aucune raison de s'identifier à lui. Sa loi ne marche pas.

Le pervers se croit donc à l'origine de la loi. Lui-même fera sa loi. Ainsi il sera d'une part délinquant, et d'autre part indélicat.

 

Aspect relationnel

 

Au tout début, la relation d'Objet est orale. L'Objet doit remplir. Puis la relation devient "lâcher/retenir". C'est alors une relation d'Objet anale. Les relations d'Objet très primitives demandent très peu de coopération de l'autre, qui n'est pas bien différencié. Le pervers utilisera la relation sado masochiste car c'est une relation solide, qui apporte une sécurité affective: "si je fais du bien, je ne suis pas sur qu'on me le rende. Si je fais du mal, je suis assuré d'avoir un retour". C'est un mode de relation qui ne parie pas sur l'autre. Le pervers essaie de disposer de l'autre, ne lui fait pas confiance.

Pour s'en tirer, l'enfant est obligé de refuser la loi du père et de s'en créer une. La loi n'est pas protectrice, l'enfant a vécu dans une dérision. Le père lui a dit: "en dehors de là où je t'attends, tu n'existes pas". Le pervers fonctionne ainsi avec les autres. Il leur assigne une place, en niant le droit à la différence. Le pervers pose la source de ce qui est bien et de ce qui est mal. Il existe chez lui des mécanismes abandonniques, ses modes de relation primitifs traduisant le manque de respect des parents à son égard. Il n'aura pas perception du manque, de l'interdit.

 

Sadisme : c'est le plaisir que l'on tire à faire souffrir ou humilier autrui. Dans le sadisme, il y a confusion entre le dynamisme érotique et le dynamisme agressif. Le but est de contrôler, maîtriser l'Objet affectif corporellement (il y aura donc souvent investissement dans la musculature) et psychiquement (investissement dans les comportements manipulatoires). L'angoisse de castration provoque une régression au stade sadique-anal. Pour ne pas être la victime, le sadique devient le bourreau.

 

Masochisme : c'est un retournement de l'agressivité sur soi. Le plaisir est atteint dans la souffrance et l'humiliation. La personne masochiste impose son scénario à son partenaire car celui-ci est un instrument pour lui. Cela correspond à une régression au stade anal où la punition était recherchée pour le plaisir. Face à l'angoisse de castration, il se l'inflige lui-même pour éviter qu'on ne lui inflige. C'est sans cesse une répétition de la scène de castration. Dans le même temps, le masochiste se punit des désirs vis à vis de la mère ou du père. Dans le plaisir est la punition qu'il demande.

 

Exhibitionnisme : c'est la tendance à montrer à des tiers ses organes sexuels, en érection ou non. Cela concerne essentiellement les jeunes hommes. Le but est de susciter l'effroi, le scandale. C'est alors une scène où les deux protagonistes se touchent du regard, avant la fuite. Le regard de la femme est l'équivalent du substitut phallique. Face à l'angoisse de castration, l'exhibitionniste a besoin que l'Autre réassure sa possession d'un pénis. Ce comportement correspond à la persistance d'une pulsion partielle qu'était l'exhibition devant la mère pour la séduire.

 

Voyeurisme : consiste à épier autrui à son insu et dans son intimité. C'est un moyen pour contrôler visuellement la scène primitive vécue comme une agression dangereuse. C'est aussi un moyen de vivre par procuration le rapport sexuel sans la crainte du châtiment qu'est la castration. C'est enfin la recherche du pénis chez la femme.

 

Travestisme : c'est le plaisir sexuel apporté par le port du vêtement de l'autre sexe, ainsi que l'imitation des attitudes corporelles de cet autre sexe. Ce comportement correspond à une identification primaire à la mère préœdipienne. La mère est vécue comme possédant le phallus (dans une inversion du complexe d'œdipe).

 

Fétichisme : perversion par déviation du but, le désir érotique se rapporte à une chose inanimée. C'est une défense contre l'angoisse de castration qui amène l'enfant à une véritable dénégation de l'absence de pénis chez sa mère. L'Objet fétiche est alors l'équivalent de ce phallus maternel dont la manifestation symbolique apparaît dans certains vêtements ou dans les cheveux, la fourrure... Surtout masculin, il se rencontre aussi chez quelques femmes qui vont valoriser une caractéristique vestimentaire ou corporelle du partenaire. Le sujet est souvent immature au niveau affectif, anxieux, timide. Le fétichiste a un rituel, et il démontre par là qu'il a la loi: "j'ai organisé l'univers, tout se passe comme je l'ai prévu".

