Bonjour,

En recherche sur des articles et publications sur la profession infirmière et sa dernière réforme des études, en quête de travaux sur les situations d’apprentissage « clés » en psychiatrie, j'ai rencontré votre site. Tout d’abord je tiens à souligner sans faux semblants l'ampleur de la tâche que vous avez réalisée, considérant la somme de travail qu'il vous a fallu pour publier et mettre en ligne toutes ces informations et contenus : je vous dis bravo ! Attention cependant à veiller à la mise à jour de certains contenus obsolètes : charte du patient 1995 > charte de la personne (2006) ; loi de 1968 sur les incapables majeurs > loi de 2007 sur la protection des majeurs, etc.

 

Je dois cependant vous dire que je vous écris surtout parce que je ne partage pas un certain nombre de prises de positions à propos de l'identité de l'infirmier en psychiatrie, parce que je le suis moi-même (diplômé ISP en 1987), et que je ne m’y retrouve pas du tout lorsque je découvre le maintien d’un combat que je qualifie dans son raisonnement « d’arrière garde ». Vous voulez défendre le soin en psychiatrie, je vous rejoins ; de là à affirmer que la psychiatrie est en train de perdre son âme avec la réforme des études de 1992, alors je vous dis non ! Sous couvert d'un site engagé, et je respecte les convictions de chacun, mais je ne trouve pas normal que l'on affirme gratuitement, et que l'on désinforme systématiquement, sans argumentaire sérieux.

 

En effet le diplôme de 1992 est de mon point de vue loin d'être un scandale car s'il a mis fin à la filière différenciée des ISP, jamais il n'a pas mis fin – et ne mettra jamais fin -  à l'exercice infirmier en psychiatrie. Ne vous y trompez pas, et n'allez pas tenir votre discours aux jeunes collègues des EPSM d'aujourd'hui, ils vous renverront à vos études plus énergiquement encore que moi ! Quand votre site affirme qu'"on" constate les effets de cette réforme en sous entendant que que les compétences ne sont plus les mêmes, c'est tout aussi scandaleux que les propos de Jean Oury et son "scandale du siècle" ! Je vais adopter le même ton péremptoire en vous disant que les grand "gourous" de la psychothérapie institutionnelle, Delion et consorts, devraient respecter les autres pour être respectés aussi ! Aussi brillants sont-ils pour ce qu'ils ont vraiment apporté, qu'ils gardent les pieds sur terre, et ne débordent pas de leur rôle en devenant les censeurs d'un métier (infirmier) qui n'est pas le leur !

 

Les nouveaux infirmiers par rapport au programme précédent : parlons-en objectivement : hormis quelques mois de stage et donc d'expérience pratique en plus, qu'avions-nous donc dans notre formation initiale qui nous permette de dévaloriser à ce point – indécent - les nouveaux infirmiers d'aujourd'hui ? Des modules théoriques ? Un peu plus étoffés, certes, mais pas tant que l'on veut bien le dire, il suffit de comparer les programmes de formation (relisez les vous verrez ! Au jeu de la provocation je vous parierai même assez cher que certains ISP d’avant 1995 ne valideraient pas les épreuves théoriques de psychiatrie à l’IFSI ! Car évidemment ce  n’est pas une question de génération, « le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est c… on est c… » chantait Brassens ! (Vous voyez la technique des formulations « à la Oury  » « ndlr : syn : à la hussarde » ça dérange… surtout qu’on évite d’aborder les vraies questions, le fond du sujet !)

 

Plus sérieusement, confrontée à la réalité du terrain, cette régression présupposée liée au nouveau diplôme, ce « retard » s'estompe rapidement après quelques mois d'exercice en psychiatrie, pour des professionnels qui ont envie de s'y investir parce que -tout comme vous et moi - ils y ont trouvé matière à s'y épanouir. Pour certains il faut un peu plus de temps, de la formation continue d'approfondissement, la démarche de tutorat également, autant de leviers de renforcement des connaissances... et des compétences : d'ailleurs, pouvez vous reconnaître du premier coup d'œil l'infirmier diplômé en 1994 (dernier DISP de son collègue diplômé 5 ans plus tard (à âge "civil" équivalent) ? Rien n'est moins sûr ! Si vous y parvenez dites moi comment ! C.Q.F.D...

 

Et puis n'oublions pas de reconnaître les points positifs de l'unification du diplôme infirmier, qui permet tout de même à tous les infirmiers de bénéficier d’un socle commun de connaissances partagées, dont la psychiatrie, ce qui n’était pas le cas avant : sur ce point le progrès est énorme, à terme ce sont plus de 400 000 infirmiers pour qui l’enseignement de la santé mentale ne se limitera plus à quelques heures de cours et à un seul stage que de nombreuses écoles « DE » présentaient comme le vilain petit canard ! A ce propos votre analyse de la circulaire de 2003 qui enjoint les IFSI de recruter des formateurs compétents en santé mentale est erronée : la circulaire ne remet pas en cause la réforme, elle demande aux IFSI qui faisaient de la résistance à l’enseignement de la psychiatrie de « jouer le jeu », et de traiter cette matière avec autant de considération que les autres. A ce sujet, avez-vous conscience qu’il y a des cadres de santé « psy » diplômés infirmiers d’après 1995 ? Et qu’est ce qui vous permettrait d’affirmer qu’ils ne sont pas à la hauteur, soit pour enseigner la psychiatrie, soit pour encadrer les équipes de soins en santé mentale ?

 

Alors soyons clairs : oui, oui, et encore oui pour la promotion du soin en psychiatrie, que je défends, je l’espère comme vous, mais avec de vrais arguments, comme une véritable spécificité qui devrait déboucher sur la spécialisation, concrétisée dans le nouveau système LMD par un Master de pratiques infirmières avancées en santé mentale, soit une 4ème année de formation. Je crois vraiment que l’on peut se battre pour cela, mais sans corporatisme, sans débats identitaires stériles sur ce que représente la formation initiale qui n’est que le commencement de nos carrières de soignants, où toute l’expérience reste à construire pour acquérir la vraie compétence. La notion d'adaptation à l'emploi n'en demeure pas moins une question importante, au moment du recrutement des jeunes infirmiers, certes, mais il faut croire en leur potentiel et non pas se recroqueviller comme des anciens combattants nostalgiques ou aigris des réformes !

 

Votre site sera t-il assez ouvert à d’autres opinions pour publier mon témoignage ? Si oui, je vous y retrouverai avec plaisir ; si non, alors souhaitons-nous bonnes routes, mais je crains qu’elles ne se rencontrent plus guère !

 

Courrier reçu le 23 mars 2010, et écrit par

Hubert Colle, infirmier en psychiatrie, puis cadre de santé formateur en IFSI et en formation continue,

cadre de santé en unités de soins sectorielles et intersectorielles, et aujourd’hui directeur des soins en EPSM

 

 

 

 

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