 

Psychopathie et perversion

Soin

 

Si les véritables pervers sont assez rares, leur pronostic d'évolution demeure sombre. Ils sont très souvent incapables de se plier à une discipline institutionnelle, et restent principalement soucieux de satisfaire leurs appétits. Le pervers rencontre en fait le psychiatre quand il s'est fait arrêter. Il recherche de lui-même le contact avec le stimulus, avec la loi. Lorsque la répression s'abat sur lui, ou quand il se trouve bousculé dans son système, pour une fois non prévisible, le pervers fait la démarche de rencontrer le psychiatre. Il y a eu surgissement d'un sentiment d'angoisse dans le fait que l'on a pu disposer de lui. Au départ il avait tout prévu, mais ça ne se passe pas comme il le pensait, et se trouve confronté au manque: "je ne suis pas complet!". Le moment de la dépression du pervers est alors à saisir pour lui permettre de se réconcilier avec ses affects, de reconnaître le risque de la différence...

 

 

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Interventions orales de Mrs Réal et Zimmerman.

Texte écrit, enrichi, mis à jour par Mr Dominique Giffard

pour le site "Psychiatrie Infirmière": psychiatriinfirmiere.free.fr/

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PSYCHOPATHIE et ORGANISATIONS PSYCHOPATHIQUES

 

Psychopathie (intervention orale de Mr Réal, fév. 87)

 

La psychopathie fait référence à une structure de la personnalité non obligatoirement pathologique. La fixation psychopathique se fait au stade oral. Faire référence à une structure permet de ne pas désigner le cas de façon pathologique. Ainsi un individu pourra être de structure d'état limite compensée, ce qui revient à dire que ses relations aux autres pourront demeurer adaptées, bien qu'il soit peut-être plus fragile à certains moments ou dans certaines situations.

Chez le psychopathe, on notera un refus de voir la réalité et non un déni de celle-ci. Le plaisir est recherché aussitôt et sans attente. Le passage à l'acte est caractéristique de cette pathologie, et pourra s'exprimer dans le suicide, dans les coups... etc.

On dit que la mère du psychopathe a fait son éducation à contre-temps, et que le père est resté absent au niveau de la référence génitale. Ainsi le sujet aura bien un Surmoi, mais inorganisé et archaïque, et fonctionnera sous les principes de plaisir et de réalité.

 

Le passage à l'acte doit être compris comme un court-circuit, une impossibilité de parler et la seule réponse à l'agressivité sera d'ordre moteur. L'observateur en gardera une note d'incompréhension, avec brutalité soudaine dans un contexte de froideur apparente. Il n'y a pas notion de défi ni d'énervement.

La verbalisation va rester extrêmement pauvre. Le psychopathe ne peut pas se regarder fonctionner.

 

Au niveau du soin, le psychopathe induit un contre-transfert négatif et ambivalent. Il utilisera le clivage comme mode de défense. La distance est toujours difficile à respecter et maintenir avec ces patients: ou leur relation est trop envahissante, ou elle est rejetante. La relation thérapeutique est donc de fait fragile.

 

Différentes personnalités

Données psychodynamiques

 

Pour les psychopathes, on ne peut pas parler de dépression classique puisqu'il ne peut y avoir référence aux interdits, ni culpabilité. La dépression du psychopathe est plutôt d'ordre narcissique, et le passage à l'acte en est une composante. L'histoire du psychopathe est faite d'histoires qui sont en plein dans la réalité et dans le principe de plaisir, en dehors de tout interdit et de toute culpabilité. La mythomanie est une façon de gommer la réalité pour l'aménager, la transformer. La construction psychopathique se distingue de la construction psychotique. En effet la psychose n'aura pas besoin d'éléments extérieurs: elle reconstruit et crée tout son monde, ce n'est pas une adaptation. Chez le psychopathe, on ne retrouve pas la logique du paranoïaque, la longue et fine construction de son délire. La construction du psychopathe touche les éléments ponctuels et les transforme, les embellit pour passer à d'autres par la suite. On retrouvera à la fois des aspects hystériques, paranoïaques, des passages à l'acte, choses que l'on ne voit pas ensemble dans aucune autre maladie.

 

Le psychopathe utilisera 6 principaux mécanismes de défense :

  1. Le clivage en bon et mauvais objet, permettant d'éviter la confrontation du patient à son ambivalence affective. Cela lui évite l'angoisse et la dépression narcissique. Le mécanisme du clivage protège contre le sentiment d'incomplétude. La construction psychique du psychopathe ménagera un premier secteur adapté au milieu qui ne peut faire l'objet de blessures narcissiques et un deuxième secteur continuellement blessé. Le clivage lui permet de résoudre son angoisse interne et empêche la dissociation. L'intolérance à la frustration est une conséquence du clivage;

  2. L'idéalisation. Cela concerne les Objets externes qui doivent apparaître comme étant parfaits, hors de portée de tout risque de destruction, destruction que le sujet lui-même pourrait en fait causer. Il y a méconnaissance de toute agressivité envers ces Objets, qui alimentent aussi une gratification narcissique. Quand un psychopathe se rend compte que l'Objet en question n'est pas si parfait que ça, la relation casse. Il y aura une tension entre ces deux extrêmes que sont l'Objet parfait et l'Objet mauvais;

  3. L'identification projective. C'est un mécanisme en rapport avec le clivage. Les images de Soi perçues comme étant mauvaises seront externalisées. Le psychopathe a une grande difficulté à établir les limites entre Soi et l'Objet, entre l'interne et l'externe, et ceci explique la fragilisation du Moi. Ces patients auront toujours besoin de contrôler l'Objet pour s'en protéger, et l'Autre sera donc forcément perçu comme dangereux;

  4. Le déni, concernant surtout les émotions. Les actes n'ont pas de valeur émotive. Le passage à l'acte existe en lui-même sans valeur interne. Il n'y a pas de déni de la réalité;

  5. L'omnipotence, en rapport avec le narcissisme exacerbé;

  6. La forclusion. C'est la séparation du sens et de la chose. Le signifiant est mis à l'extérieur. C'est une sorte de clivage concernant l'ensemble "signifiant/signifié".

Le psychopathe a toujours besoin de tester, d'appréhender la réalité. D'une manière générale, il ne souffre pas, il n'a pas de demande. Ce sont les autres qui souffrent.

 

Traitement

 

Il ne faut pas hésiter à user de contention. Le psychopathe n'est pas dans un premier temps accessible à la parole. Il faut donc d'abord le cadrer, un peu comme si l'important était en premier lieu de préserver l'institution de soin.

Toujours respecter la cohérence du soin. Pour cela le travail en équipe est primordial, en trouvant la distance avec le patient, avec lequel il sera toujours difficile d'y voir clair (au niveau du contre transfert).

La chimio thérapie n'est pas indiquée, à part peut-être dans un but de médiation.

La manière de dire est presque plus importante que ce que l'on dit. On pourra utiliser le clivage qu'il projettera sur les différents intervenants pour suivre, au sein de l'équipe, l'évolution du patient. Il ne faut pas le déresponsabiliser mais bien plutôt le mettre devant ses responsabilités.

Le soignant doit aussi jouer le rôle de Surmoi, l'hôpital incarnant la Loi. Le début du travail est de remplacer le Surmoi défaillant par un Moi auxiliaire.

Notons aussi la grande difficulté qui existe pour se situer entre le pôle de la loi et le pôle soignant.

 

Organisations psychopathiques (intervention orale de Mr Zimmerman, sept. 86)

 

Les adolescents dyssociaux : quand on parle des bandes d'adolescents, on se trouve à la limite de la psychologie, de l'ethnologie (fossé des générations), de la sociologie et aussi de l'adolescence. La délinquance est intermédiaire entre l'enfance inadaptée (psychologie et psychiatrie) et l'état adulte délinquant (justice). On aura donc toujours cette oscillation "justice/psychiatrie", et en parallèle "punition/soin" ou "punition/maternage". Chez les adolescents, peu de classifications peuvent rendre compte de la problématique. Leurs structures psychologiques restent en développement et sont de fait assez floues au regard de la nosographie. Notons néanmoins que les psychopathes sont généralement des personnes isolées, ayant beaucoup de difficultés à s'intégrer, sinon de manière fluctuante.

On pourra distinguer 3 facteurs de non-tolérance à l'autre, caractérisant le psychopathe: impulsivité (fragilité et sensibilité), tolérance très basse aux frustrations et enfin très faible capacité à intégrer les expériences. Notons aussi que les psychopathes ont peu de capacité à mentaliser, à projeter dans l'avenir leurs attentes.

 

Clinique : on observera des troubles de l'humeur, avec oscillation très rapide entre un état euphorique et un état triste. Il y aura aussi des troubles caractériels comprenant une hyper émotivité, de l'immaturité, des traits hystériques avec besoin de séduire, des traits paranoïaques avec sentiment de persécution, un caractère oral dans le besoin continuel de la mère. Enfin se verront des troubles du comportement dans un "agir" perpétuel pour résoudre le conflit, au niveau de la parole comme de l'acte, ou une recherche de la souffrance des autres, des perversions dont principalement le sadisme.

 

Niveau psychologique : on remarquera la problématique de la séparation et de l'individuation. Tout ce qui frustre est mauvais et tout ce qui gratifie est bon (bon et mauvais sein). Se sentant à la fois frustré et agressé, le psychopathe va, par mécanismes de projection et d'identification à l'agresseur, se retourner contre le symbole momentané de cette agression. On pourra aussi noter une forte tendance à la mythomanie, dans le but précis d'obtenir une satisfaction de manière immédiate. Le psychopathe vit dans le présent, et ne peut s'en détacher. Au niveau du réel, il y aura des difficultés scolaires intenses, des problèmes avec la justice... Les intégrations sociales seront dans un premier temps recherchées mais rapidement le psychopathe se fera rejeter, expulser. Les travaux professionnels sont de courte durée. Il est dans une quête perpétuelle et ne vit que dans l'insatisfaction continuelle.

Les défenses du psychopathe sont fragiles, peu économiques. Elles le protègent contre une angoisse massive qui renvoie à quelque chose de plus archaïque que la castration. Cela a à voir avec la période dépressive du nourrisson, et très souvent on note un manque affectif dans la première année de sa vie. L'agir psychopathique évite au sujet de penser. Cela permet de comprendre la répétitivité de ses comportements, sans aucune prise à la réflexion. Cela éclaire aussi la difficulté à intégrer les expériences. L'angoisse du psychopathe est plus proche de la psychose que de la névrose. C'est une angoisse de morcellement. On note aussi des fantasmes profonds de mère sadique, de scène primitive agressive, de dévoration. L'agression est une fuite face à l'angoisse, projetée sur l'autre sans sentiment de culpabilité.

 

Soigner un psychopathe revient en fait à le mettre dans une position très fragile, dans un mouvement dépressif intense.

On parle plus des psychopathes hommes car, au niveau de l'enfant, la relation du garçon est davantage marquée par l'absence d'un père psychiquement inexistant, et sa recherche. La mère a occupé une place prépondérante, qui autorisait tout, sans rapport à la loi. Au niveau du couple il y a peu de compromis, l'amour est narcissique, jaloux, sadique. Rappelons que le couple est le lieu le plus favorisant pour l'expression des caractères psychiques.

Pour un diagnostic différentiel, même si on note certains épisodes délirants aigus, la pathologie du psychopathe n'évoquera pas cette perte de la réalité que pourra présenter par contre un schizophrène.

 

Évolution : avec l'âge, le psychopathe "se calme". Aussi n'en trouve t'on pas beaucoup au dessus de 45 ans. Tout ce qui a à voir avec les rites de passage de la société sera abordé, dans une paradoxale recherche de la norme sociale. En quelque sorte, l'adolescence du psychopathe sera très longue, et sa maturité ne viendra que vers 45 ans.

Il y a une grande notion d'authenticité chez ces personnes qui fait que beaucoup de gens ont envie de s'en occuper, mais la déception est souvent là. On notera des rapports réguliers avec la justice, des relations sadiques avec l'entourage... 

Précisons que les toxicomanes sont des psychopathes.

La psychopathie pourra évoluer vers d'autres pathologies. Ainsi le sujet développera par exemple un délire paranoïaque adulte (psychose), ou entrera dans l'éthylisme (pathologie comportementale), ou encore s'orientera vers un caractère névrotique.

 

Niveau psychosocial : depuis 1945 il y a une réelle évolution dans la façon dont la société conçoit l'adolescence. On note aussi une évolution au niveau des délits (vols des voitures, vols dans les magasins). On peut distinguer 3 types de sociétés culturelles: les sociétés post-figuratives (les valeurs sont transmises des parents aux jeunes), les sociétés co-figuratives (les valeurs sont transmises au seing d'une même classe d'âge) et les sociétés pré-figuratives (les jeunes transmettent leurs valeurs aux aînés). La société traditionnelle était post-figurative. Vers les années 1950 on a pu voir un type de société co-figuratif et dernièrement s'est mis en place une société pré-figurative. C'est ainsi que les adultes ont pu se sentir menacés, tout en cherchant à paraître jeunes, et à s'habiller comme eux. Dans la société traditionnelle, chacun avait sa place.

 

Il faut noter aussi que les rites de passage ont tendance à disparaître en même temps que l'aspect post-figuratif de la société. Ainsi le mariage a perdu de sa valeur, le service militaire a disparu... Le passage à l'âge adulte n'est plus aussi net.

Il y a souvent un grand décalage entre les valeurs sociales et les valeurs familiales, et l'identification de l'adolescent en est sûrement plus difficile, voire perturbée. Les repères, qu'ils soient parentaux ou sociaux deviennent flous, les contradictions apparaissent. Dans la bande, l'adolescent retrouvera de manière caricaturale les repères qui peuvent lui manquer par ailleurs.

 

Les familles avec un fils unique, ainsi que les aînés de familles nombreuses ont statistiquement plus de risques d'avoir des pathologies psychiatriques d'un autre registre, tandis que c'est entre frères et sœurs que les identifications semblent de préférence entraîner la délinquance. La bande sert d'étayage, avec acquisition de valeurs propres, souvent despotiques. La loi sera paradoxalement dure. A l'origine non délinquante, la bande commettra des délits par opposition à la société, aux parents... C'est une façon d'exister, mais en opposition.

 

Les vols de voitures ne sont pas perçus comme du vol, de même que les vols dans les grandes surfaces ne sont pas dirigés contre les personnes. Les vols sont devenus banalisés, par la société comme par la police.

La toxicomanie est banalisée tout en étant interdite par la loi. On peut remarquer un mouvement double dans lequel la société comme la famille valorise les enfants et l'adolescence, en même temps qu'elle les rejette.

 

L'adolescent a beaucoup de mal à exister seul. Le groupe est rassurant.

Le psychopathe passe par l'agir, et c'est l'agit seul qui détermine la pathologie. Cela veut dire que l'on peut souvent confondre psychopathie et délinquance. Dans les bandes d'adolescents on ne voit pas de psychopathe, ou rarement. Le psychopathe est mal intégrable. On peut remarquer la relation au corps (tatouages, marques...) qui semble être commune aux psychopathes et aux adolescents.

 

 

- cours de psychiatrie: psychopathologie adulte - formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -   


Intervention orale de Mr Bon, fév. 87.

Texte écrit, enrichi et mis à jour par Mr D. Giffard

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LA PARANOÏA 

 

FREUD part du principe que la paranoïa s'est construite en défense face à un désir homosexuel, avec construction d'un délire de persécution. La base du conflit serait: "j'aime un homme" (éprouvé d'un désir homosexuel) transformé en "je le hais" (mécanisme de contre-investissement), et aboutissant à "il me hait" (mécanisme de projection). De ce fait, le sujet paranoïaque n'est "haï" que par les gens auxquels il voudrait ressembler (vis à vis desquels il ressentirait plutôt de l'attirance, un désir d'identification). Il ne choisit l'Objet aimé/haïssant qu'en fonction de critères narcissiques.

 

Les pulsions homosexuelles se sont sublimées en pulsions sociales, permettant au paranoïaque d'accéder à, et de jouir des postes sociaux clefs. Quand rien n'entrave cette sublimation, tout va bien car socialement ce n'est pas culpabilisant. Mais dès qu'intervient une trop forte poussée de pulsion homosexuelle, seul le délire est alors apte à l'évacuer.

Rappelons que les pulsions homosexuelles sublimées en pulsions sociales sont celles qui incitent les jeunes enfants à se retrouver en groupes du même sexe à l'école, et les adolescents en bande du même sexe pour se mesurer à d'autres.

Le sujet paranoïaque se focalise sur un être narcissiquement intéressant auquel il prête des sentiments de haine à son égard.

 

Au tout début d'une construction psychique chez l'enfant, il y a morcellement du corps: "ma bouche se fait plaisir", "mon ventre se fait plaisir", puis après que l'unité corporelle se soit réalisée naît le narcissisme primaire, Objet d'amour où converge l'intérêt de l'enfant. Vient ensuite le narcissisme secondaire: "j'aime l'Autre pour qu'il ou elle, ou à condition qu'il ou elle m'aime".

 

Si chez le sujet névrotique l'angoisse est dite "de castration", chez la personne psychotique existe une angoisse de morcellement, celle-là même qui renvoie à un conflit non résolu de sa petite enfance. Le sujet paranoïaque a une relation à l'Autre de type psychotique dans le sens où il ne fait pas de différence entre ce qu'il pense et ce que les autres pensent ou font. De fait, il lui sera extrêmement difficile de prendre du recul, de la distance par rapport à ce qu'il fait ou ce qu'il dit, car cela signifierait se mettre à la place de l'Autre.

 

Dans la paranoïa, la relation d'Objet n'est pas totale. Elle est de type narcissique: l'Autre n'est reconnu que dans la mesure où le sujet lui-même s'y retrouve. Dans l'Autre est projetée la part du Moi qui persécute, par culpabilisation. Le stade du miroir peut servir d'exemple pour expliquer ce qu'est la paranoïa. Du stade anal renaissent des projections d'agressivité et de l'ambivalence. L'Autre est le support de la projection de la partie de lui-même que le sujet paranoïaque expulse.

 

Les délires paranoïaques

 

Il y a trois délires paranoïaques :

  1. Délire de persécution : "je l'aime" ...   ... "il me hait";

  2. Délire de jalousie. Dans un exemple de paranoïa masculine : "ma femme me trompe avec un homme" (si possible haut placé socialement). On voit alors qu'il est question d'une relation sexuelle, avec présence d'une personne de même sexe, en l'occurrence un homme mais c'est la femme (l'Autre) qui en supporte l'interdit!

  3. Délire érotomaniaque : "cette femme m'aime mais on l'empêche de me le dire". Le persécuteur est toujours quelqu'un de même sexe, et donc ici un homme. Il est bien encore question de deux hommes et d'une relation amoureuse, mais la présence dans la construction délirante de cette femme providentielle a escamoté les désirs profonds intolérables. Dans le délire érotomaniaque, il y a une phase d'espoir, une phase de dépit et une phase de rancune.

Dans ces trois délires, il y a toujours la présence d'un homme (dans le cas d'une paranoïa masculine) ou d'une femme (dans le cas d'une paranoïa féminine) plus haut placé(e), socialement ou non. Ce sera le "persécuteur", rôle nécessaire à la construction délirante. Les mécanismes de contre investissement et de projection ont maquillé une pulsion sexuelle intolérable en pseudo-réalité beaucoup plus acceptable pour le sujet délirant. C'est un délire systématisé, ne laissant aucune prise au doute et se construisant au fur et à mesure que la personne paranoïaque a besoin de se protéger de ses propres pulsions. On notera aussi le travail inconscient d'un "refoulement premier", contemporain de la fixation, et qui permet de ne pas voir en l'homme aimé (ou en la femme aimée) un Objet sexuel.

 

Petit rappel

 

 

- formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique -

- programme officiel enseigné sur 3 ans entre 1979 et 1994 -

- cours de psychiatrie: psychopathologie de l'adulte, 2ème dossier -

 

 PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE  -  1er DOSSIER

suite

 PSYCHIATRIE INFIRMIÈRE : PSYCHOPATHOLOGIE ADULTE

Interventions orales de différents intervenants,

sauf spécification notée en marge du texte.

Écrit puis mis à jour par Mr D. Giffard,

pour le site "Psychiatrie Infirmière";

http://psychiatriinfirmiere.free.fr/.

Références et contact e-mail.

 

bibliographie

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  MÀJ 04.09.11